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leurs ailes, ces âmes souffriront ce qu’elles doivent naturellement souffrir. Un nid d’hirondelle tombe-t-il, la couvée périt bientôt ; nous autres, nous ne périssons pas, mais nous sommes condamnés à des souffrances éternelles.

Oui, ce temps-là sera l’hiver, ce sera même quelque chose de plus terrible et de plus cruel que l’hiver. Alors point de pluies torrentielles ; mais des fleuves de feu : pas de ténèbres tombant des nuages ; mais des ténèbres indissolubles et profondes : point de ciel à voir, point d’atmosphère transparente ; un cachot plus étroit que le séjour des malheureux qui sont ensevelis dans les entrailles de la terre. Ces vérités, nous les répétons souvent, sans pouvoir convaincre certains esprits. Quoi d’étonnant ! si tel est l’effet de notre parole à nous, chétive créature, puisqu’on n’écoutait pas davantage les prophètes, non seulement quand ils abordaient de pareils sujets, mais quand ils parlaient de la guerre et de la captivité. Et Sédécias, convaincu par Jérémie, ne rougissait pas. Voilà pourquoi les prophètes disaient : « Malheur à ceux qui disent : Qu’elles s’accomplissent bien vite les œuvres de Dieu, afin que nous en soyons témoins, et que le conseil du Saint d’Israël s’exécute, pour que nous le connaissions ». (Isa. 54,19) Ne nous étonnons pas de ce langage. Les hommes qui existaient à l’époque de l’arche étaient incrédules aussi ; ils ne commencèrent à croire que lorsqu’il n’était plus temps. Les habitants de Sodome attendaient les événements et n’y crurent que lorsque la chose était inutile. Et pourquoi parler de l’avenir ? Ce qui se passe aujourd’hui en divers lieux, ces tremblements de terre, la destruction de toutes ces villes, qui s’y serait attendu ? Et pourtant ces catastrophes récentes étaient plus croyables que les désastres du temps passé, que le miracle de l’arche. Pourquoi ? C’est que les hommes d’autrefois n’avaient eu sous les yeux aucun précédent et ne connaissaient pas encore les saintes Écritures. Nous autres, au contraire, nous sommes instruits par d’innombrables exemples, par ce qui s’est passé de nos jours, par ce qui s’est passé jadis. Mais quelle a toujours été la source de l’incrédulité ? C’est la lâcheté et la mollesse. On s’occupe de boire et de manger ; on ne s’occupe pas de croire. Ce qui est conforme à nos désirs, nous le croyons, nous l’espérons ; mais les discours qui viennent heurter nos opinions ne sont pour nous que des bagatelles.

5. Mais ne donnons pas dans ce travers. Il n’y aura plus de déluge ; il n’y aura plus de ces châtiments qui font périr tant de monde ; mais c’est un commencement de supplice que la mort de l’homme qui ne croit pas au jugement. Qui est revenu de là-bas, s’écrie l’incrédule, pour nous dire et pour nous raconter ce qui s’y passe ? Homme incrédule, si votre langage n’est qu’une plaisanterie, votre langage est déjà un mal ; il ne faut pas plaisanter sur de pareilles matières. C’est plaisanter sur des sujets qui n’ont rien de plaisant et sur des choses périlleuses. Mais si vous parlez sérieusement, si vous pensez qu’au-delà de cette vie il n’y a plus rien, comment osez-vous vous dire chrétien ? Car je ne m’occupe point ici de ceux qui sont en dehors de notre religion. Pourquoi ce baptême que vous recevez ? Pourquoi entrer dans l’Église ? Est-ce que nous vous promettons de hautes dignités et des magistratures ? Non : tout notre espoir repose sur la vie future. Pourquoi venir à nous, si vous ne croyez ni aux saintes Écritures, ni au Christ ? Non : un tel homme n’est pas chrétien. Dieu me préserve de l’appeler ainsi ! Un tel homme est pire qu’un païen. Pourquoi ? Parce que tout en croyant à un Dieu, vous ne croyez pas en ce Dieu. La croyance du païen n’est pas une impiété ; lorsqu’on ne croit pas à l’existence du Christ, nécessairement on ne doit pas croire en lui. Mais il y a impiété, il y a même inconséquence à confesser que Dieu existe et à ne pas ajouter foi à sa parole. C’est un propos d’ivrogne, un propos inspiré par la sensualité, par la débauche et par l’intempérance que cette parole : « Mangeons et buvons ; nous mourrons demain ». (1Co. 15,32) Ce n’est pas demain, c’est au moment où vous parlez ainsi que vous mourez.

N’y aura-t-il donc, dites-moi, rien qui nous distingue des pourceaux et des ânes ? Car enfin, s’il n’y a ni jugement, ni récompense, ni rémunération, ni tribunal, pourquoi avons nous reçu la raison en partage ? Pourquoi sommes-nous les rois de la création ? Pourquoi commandons-nous aux créatures ? Pourquoi les créatures nous obéissent-elles ? Voyez-vous comme le démon nous presse de tous côtés, comme il nous pousse à méconnaître le don que Dieu nous a fait ? Il confond tout, les serviteurs et les maîtres. Comme un marchand