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savez (4) ». Il ne faut pas se troubler, dit-il ; il n’est rien arrivé d’étrange, d’inattendu cette observation devait suffire pour les ranimer. Comprenez-vous que c’est pour la même raison que le Christ disait aussi à ses disciples ce qui devait arriver ? Écoutez ses paroles : « Et je vous le dis maintenant, avant que cela arrive, afin que, lorsque cela sera arrivé, vous croyiez en moi ». (Jn. 14,29) Car c’est une grande consolation, une bien grande, en vérité, d’être ainsi averti de la bouche des maîtres. Un malade entend son médecin lui dire que ceci, que cela doit arriver, et il ne se trouble pas ; supposez, au contraire, un accident imprévu, le médecin lui-même incertain et embarrassé, la maladie plus forte que la médecine, voilà le malade troublé, consterné ; il en est de même ici. Paul, qui voyait l’avenir, leur prédit les afflictions, « et nous en avons eu », dit-il, « en effet, comme vous le savez ». Et il ne dit pas seulement que telle affliction a eu lieu, mais qu’il en a beaucoup prédit, et que tout ce qu’il a prédit est arrivé. « C’est à quoi nous sommes destinés ». Par conséquent, non seulement les épreuves passées ne doivent ni nous troubler ni nous confondre, mais il en doit être de même des épreuves à venir qui pourraient se rencontrer. « C’est à quoi nous sommes destinés ».

4. Écoutons, si nous avons des oreilles pour écouter. C’est à cela qu’est destiné le chrétien. Le, « c’est à quoi nous sommes destinés », l’apôtre l’applique à tous les fidèles. « C’est à quoi nous sommes destinés », et nous, comme si nous étions destinés à une vie tranquille, nous sommes tout étonnés. Et maintenant de quoi sommes-nous étonnés ? Car l’affliction qui nous a saisis, l’épreuve n’a rien que d’humain. C’est le cas de vous dire : « Vous n’avez pas encore résisté jusqu’à répandre votre sang, en combattant contre le péché ». (Heb. 12,4) Je me trompe, ce n’est pas le cas de vous adresser ces paroles. Que faut-il donc vous dire ? Vous n’avez pas encore méprisé les richesses. À ceux qui avaient perdu tous leurs biens, on pouvait adresser les paroles de l’apôtre ; mais à ceux qui ont toute leur fortune, que leur dire, sinon, à qui a-t-on ravi ses biens, à cause du Christ ? À qui a-t-on donné des soufflets ? Qui donc a été outragé ? je dis, en paroles. De quoi donc pourriez-vous vous glorifier ? Où prendriez-vous le droit de parler ? Quand le Christ a tant souffert pour nous qui étions ses ennemis, quelles souffrances pouvons-nous montrer, endurées par nous pour lui ? Nos souffrances, néant ; les bienfaits reçus de lui, c’est l’infini. Où prendrons-nous le droit de parler au dernier jour ? Ne savez-vous pas que c’est un corps couvert de blessures, criblé de cicatrices qui recommande le soldat au souverain ? S’il n’a rien à montrer, fût-il même irréprochable, ignorez-vous qu’il reste au dernier rang ? Mais ce n’est pas le temps des combats, me répond-on. Mais si c’était le temps des combats ; où trouverait-on, répondez-moi, un combattant ? Qui s’élancerait dans la mêlée ? Qui mettrait en déroute la phalange ennemie ? Ah ! personne, je le crains : quand je vois que vous ne parvenez pas à mépriser les richesses en vue du Christ, comment croirais-je que vous sauriez mépriser les coups ? Savez-vous, répondez-moi, supporter noblement les outrages, et bénir qui vous fait affront ? Vous ne le faites pas, vous n’obéissez pas à la loi. Vous ne faites pas ce qu’on peut faire sans danger, et vous supporterez les coups, dites-moi, malgré la souffrance, malgré la douleur ? Ne savez-vous pas qu’il faut, dans la paix, s’exercer à la guerre ? Ne voyez-vous pas ces soldats qui sans que la guerre, gronde d’aucun côté, au sein d’une paix profonde, fourbissent leurs armes, suivent les chefs qui leur enseignent la manœuvre dans les rangs, et s’en vont au soleil, dans de vastes plaines, tous les jours, s’exercer aux combats, avec un zèle ardent ? Qui les imite pour les combats spirituels ? Personne. Aussi, quand vient la guerre, sans vigueur et sans énergie, nous appartenons à qui veut nous prendre.

Quelle démence que de se figurer que le temps présent n’est pas le temps des combats, lorsque Paul nous crie : « Tous ceux qui veulent vivre avec piété en Jésus-Christ, seront persécutés » (2Ti. 3,12) ; lorsque le Christ nous dit : « Vous aurez à souffrir l’affliction dans le monde » (Jn. 16,33) ; lorsque le bienheureux Paul nous crie encore de sa voix éclatante : « Nous n’avons pas à combattre la chair et le sang, mais… » et encore : « Soyez donc fermes ; que la vérité soit la ceinture de vos reins ». (Eph. 6,12-14) Et nul, dans ces jours d’autrefois, ne lui dit : Pourquoi nous armez-vous, je vous le demande, puisqu’il n’y a pas de guerre ? Pourquoi