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signalée. Un exemple va vous rendre ces vérités manifestes.

Répondez-moi, si le patriarche Abraham avait prévu, en conduisant Isaac sur la montagne, qu’il n’égorgerait pas son fils, aurait-il mérité une récompense ? Voyez encore : Si Paul eût prévu qu’il ne mourrait pas, quelle admiration aurait mérité son mépris des dangers ? Mais on verrait le plus lâche se jeter dans les flammes, si on lui garantissait qu’il peut le faire en toute sûreté. Il n’en fut pas de même des trois jeunes hommes. Qu’arriva-t-il ? Entendez leurs voix : « R. il est un Dieu dans le ciel qui nous retirera de vos mains et de cette fournaise ; et s’il ne veut pas le faire, sachez bien que nous n’honorons point vos dieux, et que cette statue d’or que vous avez fait élever, nous ne l’adorons pas ». (Dan. 3,17-18) Voyez-vous quels grands avantages ? comprenez-en de plus grands encore ; voyez-vous quel profit pour l’homme d’ignorer sa fin ? Mais nous pouvons nous contenter, sur ce point, de ces réflexions. Voilà donc pourquoi le jour du Seigneur vient comme un voleur de nuit : c’est pour que nous ne nous laissions pas entraîner dans la corruption, pour que nous ne cédions pas à l’indolence, pour que nous puissions nous assurer notre récompense. « Vous savez bien vous-mêmes », dit l’Apôtre. Dès lors, à quoi bon votre curiosité intempestive, puisque vous êtes persuadés ? Que l’avenir est incertain, c’est ce que vous montrent les paroles du Christ. Écoutez ce qu’il dit à ce sujet : « Veillez donc, parce que vous ne savez pas à quelle heure le voleur arrive ». (Mt. 24,42) À ce sujet, Paul disait aussi : « Quand ils diront, nous voici en paix et en sûreté, tout à coup une ruine imprévue les surprendra, comme une femme grosse que surprennent les douleurs de l’enfantement, et ils ne pourront se sauver (3) ».

Il fait entendre ici ce qu’il répète dans la seconde épître. Les fidèles étaient dans les afflictions, ceux qui leur faisaient la guerre vivaient dans le relâchement et les délices ; en conséquence, l’apôtre consolait les fidèles en les entretenant de la résurrection. Les ennemis leur prodiguaient les insultes, répétant les pensées de l’ancien peuple ; ils disaient Quand viendra-t-il ce jour ? (C’est ce qui faisait dire aux prophètes : « Malheur à vous qui dites : Que Dieu se hâte de faire ce qu’il fera, afin que nous le voyions ; que la volonté du saint d’Israël s’accomplisse, afin que nous la connaissions » (Is. 5,19) ; et encore : « Malheur à vous qui désirez le jour du Seigneur » (Amo. 5,18) (ce qui ne veut pas dire simplement ceux qui le désirent, mais qui le désirent, parce qu’ils ne croient pas) ; et « ce jour du Seigneur », dit encore le même texte, « sera ténèbres, et non lumière ». Telle est, la pensée de l’apôtre. Et voyez comme il les console : c’est comme s’il leur disait : La douce vie qu’ils mènent, ne prouve pas que le jour du jugement ne doive pas venir ; rien n’y fait, il doit venir. Mais maintenant, voici une question intéressante : si l’antéchrist arrive, si Elie arrive, comment peut-il se faire que, quand ils diront : « Nous voici en paix et en sûreté », ce soit précisément alors qu’une ruine imprévue les surprenne ? Voilà des signes qui ne permettent pas de se tromper sur l’avènement de ce grand jour, ils en révèlent l’apparition. Mais l’apôtre n’indique pas le temps, je veux dire de l’antéchrist ; il ne dit pas non plus que ce jour fameux sera le signe de l’apparition du Christ, mais que le Christ n’aura pas de signe, qu’il viendra subitement, sans qu’on l’attende. Mais, objecte-t-on, une femme enceinte n’est pas surprise par sa délivrance ; elle sait bien qu’elle doit s’y attendre au bout de neuf mois. Au contraire, l’époque est tout à fait incertaine ; certaines femmes accouchent au septième mois, d’autres, au neuvième ; et maintenant on ne peut fixer ni le jour, ni l’heure. Voilà donc quelle est la pensée de Paul. La comparaison est exacte ; il n’y a pas beaucoup de marques pour indiquer l’accouchement ; nombre de femmes se laissent surprendre dans les rues, hors de chez elles, n’ayant pu prévoir le moment. Maintenant l’apôtre, ici, n’indique pas seulement l’incertitude de l’heure, mais l’amertume des lamentations. De même que cette femme jouant, riant, ne prévoyant absolument rien, est tout à coup en proie aux douleurs d’un enfantement qui la déchire, de même en sera-t-il de ces âmes imprévoyantes que surprendra le dernier jour. « Et ils ne pourront se sauver ». Ensuite l’apôtre tient à montrer que ce n’est pas pour les fidèles de Thessalonique qu’il parle ainsi : « Mais vous, mes frères, vous n’êtes pas dans les ténèbres, pour être surpris de ce jour comme d’un voleur (4) ».

3. Par ténèbres, il entend ici la vie qui se