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CHAPITRE IV.

Saint-Lazare : car c’étaient les religieux de cet ordre qui la desservaient. Connu dès les premiers siècles en Palestine et dévoué aux pèlerins et aux lépreux, l’ordre de Saint-Lazare avait rendu de grands services aux croisés. Chassés par les Sarrasins, ses membres s’étaient retirés en France en 1137, sous la protection de Louis VII, qui leur donna sa maison de Boigny, près d’Orléans, et la maison de Saint-Lazare, près Paris. Saint Louis les confirma à son tour, et on comptait déjà de son temps deux mille léproseries en France.

La léproserie de Dourdan, signalée, comme on le verra tout à l’heure, dès 1216, par des pièces de procédures au sujet d’un conflit depuis longtemps pendant avec les chanoines de Saint-Germain, et déjà propriétaire à cette époque de terres et de vignes sujettes à dîmes, tant à Dourdan qu’aux Granges-le-Roy, remonte évidemment aux premiers temps de l’institution, et tout porte à croire que Louis VII et sa femme la reine Adèle, les fondateurs de Saint-Lazare en France, dotèrent, dès l’origine, d’une maison de lépreux le village royal qu’ils affectionnaient, et s’entourèrent à Dourdan des religieux hospitaliers, comme ils s’étaient entourés des moines de Grandmont en créant le couvent de Louye[1].

Pour comprendre et apprécier le bienfait, il faut se rappeler la terreur légendaire qu’inspirait à tous l’affreux mal rapporté d’Orient par les croisés et dont la contagion n’épargnait personne, la séquestration absolue à laquelle on condamnait les malades, la cérémonie bizarre et lugubre par laquelle on les retranchait du monde. Un prêtre allait chercher le lépreux à sa demeure et le conduisait à l’église porté sur une civière et couvert d’un drap noir, au chant du Libera. Après une messe, célébrée suivant un rituel spécial, le lépreux, toujours couvert d’un drap noir, était porté au seuil de l’église et aspergé d’eau bénite, puis processionnellement conduit hors de la ville avec des chants de deuil. Lorsque le cortége était arrivé à la léproserie, le prêtre adressait une série de défenses au lépreux debout devant lui : « Je te défends d’entrer dans les églises, aux marchés, aux moulins, fours et autres lieux publics. — Je te défends de laver tes mains et les choses dont tu te sers dans les ruisseaux et les fontaines. — Je te défends d’aller en autre habit que celui dont usent les lépreux, » etc. Et le passant, quand il rencontrait sur son chemin le malheureux, se détournait au son bien connu de la crécelle, ou, s’il avait la charité de donner un denier d’aumône, il le laissait tomber dans l’écuelle qui lui était tendue au bout d’un long bâton. Riches et pauvres étaient soumis à ce dur ostracisme, et quand la lèpre s’était étendue sur un homme, cet homme, fût-il prêtre, fût-il noble, était fui comme la peste qu’il portait.

Une découverte intéressante est venue récemment attester l’ancienneté de la léproserie de Dourdan. Un sceau du prieur de Saint-Laurent

  1. Voir le chap. consacré à l’Hôtel-Dieu.