Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/119

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

joie, c’est que ses bienfaits dont nous parlons sont grands. Il y a bien des motifs pour rendre grâces. On rend grâces, parce que l’on était dans la crainte. On rend grâces, même quand on est affligé. Voyez Job rendant grâces à Dieu au sein même de la douleur. Entendez-le, quand il dit : « Dieu m’a donné, Dieu m’a ôté ». (Job. 1,21) N’allez pas dire qu’il était insensible à ses malheurs et qu’il n’était pas dans l’affliction ; vous ôteriez à ce juste ce qui fait son plus grand éloge. Mais, ce n’est point ici par crainte, ce n’est point seulement parce que Dieu est notre maître, c’est tout naturellement que « nous rendons grâces à celui qui nous a rendus dignes d’avoir notre part dans cet héritage de lumière échu aux saints ». Ce sont là de grands bienfaits. Non-seulement Dieu nous a donné, mais il nous a rendus dignes de recevoir. Pesez ces paroles : « Celui qui nous a rendus dignes ». Un homme, même de la plus basse extraction, devenant roi, peut donner à qui bon lui semble un rang élevé ; mais rendre son favori capable de bien remplir sa charge, voilà ce qu’il ne peut faire ; car l’élévation du favori le rend quelquefois ridicule. Ah ! si le souverain nous donne en même temps la dignité, la capacité, l’aptitude, voilà des honneurs véritables ! C’est ainsi que Dieu agit, dit l’apôtre. non-seulement il nous donne le plus honorable héritage, mais il nous rend dignes de l’accepter.
3. Il y a donc ici un double honneur Dieu nous a donné ; Dieu nous a rendus dignes de recevoir le don. L’apôtre n’a pas dit seulement. « Qui nous a donné » ; il a dit : Qui nous a rendus aptes et propres à « prendre notre part dans l’héritage de lumière, échu aux saints ». Cela veut dire qu’il nous a mis au rang des saints. Mais ce n’est pas tout ; cela veut dire aussi qu’il nous a fait jouir des mêmes biens qu’eux. Car la part de l’héritage, c’est ce que chacun des cohéritiers reçoit. Il peut arriver en effet qu’on fasse partie de la même cité, sans jouir des mêmes avantages. Mais avoir la même part et ne pas jouir des mêmes biens, voilà qui est impossible. Il peut arriver encore qu’on ait à partager un même lot, mais que ce même lot ne soit pas également partagé. Exemple : nous sommes tous copartageants d’un même héritage ; mais la part de chacun de nous n’est pas la même. Mais ce n’est pas là ce que dit l’apôtre. Nous avons, dit-il, la même part au même héritage. Pourquoi ces mots de lot et d’héritage ? C’est pour montrer que nul homme ne doit à ses bonnes actions et à sa justice le royaume des cieux. Cet héritage est, pour ainsi dire, une bonne aubaine qui nous arrive. Nul homme, en effet, n’arrange assez bien sa vie pour être trouvé digne du royaume des cieux ; cet héritage est un pur bienfait de Dieu. C’est pourquoi il est dit : « Quand vous aurez fait tout ce qu’il faut » ; dites : « Nous sommes des serviteurs inutiles ; car nous n’avons fait que ce que nous devions faire ». (Lc. 17,10)
« Notre part dans l’héritage de lumière échu aux saints » ; c’est-à-dire « dans la connaissance de Dieu ». Il parle là, ce me semble, du présent et de l’avenir. Puis il nous montre le prix du don que l’on a daigné nous faire. Ce qu’il y a d’étonnant, en effet, ce n’est pas seulement qu’on nous ait jugés dignes d’un royaume ; il faut encore penser à ce que nous étions, car cela fait beaucoup. « C’est à peine, en effet, si quelqu’un voudrait mourir pour un juste ; peut-être néanmoins quelqu’un aurait-il le courage de mourir pour un homme de bien ». (Rom. 5,7)
« Qui nous a arrachés à la puissance des ténèbres », dit l’apôtre. Tous ces bienfaits, c’est à Dieu que nous les devons ; car le bien ne vient jamais de nous. « À la puissance des ténèbres », dit-il, c’est-à-dire à l’erreur, à la tyrannie du démon. Il n’a pas dit seulement : Aux ténèbres ; mais : À leur puissance. C’est que le démon avait sur nous un grand pouvoir, un pouvoir tyrannique. C’est un grand malheur déjà que d’être soumis à l’influence du démon ; mais c’est un malheur plus grand encore que d’être soumis à sa puissance. « Et nous a fait passer », ajoute l’apôtre, dans le royaume de son Fils bien-aimé ». Il ne suffit pas à Dieu de montrer sa tendresse pour nous, en nous délivrant des ténèbres. C’était déjà beaucoup ; mais nous introduire dans son royaume est bien plus encore. Voyez comme il a su multiplier ses dons. Nous étions dans l’abîme ; il nous en a délivrés, et non content de nous en délivrer, il nous a fait passer dans son royaume.
« Qui nous a arrachés ». Il ne dit pas : « Qui nous a soustraits » ; mais : « Qui nous a arrachés », pour montrer toute la grandeur de notre affliction et de notre misère, et toute la pesanteur de ces chaînes. Puis, pour faire voir combien tout est facile à la puissance de Dieu,