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verrous, sentinelles en dedans et au-dehors, rien n’empêche le voleur d’entrer. Quelle conséquence tirer de mes paroles ? c’est qu’éveillés nous n’avons pas besoin du secours d’autrui, et qu’endormis le secours d’autrui ne nous servira de rien et n’empêchera point notre perte.

C’est un grand bien que d’être secouru par les prières des saints, mais à la condition que nous ne resterons pas nous-mêmes sans rien faire. Vous dites : Mais de quoi me serviront les prières des autres, si moi-même je suis vigilant, et si je ne me réduis pas moi-même à en avoir besoin ? Je vous conseille fort de ne pas vous réduire à cet état. Cependant nous avouerons, si nous sommes sages, que nous ne sommes jamais sans avoir besoin des prières des autres. Saint Paul ne disait pas : Qu’ai-je besoin de prières ? Et cependant ceux qui priaient pour lui étaient loin d’être ses égaux. Et vous, vous dites : Qu’ai-je besoin de prières ? Saint Pierre non plus ne disait pas : Qu’ai-je besoin de prières ? « Une prière assidue », dit le livre des Actes (Act. 12, 5), « était adressée pour lui à Dieu, par l’Église ». Et vous, vous dites : Qu’ai-je besoin de prières ? Vous en avez un grand besoin, puisque vous vous imaginez n’en avoir pas besoin. Vous seriez un saint Paul que vous en auriez encore besoin. Ne vous élevez pas, pour que vous ne soyez pas rabaissé. Mais, comme je viens de le dire, c’est à la condition que nous agirons nous-mêmes, que les prières faites pour nous, nous seront utiles. Écoutez les paroles de saint Paul : « Je sais que cela tournera à mon salut, par l’assistance de vos prières et le secours de l’Esprit de Jésus-Christ » (Phi. 1, 49) ; et ailleurs : « Vous m’aiderez aussi en cela par le secours des prières que vous ferez pour moi, afin que Dieu, nous ayant fait grâce par les prières de plusieurs personnes, plusieurs personnes se joignent aussi à nous pour lui en témoigner notre reconnaissance ». (2Co. 1,11) Et vous, vous dites : Qu’ai-je besoin de prières ? Mais si nous demeurons dans la lâcheté, personne, par ses prières, ne pourra nous être utile. De quel secours Jérémie fut-il pour les Juifs ? Trois fois il se présenta devant le Seigneur, et trois fois il lui fut répondu : « Ne priez point, ne demandez rien pour ce peuple, parce que je ne vous exaucerai point ». (Jer. 7,16) De quel secours fut pour Saül la prière de Samuel ? Et cependant il pleura sur lui jusqu’au dernier jour de sa vie, et il n’offrait pas seulement pour lui quelque prière en passant. De quel secours furent pour les Israélites les prières de ce même prophète ? Ne disait-il pas lui-même : « Dieu me garde de pécher jusqu’à oublier de prier pour vous ». Et néanmoins tous périrent. – Les prières sont donc inutiles, direz-vous. Au contraire, elles sont utiles et grandement, mais à la condition que nous y joignions notre action. Les prières sont une aide et un secours ; or, on ne secourt et on n’aide que celui qui travaille déjà lui-même. Si vous restez sans rien faire, l’utilité du secours sera nulle.

4. Si les prières des autres pouvaient mener au ciel même les négligents, pourquoi tous les païens ne sont-ils pas chrétiens ? Ne prions-nous pas pour tous les hommes ? Saint Paul ne faisait-il pas de même ? Ne demandons-nous pas que tous se convertissent ? Pourquoi donc, dites-moi, les méchants ne deviennent-ils pas tous bons ? N’est-il pas évident que c’est parce qu’ils ne veulent rien faire de leur côté ? L’utilité des prières des autres pour nous est très-grande, lorsque, de notre part, nous faisons ce qui dépend de nous. Faut-il vous prouver cette utilité ? Rappelez-vous Corneille et Tabitha. (Act. 10,3 et 9, 36) Écoutez ce que Jacob dit à Laban : « Si le Dieu que mon père craignait, n’était venu à mon secours, vous m’auriez renvoyé nu de chez vous » ; voyez encore ce que Dieu dit : « Je protégerai cette ville à cause de moi, et de David mon serviteur ». (Gen. 31,42 ; 2Ro. 19,34) Mais quand parle-t-il ainsi ? À l’époque d’Ezéchias, roi juste. Si les prières pouvaient quelque chose pour les plus méchants, pourquoi, lorsque Nabuchodonosor vint, Dieu ne dit-il pas la même chose, mais lui livra-t-il la ville ? Alors le crime prévalut. Ce même Samuel, dont je viens de parler, pria une autre fois pour les Israélites, et obtint ce qu’il demandait, mais en quelle circonstance ? Ce fut lorsqu’ils étaient eux-mêmes agréables à Dieu, et c’est pourquoi Dieu mit en fuite leurs ennemis.

Mais, direz-vous, quel besoin ai-je qu’un autre prie pour moi, si je suis, moi, en grâce auprès de Dieu ? Ne tenez jamais ce langage, ô homme, vous avez un besoin réel de prières, et un grand besoin. Voyez ce que Dieu dit des amis de Job : « Job priera pour vous, et