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présence des hommes. C’est donc la charité qui rend irréprochable, car en réalité elle nous fait éviter toute espèce de fautes. Or, je m’entretenais, un jour, avec une personne, et je disais que la charité nous rend irréprochables, que l’amour du prochain ne laisse entrer dans notre âme aucun péché, je passais en revue tous les autres péchés ; une des personnes que je connais le mieux, m’interrompit alors pour m’objecter : Et la fornication ? Aimer et se livrer à la fornication sont-ils incompatibles ? N’est-ce pas au contraire de l’amour que vient ce péché ? On comprend que l’amour du prochain exclue l’avarice, l’adultère, l’envie, les perfidies et tout ce qui y ressemble ; mais est-ce la même chose de la fornication ? – Alors moi, je lui soutins que l’amour est de nature à détruire la fornication. Car celui qui aime la femme adonnée à cette honte, s’efforcera de l’éloigner des autres hommes, et il se gardera bien de se livrer lui-même à ce péché. C’est la plus forte preuve de la haine qu’on porte à la femme impudique, que de se livrer avec elle à l’impudicité ; c’est une preuve d’affection réelle, que de la détourner de cette abominable conduite. Il n’est pas, non il n’est pas de péché que la puissance de l’amour ne consume, comme fait un feu dévorant. Le sarment le plus mince résiste plus aux flammes d’un bûcher, que le péché à la puissance de l’amour.

Sachons donc le faire et germer et grandir dans nos âmes, afin de pouvoir nous tenir dans la grande société des saints ; tous ces illustres saints se sont rendus agréables à Dieu par leur amour du prochain. D’où vient qu’Abel a reçu la mort, et ne l’a pas donnée ? C’est qu’il était plein d’amour pour son frère ; une pensée de meurtre ne pouvait entrer dans son âme. D’où vient que Caïn conçut cette envie qui l’a perdu ? Je dis Caïn, je ne veux plus l’appeler le frère d’Abel. C’est que les fondements de l’amour n’étaient pas assez solides en lui. D’où vient la gloire des fils de Noé ? N’est-ce pas de leur amour pour leur père, ce qui fit, que leurs yeux ne supportèrent pas sa nudité ? D’où vient que le troisième a été maudit ? N’est-ce pas parce qu’il était incapable d’aimer ? Et Abraham, d’où est venue sa gloire ? sinon de l’amour qu’il a montré en s’occupant des intérêts de son neveu ? de la supplication qu’il fit entendre pour les habitants de Sodome ? Oui, l’amour des saints était plein de transports, plein d’ardeur ; leur âme était ouverte à la pitié.

Réfléchissez en vous-mêmes, concevez, s’il se peut, l’amour brûlant de Paul, l’audace avec laquelle il défie les flammes, cet homme de diamant, solide, inaltérable, en qui rien ne branle, rivé à Dieu par la crainte, qui ne fléchit jamais. « Qui donc nous séparera », dit-il, « de l’amour de Jésus-Christ ? L’affliction, ou les angoisses, ou les persécutions, ou la faim, ou la nudité, ou les périls, ou le glaive ? » (Rom. 8,35) Celui qui méprisait tout cela, et la terre, et la mer, celui qui se moquait des portes de l’enfer, de ces portes de diamant, celui à qui rien jamais ne résistait, le même homme, voyant les larmes de quelques-uns de ses amis, fut tellement brisé, broyé, lui, ce cœur de diamant, qu’il ne put dissimuler son émotion, qu’aussitôt il s’écria : « Que faites-vous, de pleurer ainsi, et de m’attendrir le cœur ? » (Act. 21,13) Que dites-vous, je vous en prie ? Une larme a-t-elle pu briser ce cœur de diamant ? Oui, dit-il, je résiste à tout, mais non à l’amour ; il est plus fort que moi, il me domine. C’est là ce qui plaît à Dieu. Il a résisté à l’abîme des eaux, et il suffit de quelques larmes pour lui fendre le cœur. « Que faites-vous, de pleurer ainsi, et de m’attendrir le cœur ? » C’est que la puissance de la charité est grande. Voulez-vous le voir encore dans les pleurs ? Écoutez ce qu’il dit, dans une autre circonstance : « Pendant trois ans, nuit et jour », dit-il, « je n’ai pas cessé d’avertir, avec des larmes, chacun de vous ». (Act. 20,31) La vivacité de sa charité lui faisait craindre l’invasion de quelque fléau. Et encore : « Je vous écrivis alors, dans une grande affliction, dans un serrement de cœur, avec une grande abondance de larmes ». (2Cor. 2,4) Et maintenant, répondez-moi, que penserons-nous de ce courageux Joseph, de cet homme ferme, qui tint tête à une tyrannie si impérieuse, qui se montra si fier devant un tel foyer d’amour, qui sut combattre, repousser avec tant de noblesse la passion de sa maîtresse insensée ? Quelle âme n’aurait pas été séduite ? La beauté, la dignité, l’éclat du rang, la magnificence des vêtements, l’enivrement des parfums (car les odeurs embaumées sont aussi des dissolvants de l’âme), les paroles les plus caressantes, quelles séductions manquaient ?

5. Vous savez fort bien que cette femme,