Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/296

Cette page n’a pas encore été corrigée

baptême et de la rémission des péchés conférée par lui, ils nous disent : Comment serait-il digne de Dieu de pardonner les péchés à celui qui a commis tant de fautes ? Voyez-vous la perversion de leur pensée, qui cherche surtout à contester ? Pourtant, si c’est un mal de pardonner, c’est un bien de punir ; s’il n’est pas bien de punir, il est bien de pardonner. Je parle ainsi en me plaçant à leur point de vue ; mais, selon notre doctrine, il est bon de punir et il est bon de pardonner ; comment cela ? C’est ce que nous ferons voir dans une autre occasion, car celle-ci n’est pas opportune. C’est une question profonde et digne d’être longuement développée ; il faudra donc l’exposer aux yeux de votre charité.
Comment cette parole est-elle fidèle ? On le voit par ce qui précède et par ce qui suit. Considérez comment l’apôtre y prépare les esprits et s’arrête ensuite sur ce point. Quand il a dit que Dieu lui a fait miséricorde, à lui blasphémateur et persécuteur, il préparait l’esprit à cette parole, non seulement, dit-il, Dieu a eu pitié de moi, mais il m’a rendu fidèle ; tant il est vrai qu’il a eu pitié de moi. Car nul, voyant un prisonnier devenu l’hôte du palais, ne doute qu’il ait obtenu sa grâce ; et c’est ce qu’on voit en Paul. Mais encore, comment cette parole est-elle fidèle ? Il en montre la preuve en lui-même, car il ne craint pas de s’appeler pécheur ; mais il se glorifie d’autant plus d’avoir été l’objet d’une si grande bonté, parce que c’est par là surtout qu’il peut montrer la grandeur de la tendresse divine. Et comment ailleurs parle-t-il de lui-même ? « Suivant la justice qui est dans la loi, j’étais sans reproche » (Phil. 3,6) ; et ici il proclame qu’il était pécheur et le premier des pécheurs. C’est que, suivant la justice qui est l’œuvre de Dieu et qui est le vrai but de nos devoirs, ceux-mêmes qui sont dans la loi sont des pécheurs. « Car tous ont péché, et ne peuvent atteindre à la gloire de Dieu ». Il n’a pas dit simplement la justice, mais, la justice qui est dans la loi. Car de même que celui qui possède beaucoup d’argent paraît riche, à ne considérer que lui, mais est bien pauvre et le premier des pauvres, si l’on compare ses trésors à ceux de l’empereur ; de même ici, les hommes, même justes, sont des pécheurs, si on les compare aux anges. Mais si Paul, ayant pratiqué la justice qui est dans la loi, est le premier des pécheurs, qui, parmi les autres, pourra être appelé juste ? Car il ne parle pas ainsi en calomniant sa vie ; il ne s’est dit ni impudent, ni débauché, ni avide du bien d’autrui, à Dieu ne plaise ; mais, en comparant une justice avec l’autre, il montre que la justice légale n’est rien, et que ceux qui la possèdent sont des pécheurs. – « Mais j’ai obtenu miséricorde, pour qu’en moi tout le a premier, Jésus-Christ fît voir toute sa patience, afin que je servisse d’exemple à tous ceux qui croiront en lui pour la vie éternelle ».
2. Vous voyez comment ici encore l’apôtre s’humilie et s’abaisse, en présentant une autre cause plus humble de sa justification. Obtenir son pardon à cause de son ignorance, ne montre pas que l’on ait été fort coupable ni que l’on ait mérité des reproches bien accablants ; mais l’obtenir pour que désormais nul pécheur ne désespère d’obtenir aussi miséricorde, voilà ce qui témoigne d’un grand, d’un extrême abaissement. Et bien qu’il ait dit : « Je suis le premier des pécheurs, blasphémateur, persécuteur et coupable d’outrages » ; et encore : « Je ne suis pas digne d’être nommé apôtre » (1Cor. 15,9), rien de tout cela, ni de ce qu’il a dit ailleurs n’exprime autant d’humilité. C’est ce qu’une comparaison va éclaircir. Supposez une ville populeuse, dont tous les habitants soient criminels, les uns plus, les autres moins, mais qui tous sont condamnés ; que l’un soit plus que tous les autres digne de châtiments et de supplices, qu’il se soit livré à tous les genres de crimes. Si quelqu’un annonce que l’empereur veut pardonner à tous, on ne le croira pas facilement jusqu’à ce qu’on ait vu la grâce accordée au plus coupable ; mais alors il n’y aura plus de doute. Voilà ce que dit Paul, que Dieu voulant remplir les hommes de la confiance qu’il leur pardonne tous leurs péchés, a choisi le plus coupable de tous. Car, dit-il, quand j’obtiens mon pardon, nul ne peut douter du pardon des autres ; en sorte qu’on pourrait se servir de la formule : Si Dieu pardonne à celui-là, il ne punira personne. Il exprime par là qu’il n’était point digne de grâce, mais qu’il l’a obtenue en vue du salut des autres. Que personne donc ne doute, dit-il, puisque j’ai été sauvé. Voyez donc l’humilité de ce bienheureux. Il n’a pas dit : Pour que Dieu montre en moi sa patience, mais « toute sa patience » ; comme s’il eût dit : En nul autre, il n’en pouvait montrer davantage ; il