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aimé ses chaînes, il n’aurait paru qu’un imposteur. Mais maintenant qu’il subissait volontiers les fers et la souffrance, tous les maux réunis, il montre assez qu’il ne souffrait pas pour une cause humaine, mais pour la cause de Dieu, son grand rémunérateur. Nul n’aurait ainsi choisi la mort et tous les dangers ; nul n’aurait affronté la colère d’un empereur comme celui-là, de Néron, s’il n’avait vu plus haut un empereur bien autrement grand. Les chaînes étaient donc la confirmation de l’Évangile. – Admirez comme, pour arriver plus pleinement et plus parfaitement à son but, l’apôtre fait voir en toutes choses le côté contraire aux vues humaines. Ce que l’on regardait comme faiblesse ou déshonneur, lui, le déclare être la confirmation de l’Évangile ; comme si l’apôtre avait dû être faible sans ces épreuves qui les effraient. – Ensuite, il veut montrer que son amitié pour eux n’est pas un aveugle parti pris, mais une affection raisonnée. Quelle preuve en donne-t-il ? Écoutez. « Je vous porte dans mes chaînes et jusque dans ma défense, parce que, en union intime avec moi, vous avez partagé ma grâce ». Qu’est-ce à dire ? Était-ce donc une grâce pour l’apôtre, que les fers, l’exil perpétuel, les innombrables supplices ? Oui : car, est-il dit, « ma grâce vous suffit, et ma force se montre tout entière dans l’infirmité ; aussi », ajoute l’apôtre, « je me complais dans les infirmités et dans les outrages ». (2Cor. 12,9, 10) Quand donc je vous vois montrer votre vertu par vos œuvres, et participer à cette grâce aussi, et même avec joie, je conçois aussi pour vous les mêmes espérances. Je vous connais par expérience, j’ai vu surtout vos bonnes œuvres ; malgré la distance qui nous sépare, vous vous efforcez de partager mes tribulations et ensuite ma récompense, en sorte que tout en restant éloignés du combat, vous aurez dans la victoire une part égale à la mienne, moi qui suis au milieu de la mêlée ; il est donc juste que je vous rende ce témoignage.
Mais pourquoi ne dit-il pas simplement « Vous participez » ; mais : « Vous participez dans l’union la plus intime avec moi ? » C’est comme s’il disait : Je vous fais votre part, afin d’avoir moi-même la mienne dans cet Évangile, c’est-à-dire aux biens qu’il nous promet. Chose admirable, d’ailleurs, que tous ces pieux fidèles aient eu des sentiments assez généreux pour être appelés par Paul lui-même ses copartageants : Telle est, en effet, son expression : « Tous avec moi vous avez part à la grâce ». De tels commencements me garantissent votre persévérance dans ces généreuses dispositions. Il est impossible qu’un début si glorieux s’éteigne et se dissipe comme une vaine fumée : d’avance il promet une fin glorieuse.
4. Nous pouvons donc, indirectement, participer à la grâce apostolique des dangers et des tribulations : je vous en supplie, mes frères, sachons y prendre notre part. Combien parmi ceux qui sont ici voudraient…, ou plutôt tous sans exception, ne voudriez-vous pas partager avec Paul ces biens que l’éternité nous garde ? Or, ce but magnifique, facilement vous pouvez l’atteindre, si vous le voulez ; oui, à ceux qui représentent le ministère apostolique, à ceux qui souffrent pour Jésus-Christ, veuillez prêter aide et secours. Voyez-vous un frère en danger ? Tendez-lui la main. Apercevez-vous un de vos maîtres en plein combat ? Assistez-le. – Mais, répondez-vous, aucun ne peut être comparé avec Paul. – Quoi ! sitôt l’orgueil ! sitôt le jugement téméraire ! Que personne n’approche de ce grand Paul, je vous le concède. Mais cependant, d’après Jésus-Christ, « celui qui reçoit le prophète en son nom de prophète, recevra la récompense du prophète ». Les Philippiens étaient-ils donc admirables, par la raison qu’ils aidaient Paul personnellement ? Nullement ; mais c’est qu’ils entraient en communion avec l’apôtre, avec le héraut de l’Évangile. Paul ne méritait tant d’honneur que parce qu’il souffrait pour Jésus-Christ. Grand comme l’apôtre, nul ne peut l’être ; et que dis-je ? comme lui ! de lui, d’un tel saint, nul n’approche. Mais la prédication est la même aujourd’hui qu’alors.
Au reste, les Philippiens prenaient part à ses travaux, non pas seulement depuis qu’il était dans les fers, mais dès le principe. Voici ses propres termes : « Or, vous savez, mes frères de Philippes, qu’après avoir commencé à vous prêcher l’Évangile, aucune église ne m’a fait part de ses biens en reconnaissance de ceux que j’apportais : vous seuls exceptés, cependant ». Et pourtant sans parler des dangers proprement dits, le Maître de la parole rencontre bien des ennuis : veilles, fatigues de la parole et de l’enseignement,