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en est de même de la grâce de l’Esprit ; mêlez-y les choses terrestres, les soucis des affaires, vous éteignez l’Esprit, et, à défaut de ce que vous aurez pu faire, il suffit d’ailleurs d’une tentation survenant violemment pour éteindre, comme le fait le vent, la flamme qui n’est pas assez forte, ou qui n’a pas assez d’huile pour la nourrir, ou c’est que vous n’avez pas bouché les ouvertures, fermé la porte, et tout est perdu.

Les ouvertures, qu’est-ce à dire ? Il en est de nous comme des lanternes : nos ouvertures sont les yeux et les oreilles. Ne souffrez pas que le vent de la perversité s’y engouffre, parce qu’il éteint la lumière ; bouchez vos ouvertures, avec la crainte de Dieu ; la bouche est une porte, fermez-la à clef, et tirez le verrou, afin d’abriter la lumière et de n’avoir pas à craindre l’irruption du dehors. Exemple : on vous a outragés, on, vous a dit des injures : fermez votre bouche, parce que, si vous l’ouvrez, vous excitez le vent. Voyez ce qui se passe dans nos maisons, quand il y a deux portes directement en face l’une de l’autre, que le vent souffle avec violence ; si vous fermez l’une, sans établir de courant d’air, le vent n’a pas de prise ; toute sa force tombe ; il en est de même ici : les deux portes sont votre bouche et celle de l’homme qui vous outrage et vous injurie. Si vous fermez votre bouche, si vous n’établissez pas de courant d’air, vous faites tomber toute la force du vent ; au contraire, ouvrez-la ; vous ne pouvez plus maîtriser le vent ; donc n’éteignons pas la grâce. Il arrive souvent que, même sans aucune irruption du dehors, la flamme s’éteint ; c’est l’huile qui manque ; nous ne faisons pas l’aumône, l’Esprit s’éteint. En effet, l’aumône vient de Dieu vers vous ; elle voit qu’il n’y a, auprès de vous, aucun fruit à faire, et elle s’envole ; elle ne reste pas dans une âme insensible à la pitié. Une fois l’Esprit éteint, vous savez ce qui arrive, ô vous tous qui avez marché dans une nuit sans lune. S’il est difficile de trouver, pendant la nuit, le chemin qui conduit d’une terre à une autre terre, comment pourrait-on se diriger ; dans le chemin qui conduit de la terre au ciel ? Ignorez-vous tous les démons répandus dans cet espace, tous les monstres, tous les génies de la perversité ? Eh bien, si nous avons cette lumière dont je parle, ils ne peuvent en rien nous nuire ; au contraire, si nous l’éteignons, vite ils se jettent sur nous, vite ils nous dévalisent. Vous savez bien que les brigands éteignent la lumière avant de commettre leurs brigandages. Ces esprits du mal voient clair dans ces ténèbres, parce que leurs œuvres sont ténébreuses ; mais nous, nous n’avons pas l’habitude de cette lumière. Gardons-nous donc de l’éteindre ; toute action mauvaise l’éteint, toute querelle, toute mauvaise parole, quelle qu’elle soit. Tout corps d’une nature étrangère au feu en ruine l’essence ; ce qui allume le feu, c’est ce qui a de l’affinité avec lui. Il en est de même pour la lumière ; ce qui est résistant, chaud, igné, embrase la flamme de l’Esprit ; n’y portons donc rien de froid, ni rien d’humide, car voilà ce qui éteint le feu spirituel.

On peut encore vous proposer d’autres réflexions. Grand nombre d’hommes, chez ces premiers chrétiens, prophétisaient ; les uns parlaient selon la vérité, les autres ne proféraient que des mensonges. Paul le dit encore dans son épître aux Corinthiens : « C’est pour cela », dit-il, « que Dieu a donné le discernement des esprits ». (1Cor. 12,10) L’esprit impur, le démon aurait voulu faire servir ce don de prophétie à la destruction complète de l’Église. Il y avait deux prédictions : celle du démon, celle de l’Esprit ; la première remplie de mensonges, la seconde n’exprimant que la vérité. Impossible de les distinguer, de les reconnaître ; on eût dit Jérémie et Ézéchiel. Quand le temps fut venu, Dieu permit de reconnaître, de distinguer les esprits. Il y avait donc à cette époque, chez les habitants de Thessalonique, un grand nombre de prophètes, que Paul désigne, dans un autre passage, par ces paroles : « Ne vous laissez ébranler ni par des discours, ni par des lettres supposées écrites par nous, de manière à croire que le jour du Seigneur est arrivé ». (2Thes. 2,2) C’est ce qui fait qu’après avoir dit ici : « N’éteignez pas l’Esprit », il a eu raison d’ajouter ce qui suit : « Ne méprisez pas les prophéties » ; ce qui veut dire : S’il y a auprès de vous quelques faux prophètes, ce n’est pas une raison pour écarter les autres, pour vous éloigner d’eux. Gardez-vous d’éteindre les prophètes : Voilà ce que veut dire : « Ne méprisez pas les prophéties ».

2. Comprenez-vous ce qu’il entend par « Éprouvez tout ? » Comme il vient de dire