Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/231

Cette page n’a pas encore été corrigée

Donc, c’était un pays tout en fleurs, rivalisant avec les plus belles contrées du monde, un pays dont la fertilité égalait celle du paradis de Dieu ; et il n’est pas aujourd’hui de désert plus désert. On y voit des arbres, et qui portent du fruit ; mais ce fruit est un monument de la colère de Dieu ; on y voit des cours d’eau, et le bois, et le fruit, ont une belle apparence ; et qui n’est pas prévenu se réjouit ; mais, prenez-les dans vos mains, ces fruits, vous les brisez ; pas de fruit, rien que de la poussière, rien que de la cendre à l’intérieur ; et tout est de même, dans toute cette terre ; vous croyez voir une pierre et vous ne voyez que de la cendre. Et que parlé-je de pierres, de bois et de terre, là où l’air même et les eaux manifestent la même calamité ? De même qu’un corps, dévoré par le feu, conserve sa forme, sa figure, que c’est le même aspect, mais que la force en est détruite ; de même, pour cette terre, elle n’a plus, rien de la terre ; tout n’y est plus que cendre. Des arbres et des fruits qui ne sont plus en rien, ni des arbres, ni des fruits ; de l’air et de l’eau, qui n’ont plus rien ni de l’air ni de l’eau ; car ces éléments mêmes ne sont plus que de la cendre. Cependant comment de l’air peut-il être dévoré par le feu ? – Comment l’eau peut-elle brûler, et rester de l’eau ? Le bois et les pierres peuvent brûler, mais pour l’air et pour l’eau, c’est absolument impossible. Impossible pour nous ; mais pour Celui qui les a faits, c’est un prodige possible. Cet air n’est donc plus qu’une fournaise ; l’eau n’est plus qu’une fournaise ; rien ne porte de fruit, rien n’engendre rien ; partout les traces, les images de la colère antique, les preuves de la colère à venir.

Sont-ce là des menaces en paroles ? n’est-ce là qu’un bruit de paroles ? Il est bien entendu que, pour moi, j’ajoute foi aux anciens exemples ; j’ajoute foi, aussi bien à ce que ne voient pas, qu’à ce que voient mes yeux. Mais je parle à l’incrédule, et ce que je dis doit suffire pour le forcer à croire. Que celui qui ne croit pas à l’enfer médite sur Sodome, réfléchisse sur Gomorrhe, sur le châtiment qui s’est effectué, qui dure encore. Témoignage du supplice éternel, pensées difficiles à supporter ; mais croyez-vous donc qu’il soit facile de supporter vos paroles qui soutiennent qu’il n’y a pas d’enfer ; qu’il n’y a, de la part de Dieu, qu’une simple menace ?

Que faites-vous, quand vous frappez ainsi de découragement le cœur du peuple ? Vous me forcez à vous tenir de pareils discours, vous qui ne croyez pas. Si vous aviez ajouté foi aux paroles du Christ, je ne serais pas forcé d’avoir recours à la réalité, pour provoquer votre foi. Mais puisque vous n’avez pas voulu accepter d’autres preuves, bon gré malgré, il faudra bien que vous soyez persuadés, car enfin qu’avez-vous à dire de Sodome ? Et voulez-vous savoir la cause de ce qui est arrivé alors ? c’était un péché funeste, exécrable, mais enfin, ce n’était qu’un péché, une passion insensée pour les jeunes enfants, et voilà ce qui a motivé cette punition. Mais aujourd’hui on les compte par milliers, les désordres pareils, les égarements plus funestes que ceux des anciens hommes. Eh bien, celui qui, pour un seul péché, répandit les flots d’une si terrible colère, sans égard pour les prières d’Abraham, sans égard pour Loth, habitant de ce pays, lequel, pour honorer les serviteurs de Dieu, exposait ses propres filles aux outrages, Dieu, en présence de tant de crimes qui sont les nôtres, nous ferait grâce ? Préjugé ridicule, frivolité, erreur, illusion du démon ! Voulez-vous un autre exemple ?

Vous connaissez suffisamment l’histoire de Pharaon, de ce roi des Égyptiens : vous connaissez la punition qu’il a subie, ses chars, ses chevaux, son armée entière, précipités avec lui au fond de la mer Rouge. Vous faut-il encore d’autres preuves ? car ce Pharaon était peut-être un impie ; je me trompe, il ne faut pas dire, peut-être ; c’était réellement un impie. Eh bien, vous faut-il des exemples, pris de ceux qui croyaient en Dieu, qui s’attachaient à Dieu, mais qui ne pratiquaient pas la vertu ? Voulez-vous les voir punis ? écoutez Paul : « Ne commettons point de fornication, comme quelques-uns d’entre eux commirent ce crime pour lequel vingt-trois mille furent frappés de mort en un seul jour ; ne murmurons point comme murmurèrent quelques-uns d’entre eux qui furent frappés de mort par l’exterminateur ; ne tentons point le Christ, comme le tentèrent quelques-uns d’entre eux qui furent tués par les serpents ». (1Cor. 10,8-40) Si la fornication, si les murmures ont produit un tel effet, quel traitement ne nous attireront pas nos crimes ? que si Dieu ne réclame pas tout de suite la vengeance, n’en soyez pas surpris. Les hommes d’autrefois