Chronique d’une ancienne ville royale Dourdan/19

CHAPITRE XIX

L’HÔTEL-DIEU


Le bien, en ce monde, est ce qui fait le moins de bruit. La charité n’a pas d’histoire. L’Hôtel-Dieu de Dourdan, dont l’étranger admire la grande et belle tenue, dont le Dourdanais sait et apprécie les touchants services, remonte à une époque lointaine, et personne n’a songé, dans les siècles passés, à enregistrer ses annales. On sait, parce qu’il en subsiste de vivants témoignages, qu’il y a environ deux siècles, des mains princières jetèrent les fondements de sa prospérité actuelle. Pour beaucoup, c’est là l’origine de l’hospice de Dourdan ; on ignore que peut-être quatre cents ans auparavant il vivait déjà. Fouillant dans les vieux parchemins à demi effacés que le temps a épargnés et que des mains sages et bienfaisantes conservent soigneusement comme les titres de la famille qu’elles administrent, nous avons cherché, avec un intérêt tout particulier, à retrouver quelques jalons bien épars et bien rares de cette longue carrière inconnue. Arrivé à l’époque où les faits se précisent, nous n’avons pas dédaigné de modestes détails, car nous avons pensé que nul ne saurait être indifférent aux destinées des deux classes les plus intéressantes d’ici-bas : ceux qui souffrent et ceux qui se dévouent.

Une tradition, transcrite au commencement du siècle dernier, faisait remonter à quatre siècles en arrière l’origine de l’Hôtel-Dieu de Dourdan[1]. C’était lui assigner pour date l’an 1300 environ, c’est-à-dire une des dernières années pendant lesquelles la royauté posséda directement et fréquenta Dourdan ville de son domaine ; Philippe le Bel, dès 1307, l’ayant engagé comme apanage. Le souvenir, au moins oral, d’un établissement dû à un fils de saint Louis, s’était sans doute conservé du temps de Louis XIII, car des lettres patentes de ce monarque, du 8 mars 1618, déclarent que l’Hôtel-Dieu de Dourdan est de fondation royale. Ce qu’il y a de certain, c’est que, dès 1340, dans le rôle des cens dus à l’abbaye de Longchamp, nous trouvons cette mention : « l’Oustel-Dieu, pour sayre (sa aire) de la Saucoye et pour sa noue, 14 deniers ; item, pour sa vigne des Baleiz, 5 d. obole »[2]. En 1415, nous rencontrons, dans un titre de propriété, une autre preuve que l’Hôtel-Dieu de Dourdan avait déjà des immeubles et possédait sept arpents de terre à Luffehard (Liphard)[3].

En 1446, la vie civile et municipale de cet Hôtel-Dieu nous est révélée en même temps que le mode de son administration. D’après un acte public du 2 novembre, Jehan Gouffier et Jehan Jonnart « sont commis par justice, du consentement des bourgoys de Dourdan, à la curacion, prouision et gouuernement de l’Hostel-Dieu dudict lieu, duquel Hostel-Dieu la disposition, prouision, administration et gouuernement appartient à pourvoir aux bourgoys, manans et habitans dudict Dourdan[4]. » C’est la ville elle-même qui a la tutelle de son Hôtel-Dieu, et ce sont les citoyens assemblés, dont nous avons donné ailleurs les noms, qui avisent à son administration. Ils ont choisi deux des leurs pour cette charge que la piété de nos pères tenait en honneur et que la misère des temps, une longue anarchie, les guerres bourguignonnes et anglaises à peine finies rendaient à Dourdan délicate et difficile. Le patrimoine des pauvres n’avait point été complétement perdu durant les mauvais jours qui venaient de s’écouler, et il s’accrut sans doute des dons des fidèles disposés à la bienfaisance par l’épreuve, car il est question, en 1461, d’un contrat au sujet d’une maison sise à Dourdan avec Jehan de la Barre, seigneur « de Groslu »[5] ; en 1471, de terres de l’Hôtel-Dieu sises à Roinville et d’un pré au pont d’Allainville ; en 1473, de terres « au champtier des « Minières et à l’orme aux saignées »[6].

Ce n’est pas toujours à des commissaires laïques que la direction de l’Hôtel-Dieu est confiée par les habitants, c’est souvent aussi à un prêtre qui prend alors le titre de « maistre et administrateur dudict Hostel. » C’est en cette qualité que nous apparaît « vénérable et discrète personne Jehan le Huvé, prestre » dans un double contrat, l’un du 1er février 1492, l’autre du 6 janvier 1495[7], par lequel « pour le bien, proffit et augmentacion d’icelle Maison-Dieu, » il baille, moyennant six livres tournois de rente annuelle et viagère, pendant 59 ans, « à Jacques de la Barre, seigneur de Grosleu et de Vaubesnart, à sa femme et à ses hoirs, une maison couverte de thuilles, court, jardin et appartenances, sise rue Neufve[8], » et 11 arpents de terre en une pièce sis entre Luffehart et Vaubesnart ; le tout du consentement de ce qui composait alors « la grigneure partie de tous les aultres bourgeois, manans et habitans de Dourdan »[9].

En 1499, c’est Jehan Aubry, seigneur du Gravier, qui porte le titre de maître et administrateur de l’Hôtel-Dieu.

En 1523, Nicolle Guymart, prêtre[10].

En 1535 François Le Roux, prêtre. — Une sentence du bailliage l’oblige à rendre compte de sa gestion, et, en 1551, il passe un bail par lequel il afferme, moyennant 80 livres parisis par an, tout le reuenu de l’Hôtel-Dieu à Florent Gouyn, le greffier des insinuations, à la charge de nourrir les pauvres[11].

À la séance de rédaction des Coutumes, en 1556, comparaît dans l’état d’église, après les curés, avec son titre de maître et administrateur de l’Hôtel-Dieu, maître Jean le Meignan, en même temps que son confrère maître François Buron, « maistre et administrateur de la maladrerie Saint-Laurent de Dourdan. » Les deux établissements sont visités le 10 octobre 1560, en vertu d’un édit du roi sur les maisons hospitalières[12].

En 1564, dans des jours mauvais, c’est à la main ferme d’un laïque que les intérêts de l’Hôtel-Dieu sont confiés par les habitants assemblés. Noël Boutet, seigneur de Bois-Poignant, homme influent et qui appartient à l’ancienne noblesse comme héritier du fameux privilégié de Châlo-Saint-Mard, est commis au régime et gouvernement de la maison[13].

C’est encore un prêtre, Cristophle-le-Prince, que nous retrouvons en 1576 avec le titre de maistre et administrateur.

Mais en 1577, comme les affaires des pauvres sont aussi compromises que celles des habitants en général par les désastreuses années qui viennent de s’écouler, des commissaires par justice, Denis Fanon et Jean Montqueron, sont chargés du gouvernement. Les ravages de la guerre, le pillage des Huguenots, le massacre ou la fuite des habitants, après le siége de 1567, ont annulé tous les revenus. L’Hôtel-Dieu possède aux environs de Liphard et de Vaubesnard plusieurs pièces de terre formant plus de 68 arpents tenus à bail emphytéotique à la charge de deux muids de grains par an. Mais, depuis vingt-neuf ans, il n’a été rien payé, et c’est tout un procès à suivre : il faut obtenir des sentences du bailliage, un arrêt de la cour, et faire faire par experts une appréciation de la valeur moyenne du grain pendant les vingt-neuf années, d’après les registres recherchés et rapportés par les appréciateurs jurés. Un nouveau bail du revenu de l’Hôtel-Dieu est passé le 16 mars[14].

Deux hommes d’affaires, le procureur Guillaume Deschamps et le marchand André Pelault, continuent, en 1585, à administrer comme commissaires. La fatale campagne de 1591 remet tout en question à Dourdan et ruine en partie l’hospice.

Quand la paix se rétablit, un prêtre, messire François Landuyer, obtient la gestion de l’Hôtel-Dieu. Mais la charge matérielle lui parait trop lourde, et, le 23 janvier 1604, il se démet du temporel, laissant aux habitants le soin de le faire régir « par main de commissaire, ainsi qu’auparavant on avoit de bonne coustume faire. » Il se réserve le spirituel, moyennant une pension de 75 livres et le logement[15].

Ici, sans doute sous l’influence de la reine-mère Marie de Médicis, qui devient dame de Dourdan en 1612, le régime de l’Hôtel-Dieu change complétement, et les habitants, dépossédés de leur initiative, voient leur hospice confié à la direction d’une femme et converti en un bénéfice à la nomination du grand aumônier de France. Dès le 12 mai 1614, sœur Estiennette Matharel, religieuse de l’ordre de Cîteaux, est commise par le cardinal du Perron « au régime et gouuernement de l’Hostel-Dieu et à la charge de Mère et Maitresse » avec son logis et la pension nécessaire[16].

Il ne faut pas que nos lecteurs aient une fausse idée de ce que pouvait être alors l’Hôtel-Dieu de Dourdan et se figurent un établissement régulier offrant de grandes ressources. Ils se méprendraient. Comme son nom l’indique, un hospice n’était alors qu’un refuge, un asile, un gîte où les pauvres passants, les voyageurs malades, les mendiants tombés sur la route trouvaient une paillasse et un morceau de pain. Il était rare que les malades de la ville y fussent transportés, car la piété et la charité des voisins pourvoyaient aux besoins des plus pauvres. L’Hôtel-Dieu de Dourdan paraît avoir été très-anciennement installé sur l’emplacement de l’antique paroisse Saint-Jean, rue Saint-Pierre, presque en face des halles[17]. Un corps de logis sur la rue, une chapelle où « l’eau tomboit sur l’autel » en 1618, une cour, un vieux bâtiment derrière et un petit terrain en formaient toute la contenance. De pieuses femmes s’y dévouaient au service des malheureux, elles y couchaient les passants sur de la paille, leur donnaient à manger et, avec les très-modiques revenus de la maison, avec les aumônes qu’elles recueillaient à domicile, elles préparaient des soupes et des bouillons qu’elles portaient « dans leurs pots » aux plus indigents de la ville. Dans des temps d’épidémie et de guerre, où de nombreux malades, des soldats blessés ou traînards, des paysans errants et ruinés encombraient Dourdan, on avait vu les pauvres gardes-malades obtenir l’entrée du château et convertir en ambulances les salles délabrées ou abandonnées.

La charge de mère et maîtresse de l’Hôtel-Dieu de Dourdan n’avait rien de bien avantageux ; aussi voyons-nous la sœur Matharel s’en démettre dès 1618, et la sœur Marie du Moulin, religieuse professe de Saint-Augustin, recevoir à sa place un bénéfice qui, tout modeste qu’il est, est confirmé par lettres-patentes du souverain. C’est à cette occasion que Louis XIII déclare la royale origine de l’Hôtel-Dieu de Dourdan, et, dans son conseil privé, donne gain de cause au chapelain qui réclame ses 75 livres de traitement.

Après la sœur du Moulin et la sœur Élisabeth de Montorné, de l’ordre de Cîteaux, Jeanne de Buade de Frontenac, personne de qualité, est pourvue du bénéfice par lettres-patentes du 30 juillet 1635 et le possède pendant trente-huit années. Toutefois, un grand changement se prépare et s’opère. Saint Vincent de Paul, en 1633 a fondé son admirable institut des servantes des pauvres. Dourdan sera une des premières villes à jouir du bienfait. Mademoiselle de Marillac, veuve de M. Legras, secrétaire de la reine Marie de Médicis, est la collaboratrice de saint Vincent de Paul et la première supérieure des filles de la Charité ; elle connaît Dourdan, où elle a sans doute accompagné sa royale maîtresse, et lorsque la reine Anne d’Autriche, devenue à son tour, en 1643, dame de Dourdan, sollicite pour l’Hôtel-Dieu de cette ville trois sœurs de monsieur Vincent, elle les obtient sans difficulté, et, dans la liste des fondations de l’ordre, Dourdan figure dès l’année 1648[18]. L’occasion de déployer leur dévouement ne se fait pas attendre pour les sœurs de Dourdan. Quatre ans après, éclate la guerre de 1652. Le siége d’Étampes, le pillage du territoire de Dourdan, la famine suivie d’une épouvantable peste, en réduisant la population à la dernière misère, encombrent l’hospice de malades et de mourants. Nous avons dit ailleurs le triste état de notre contrée à cette époque, la présence de saint Vincent de Paul, accouru pour organiser des secours, et conjurer à la fois deux fléaux, la mort et la faim. C’est sans doute à l’Hôtel-Dieu de Dourdan qu’il séjourna, tandis qu’il disposait dans les environs ses charitables batteries, les marmites de Saint-Arnoult, de Villeconin, etc.

La reine Anne d’Autriche fut plus d’une fois témoin des vertus et des peines des pieuses filles de Dourdan. Elle leur donnait chaque année, sur sa cassette, 300 livres. Les revenus de l’Hôtel-Dieu, encore réduits par la misère des temps, étaient insuffisants et se trouvaient absorbés, en grande partie, par le bénéfice de sœur de Frontenac, qui n’avait pas cessé d’en jouir. Cette sœur mourut en 1678, et les collateurs eurent le bon esprit, sinon de supprimer le bénéfice, du moins de l’accorder à une sœur de la communauté des filles de la Charité. Sœur Louise Texier, pourvue en 1678, entra immédiatement en jouissance et fit faire un procès-verbal de l’état des lieux et des réparations nécessaires au grand corps de logis, à la chapelle « étayée et menaçant ruine, » à la maison de la rue Neuve, etc. Comme elle ne résidait pas à Dourdan, elle envoya une procuration à un honorable et charitable bourgeois de la ville, M. André Le Camus, « conseiller du roi, substitut du procureur du roi au bailliage du Louvre et arsenal de Paris, pouldres et salpestres par tout le royaume, » qui fut, vers ce temps, prié de s’occuper de la gestion matérielle de l’Hôtel-Dieu. Durant quinze années ce zélé et intelligent administrateur, intitulé modestement « directeur de l’ancien domaine de l’Hôtel-Dieu et fondé de procuration de sœur, etc., » fut exclusivement chargé de tous les comptes, de toutes les affaires de la maison, et eut le bonheur d’assister et de travailler à sa transformation. — La sœur bénéficiaire, avec son titre « d’administratrice du revenu temporel », était un rouage au moins inutile. Sa pension diminuait singulièrement les modiques revenus, et, en fait, celle des trois sœurs de Charité desservant la maison, qui avait le titre de supérieure des deux autres, s’occupait seule de la direction quotidienne et rendait chaque mois ses comptes à M. Le Camus.

Une heureuse circonstance fit la fortune de l’Hôtel-Dieu de Dourdan. Marguerite-Louise d’Orléans, fille de Gaston, frère de Louis XIII, et par conséquent cousine germaine du roi Louis XIV et de Philippe d’Orléans, le nouveau seigneur apanagiste de Dourdan, était devenue grande duchesse de Toscane par son mariage avec Côme de Médicis (1661). Femme aux sentiments généreux, aussi jolie que spirituelle, mais fantasque et emportée comme son père, cette princesse menait une vie singulière. Quittant son mari et l’Italie, qu’elle détestait également, elle était revenue en France (1675), et, logée au couvent de Montmartre, n’en fréquentait pas moins la cour avec la grande mademoiselle de Montpensier, sa sœur, bizarre et riche comme elle. La grande duchesse de Toscane venait, chaque année, passer trois ou quatre mois à Sainte-Mesme, chez son amie la comtesse de l’Hôpital. C’était en général d’août en novembre. Vers 1682, les officiers de Dourdan, apprenant son séjour, allèrent au château de Sainte-Mesme lui rendre leurs devoirs et lui faire leur cour. Elle s’informa avec bienveillance auprès d’eux des pauvres de Dourdan, de leurs ressources, et demanda s’il y avait un hôpital. On lui parla de l’Hôtel-Dieu, destiné à loger les pauvres malades et les passants, de ses modiques revenus et de ses bonnes sœurs. Elle promit d’aller les visiter et tint parole. Il y avait alors pour supérieure une digne fille qu’on nommait Catherine Chevreau. La duchesse en fit son amie, et l’Hôtel-Dieu de Dourdan devint le but de toutes ses promenades et le théâtre de toutes ses bonnes œuvres. Avec le caractère enthousiaste et ardent que l’histoire donne à Louise d’Orléans, la chose s’explique sans peine.

La villégiature à Sainte Mesme, pendant l’automne de 1683, fut tout entière employée à relever, soutenir, enrichir l’hospice, et il ne fut plus question que de cela dans l’entourage de la duchesse et dans tous les cercles des environs. C’est la duchesse qui décida M. Le Camus à devenir le comptable de la maison, et c’est aux détails des comptes annuels de M. Le Camus, lus et dépouillés attentivement, que nous empruntons ces curieux renseignements sur une princesse dont la vie est peu connue.

Le 1er octobre, la grande société paraît s’être donné rendez-vous dans la pauvre chapelle de Dourdan, car la sœur Chevreau reçoit ce jour-là, de la main de la duchesse, 30 livres, 12 livres de madame de Châtignonville, 6 livres du duc de Montausier, 114 sols du révérend père Bourdaloue. L’illustre prédicateur est venu de Bâville, où il demeure chez mademoiselle de Lamoignon, la providence du pays, qui l’a invité à faire, dans l’église de Saint-Chéron, le catéchisme aux petits enfants au milieu desquels elle s’assied. Le P. Bourdaloue a sans doute, avant de déposer son offrande, adressé une allocution dans la chapelle de l’Hôtel-Dieu, pour stimuler la charité des nobles visiteurs. Mademoiselle de Lamoignon est là aussi, et elle revient souvent pour porter les aumônes de la grande duchesse. Chaque semaine, des sommes sont remises ou envoyées à sœur Chevreau. Les dames travaillent à l’ornementation de la chapelle, Louise d’Orléans brode de sa main un voile d’autel[19], et le 22 décembre on baptise une cloche. Mademoiselle Lefébure, fille du procureur du roi, est la marraine et donne, avec son nom de Geneviève-Thérèse, 114 sols d’aumône. Le parrain est Me Le Boistel, commissaire des guerres, qui fait un don de 16 livres 1 sol[20]. Les demoiselles riches de la ville quêtent elles-mêmes, aux fêtes, dans l’église Saint-Germain, où les marguilliers ont bien voulu faire mettre un tronc pour l’Hôtel-Dieu.

Ce qui est aussi édifiant que la charité de la grande duchesse, c’est sa persévérance dans l’œuvre qu’elle a entreprise. Pendant plus de vingt années, quand elle est à Sainte-Mesme, elle donne des aumônes de sa main à la supérieure, et toujours pour une destination spéciale : tantôt c’est 200 livres pour les pauvres honteux, tantôt 100 livres pour du pain, du bois pour faire les soupes, de l’argent pour payer le loyer des « filles de la communauté » dans une maison appartenant à l’Hôtel-Dieu, ou des aumônes pour les petites orphelines « de la Providence. » Quand elle n’est pas à Dourdan, des sommes sont remises de sa part, presque chaque mois, par le comte de l’Hôpital, mademoiselle de Lamoignon, mademoiselle de Mainville, M. de Prée, M. de la Martinière, M. Deslandres, receveur de Sainte-Mesme, ou par Michel Morin, messager de Dourdan, qui va les chercher à Montmartre ou à Picpus. Ces sommes montent, en général, à 1,200 livres par an, quelquefois davantage ; dans la seule année 1696, elles atteignent 3,472 livres. Ce n’est pas tout : Louise d’Orléans s’est faite solliciteuse auprès du duc d’Orléans, son cousin, seigneur de Dourdan, et elle a obtenu de lui d’abord 34 livres, puis 100 livres par mois, qui sont inscrites avec cette mention : « Données par la grande duchesse, provenant des charités de Monsieur pendant ce mois. »

Aussi la Grande-duchesse est-elle regardée comme la directrice de la maison. Les comptes de M. Le Camus sont, chaque année, à l’automne, rendus devant elle au château de Sainte-Mesme, et tous revêtus de son approbation et de sa signature. M. le comte de Sainte-Mesme y appose aussi la sienne[21]. C’est à Montmartre que M. Le Camus se transporte pour faire approuver l’année 1691, et en juillet 1692 on va prendre les ordres de la princesse à Saint-Mandé. C’est d’elle qu’émanent les règlements : le commandement de recevoir à l’Hôtel-Dieu tous les malades de la ville, soignés par les charités des paroisses, moyennant 5 sols par jour, de visiter les femmes en couches et les malades incurables à domicile, et de leur porter leur portion moyennant 4 sols (1686)[22] ; l’instruction pour l’agrandissement de la chapelle, datée de Picpus, de la main du comte de Sainte-Mesme ; la fondation à perpétuité d’un chapelain (1707) et les ordres donnés à ce sujet dans une lettre, quelque peu impérative, écrite de Picpus par Philbert, une des femmes d’honneur de la princesse, etc. (11 juin 1709)[23].

Vraiment dévouée à son œuvre, la Grande-duchesse ne manque pas de faire les affaires de l’hospice auprès des ministres ou des personnes influentes qu’elle rencontre à Saint-Cloud ou ailleurs ; elle sait même y intéresser son royal cousin, et Louis XIV figure parmi les donateurs de l’Hôtel-Dieu de Dourdan. La révocation de l’édit de Nantes (1685) mettait aux mains du roi les biens des protestants fugitifs. Non loin de Dourdan s’élevait le temple du Plessis-Marly, où Philippe de Mornay avait érigé et doté un consistoire. Par brevet du 4 novembre 1685, daté de Fontainebleau, Louis XIV accorde à l’hospice de Dourdan les matériaux de ce temple[24], et par brevet du 18 décembre de l’année suivante, les biens et revenus du consistoire[25].

En 1696, un nouvel arrêt du conseil (30 août) et de nouvelles lettres patentes royales accroissent l’Hôtel-Dieu de Dourdan ; cette fois, il s’agit de l’annexion d’un établissement local, la maladrerie Saint-Laurent, et le lecteur nous permettra de donner à ce sujet quelques détails qui ne seront pas une digression, puisqu’il est question de la fusion des deux maisons hospitalières de Dourdan.

La maladrerie Saint-Laurent[26], située à la porte de Dourdan, était, comme la plupart des établissements de ce genre, devenue depuis longtemps inutile. La lèpre était une maladie qui avait presque entièrement disparu du royaume, grâce aux soins donnés aux malades et à une réglementation sévère. Les biens et revenus des maladreries, restés presque sans objet, avaient été l’occasion de déprédations de la part de ceux qui étaient chargés de les administrer, de déclarations et d’édits de la part du trône. L’ordre de N.-D. du Mont-Carmel, incorporé en 1607, par Henri IV, à celui de Saint-Lazare qui avait de temps immémorial desservi les maladreries, pensa un instant absorber les biens restés aux léproseries, mais on songea avec raison qu’il valait mieux employer sur les lieux, pour d’autres malades, les biens fondés pour des malades qui n’existaient plus. L’édit du 24 août 1693 appliqua ces biens aux besoins locaux. En vertu de cet édit, le samedi 9 octobre 1694, l’évêque étant à Dourdan dans le cours de ses visites, messire Louis Broussard, chanoine de Chartres, est chargé d’une enquête sur Saint-Laurent et sur l’Hôtel-Dieu. S’étant transporté à la grande porte de l’église et ayant fait sonner la cloche, il réunit autour de lui « le général et commun des habitants » et, le questionnaire de M. le chancelier à la main, il interroge les assistants sur leur antique léproserie. Les anciens, ceux qui se souviennent des vieux dires, élèvent la voix et un notaire écrit. Voici ce qu’on apprend :

1o Nul n’a connaissance de l’origine de Saint-Laurent. Tous ses titres ont été perdus dans les guerres civiles.

2o De ses possesseurs, on ne connaît que le sieur de Neuville, commandant de l’ordre de Saint-Lazare, qui en jouit depuis vingt ans, et le sieur Devienne qui en jouissait auparavant, on ne sait en quelle qualité. Il y a plus de cent ans que la maladrerie est régie par les commissaires et administrateurs de l’Hôtel-Dieu.

3o L’hospitalité a été autrefois gardée dans ladite maladrerie et on y renfermait les lépreux et pestiférés.

4o De mémoire d’homme, on n’a vu de lépreux à Dourdan.

5o Les biens et revenus sont environ 60 arpents de terre autour de Dourdan, les droits de plaçage et de mesurage à la foire Saint-Laurent, le tout affermé 230 livres par an[27].

6o Lesdits biens ne relèvent d’aucun seigneur et ne sont chargés d’aucune dîme ou champart.

7o Il y a vingt ans (1674), le sieur de Neuville a fait démolir un vieux bâtiment contenant deux petites chambres et un vestibule.

L’enquête finie, on se transporte sur les lieux. La chapelle, de 50 p. de long sur 20 p. de large, est en bon état. Des trois portes qui y sont pratiquées, une est fermée ; c’est celle de l’ancien jardin attenant au bâtiment des lépreux, par laquelle ils entraient dans leur place réservée. Au-dessus de l’autel, monsieur le chanoine avise un tableau représentant un enfant Jésus, qu’il condamne à être voilé. Dans cette chapelle, on célèbre annuellement le service de saint Laurent la veille et le jour de la fête, et le prieur de Saint-Germain y vient processionnellement et y fait l’office. On y célébrait naguère la messe au moins tous les mois.

Sur la dernière question, à savoir s’il serait utile de rétablir l’hospitalité dans cette maladrerie pour les pauvres de Dourdan, il est répondu d’une commune voix qu’il vaut mieux l’unir à l’Hôtel-Dieu avec celles de Sainville, Auneau, Ablis, Saint-Fiacre près Saint-Arnoult, Gallardon, la Madeleine de Rochefort[28].

Deux ans après, comme nous l’avons dit, cette réunion s’opérait et ordre était donné de déposer à l’Hôtel-Dieu tous les titres et archives de Saint-Laurent. Malheureusement, ils n’existaient plus.

Revenons à l’Hôtel-Dieu et rentrons-y à la suite de messire le chanoine Broussard qui y continue sa visite et son enquête ; nous profiterons des renseignements qu’il recueille et nous saurons exactement l’état des choses en l’an 1694[29].

L’hiver a été très-rigoureux et l’on compte dans la ville 800 pauvres mendiants et plus de 40 malades, tant à l’Hôtel-Dieu que dans les maisons particulières. L’année est exceptionnelle, car en général le chiffre est d’environ 100 pauvres mendiants et 20 malades, partie desquels sont entretenus « tant bien que mal » aux dépens de l’Hôtel-Dieu ; les autres aux dépens de la charité dudit lieu et des quêtes faites journellement par les dames de Dourdan. C’est le seul hôpital, paraît-il, entre Paris et Chartres ; de là son encombrement. On y reçoit les compagnons de métier, les serviteurs et servantes de la ville, les gens qui viennent pour faire la moisson ou façonner les bois, les hommes et les femmes des villages de la dépendance du comté de Dourdan, et surtout les soldats qui logent en garnison ou demeurent malades sur les routes[30].

Il y a dix lits pour les hommes, dix pour les femmes et six pour six petites orphelines. « On a soin de faire confesser et communier les malades aussitôt arrivés, et prier Dieu soir et matin, et faire quelques lectures spirituelles. » Quant aux petites orphelines, elles ont la prière, la messe, le catéchisme, le chapelet sur les cinq heures et le travail de bas de soie.

Les trois sœurs de la charité de Saint-Lazare, dont une est supérieure, sont sous l’administration temporelle de sœur Louise Texier, représentée par M. Le Camus, et sous la direction spirituelle du prieur de Saint-Germain.

Le revenu fixe ne monte guère qu’à 1400 livres de rente, en 53 parties. Le peu de biens qu’il y a à l’Hôtel-Dieu n’ont été aumônés que depuis cinq à six ans, grâce aux soins et à la charité du duc d’Orléans et de Mme la Grande-Duchesse. Les dépenses montent ordinairement à 4 ou 5,000 livres.

Les bâtiments ont leur principale façade sur la rue ; au-dessus de la porte sont les armes de Son Altesse le duc d’Orléans[31]. Le grand corps de logis, couvert de tuiles, a neuf toises de toutes faces. En bas, sont la chapelle, la sacristie, l’oratoire, la salle des femmes, la cuisine, le réfectoire et trois réduits occupés par des particuliers ; au-dessus, la salle des hommes, l’apoticquairie, un galetas et des greniers. Un passage mène, à travers ce logis, de la rue à la cour. La cour est de même largeur avec un puits et un petit parterre. Un corps de logis peu confortable où habitent les sœurs en fait le fond. Un petit salon forme appentis d’un côté ; de l’autre, une masure sert d’étable aux vaches. Derrière est le jardin, de même largeur, agrandi de quelques récentes acquisitions, où s’élève un vieux bâtiment. On n’a pas oublié les armes de la Grande-Duchesse, bienfaitrice de la maison ; elles sont dans la cour, sous un cintre soutenu par deux pilastres.

La chapelle, modeste mais parée, reçoit de la Grande-Duchesse, en 1695, son plus précieux ornement : la châsse de saint Félicien, martyr. Ces reliques, qui ont appartenu au cardinal Piccolomini et ont été en grande vénération à Florence, sont envoyées de Toscane et solennellement reconnues par le curé de Saint-Chéron, official. Une fête le troisième dimanche de septembre, une octave, une exposition publique, les processions des paroisses voisines sont autorisées par l’évêque, et saint Félicien devient un des patrons les plus vénérés de Dourdan[32]. L’année suivante, l’exemple de la princesse est suivi par le sieur Besnard, qui offre à son tour une châsse contenant des reliques de sainte Victoire, saint Prosper, sainte Émérite et Émérentienne, saint Denis et Constant martyrs. La Grande-Duchesse, par des démarches fort habiles auprès du roi et de Monsieur, obtient pour Dourdan une foire franche annuelle, en septembre, connue sous le nom de Saint-Félicien[33]. Les lettres patentes en sont soigneusement enfermées dans la châsse.

On comprendra sans peine, après tout ce que l’on vient de lire, le dévouement des habitants de Dourdan pour la puissante protectrice de leur Hôtel-Dieu. Assemblés le 17 avril 1695, ils veulent lui en offrir un témoignage public. Cherchant à lui être agréables, ils s’engagent à l’entretien perpétuel de six orphelines, et expriment leur gratitude dans un acte de délibération qu’on trouvera à la fin de ce livre[34].

Vers le même temps, un nom vint s’ajouter, dans la reconnaissance des Dourdanais, au nom de la Grande-Duchesse, ce fut celui du chevalier Alexandre de Passart, seigneur de la Margaillerie, Saint-Escobille, Paponville et autres lieux, lieutenant de la grande vénerie du roi. Ce noble et riche vieillard, qui possédait de belles terres, plusieurs maisons à Paris, une remarquable collection de tableaux, et n’avait pour héritière que sa nièce la marquise de Lambert, et son neveu le maître des comptes, habitait fort souffrant dans sa terre de la Ville-Neuve, paroisse des Granges-le-Roi. La Grande-Duchesse, qui le connaissait, engagea les administrateurs de l’Hôtel-Dieu à ne pas négliger l’occasion de se concilier ses bonnes grâces. La digne supérieure Marie Boulard[35], ayant singulièrement consolé et assisté le vieillard dans sa maladie, fut la confidente de ses généreuses intentions pour les pauvres. Par acte du 13 juin 1693, M. de Passart donna à l’Hôtel-Dieu le sixième de la valeur de sa charge de contrôleur des décimes de l’archevêché de Bordeaux, deux lots de terre à Ognes et à Roissy et sa terre de la Ville-Neuve[36].

Ce ne fut pas tout : pensant ne pouvoir bien mourir qu’à l’hospice de Dourdan, il s’y fit préparer une chambre et transporter au milieu des pauvres malades qu’il protégeait. Là, durant les dernières années de sa vie, il se plut à étudier tous les besoins de l’établissement. Des maisons enclavées dans les bâtiments de droite en gênaient le développement, il les acheta et les réunit à l’Hôtel-Dieu. Une foule d’objets manquaient pour le service, il les procura de ses deniers. Enfin, par acte du 7 mars 1696, il créa dix nouveaux lits pour les malades[37]. Ces bienfaits donnaient assurément quelque droit à M. de Passart de dicter des conditions et de s’inquiéter de l’administration de l’Hôtel-Dieu ; il le fit avec une grande modestie et une grande sagesse, sous forme de vœu, dans le testament qu’il déposa entre les mains de Dom François Thomas, le prieur de Louye. Le 28 août 1696, ce riche et bienfaisant seigneur s’éteignit sous le toit des pauvres et fut inhumé dans la chapelle[38].

Les instructions de M. de Passart servirent de point de départ aux réformes administratives de l’Hôtel-Dieu. Le plus grand abus était l’existence d’une sœur bénéficiaire qui absorbait sans fruit une partie des revenus. Un concordat, conclu, sous l’influence de M. de Lamoignon, entre Monseigneur de la Tour d’Auvergne, cardinal de Bouillon, grand aumônier de France, et Monseigneur Paul de Godet des Marais, évêque de Chartres, supprima à toujours le titre d’administratrice dont se démit, le 18 août 1698, sœur Michelle Duchange, alors titulaire[39].

Les biens et revenus, définitivement joints et incorporés à l’ Hôtel-Dieu, furent dès lors régis par sept administrateurs, savoir : les deux curés, le lieutenant-général du bailliage et le procureur du roi, de droit ; plus trois bourgeois de la ville, dont un économe, élus par les habitants tous les trois ans. L’hôpital restait sous la direction de l’évêque de Chartres, et les sœurs de charité, chargées du service des malades et des pauvres, ne devaient plus en rien s’immiscer dans le temporel[40].

M. Le Camus, âgé de soixante-douze ans, mourut, comme M. de Passart, au service des pauvres, le 15 août 1699, et fut aussi inhumé dans la chapelle où ses enfants lui firent dresser un monument qui existe encore. Après lui, les comptes de l’Hôtel-Dieu sont rendus à l’évêque dans la forme prescrite pour les comptes de fabriques et la Grande-Duchesse ne les signe plus. Peu à peu, on sent son influence moins présente. La lettre écrite en son nom, de Picpus, par Philbert, en 1707, porte quelques traces d’exigence et de bizarrerie. Le 11 juin 1709, le bureau des administrateurs affirme encore par un acte de délibération la reconnaissance des Dourdanais. Un service solennel en est le dernier hommage lorsque la princesse meurt. Par son testament, elle avait légué une somme de 3,000 livres à l’Hôtel-Dieu, mais ce testament, annulé par le parlement, n’est pas exécuté. C’est sans doute pour remplir les intentions méconnues de la mère, que le fils, Gaston de Médicis, grand duc de Toscane, fait don à l’hospice, en 1724, de pareille somme de 3,000 livres[41]. Du reste la maison d’Orléans demeure fidèle à l’œuvre qu’elle protège et les ducs d’Orléans paient chaque année, sur leur cassette, jusqu’en 1793, une « gratification » de 500 livres à l’Hôtel-Dieu de Dourdan.

Le xviiie siècle suivit l’exemple du xviie, et une foule de donateurs, de leur vivant ou après leur mort, laissèrent des biens ou des rentes à l’hospice régénéré. Une grande table de marbre, récemment inaugurée dans la chapelle actuelle par les soins des administrateurs, rappelle les noms et les bienfaits qui, pour la plupart, n’imposaient d’autres charges que des messes et des prières. Nous y renvoyons ceux qui aiment à s’inspirer des souvenirs du bien et nous nous contenterons, après avoir cité quelques noms, comme ceux des époux Thévard, familles de Lescornay, Duchesne, Guerton, Guyot, Grugeon, Lenoir, Le Camus, veuves Hervé, Delbée, Juffraut, demoiselles Bigé, etc., de donner une mention spéciale à un généreux testateur, Jean-Louis Poussepin, ancien officier de la reine, lieutenant de l’élection de Dourdan. Par une disposition du 18 novembre 1786, il légua à l’Hôtel-Dieu tous ses biens dont la valeur peut être estimée à 80,000 livres, et c’est à peine si les formalités nécessaires pour la régularisation de ce legs important étaient terminées quand éclata la révolution[42].

C’est l’administration du xviiie siècle qui a doté la ville de Dourdan de l’édifice hospitalier que nous possédons et admirons aujourd’hui.

Vers 1760, préoccupés du mauvais état des anciennes constructions et de leur insuffisance pour les nouveaux services, encouragés par l’état prospère des finances de l’établissement, les habitants furent d’avis d’en réédifier au moins une partie. L’étude fut confiée à des hommes habiles ; plusieurs projets et devis furent présentés et la reconstruction totale fut résolue. L’architecte Petit, chargé de l’exécution, sut concilier l’économie et les convenances spéciales avec l’harmonie de l’ensemble et la dignité de l’aspect. Les façades simples mais correctes, les larges escaliers intérieurs, le portail solide et sévère de l’entrée, la décoration du fond de la chapelle et de l’autel, semblent plutôt inspirés de l’époque de Louis XIV que de celle de Louis XV, et bien des villes de dix mille âmes envieraient à Dourdan la grande et belle tournure de son Hôtel-Dieu[43].

À peine inauguré, le nouvel hospice vit affluer dans ses murs la population souffrante pour laquelle il était fait, car jamais peut-être la misère ne fut plus grande à Dourdan que dans les dernières années de l’ancien régime. Tout ce qui concerne le paupérisme et la charité trouve naturellement sa place dans ce chapitre : nous n’oublierons pas de mentionner, à côté de l’Hôtel-Dieu de Dourdan, les confréries charitables de ses paroisses et l’organisation des secours au profit des indigents.

Les confréries de charité, les Charités, comme on les appelait, instituées vers 1618 par saint Vincent de Paul, se répandirent rapidement dans le diocèse de Chartres. Le 29 juin 1663, maître Louis Rivet, prêtre de la Mission, en vertu de pouvoirs conférés par Mgr de Neuville, et du consentement des habitants, fonda une charité dans chacune des deux paroisses Saint-Germain et Saint-Pierre de Dourdan « pour honorer le Seigneur Jésus-Christ et sa sainte Mère et pour assister les pauvres corporellement et spirituellement. » Les règlements de ces charités, qui sont le point de départ de notre bureau de bienfaisance, se résument ainsi : La compagnie se compose de femmes et filles autorisées par leurs maris ou leurs parents. Elle a pour supérieur perpétuel le curé, et se nomme tous les deux ans, le lundi de la Pentecôte, une dame présidente, et deux assistantes dont l’une tient les comptes et l’autre le garde-meuble et le linge qu’elle lave et raccommode ; elle se choisit en outre « un homme plein d’esprit et de prudence et d’une piété reconnue » pour être le procureur de la charité. Les associées servent chacune à leur tour les pauvres malades reçus par la présidente, leur portent chez eux leur boire et manger tout apprêté, quêtent à tour de rôle dans l’église ou par les maisons les dimanches et fêtes. Chaque pauvre malade reçoit, pour chaque repas, « autant de pain qu’il pourra suffisamment manger, cinq onces de veau ou de mouton, un potage, et demi-septier de vin mesure de Paris ; aux jours maigres, au lieu de viande, une couple d’œufs et un peu de beurre ; aux plus malades, des bouillons et des œufs frais et une garde à ceux qui seront en extrémité. » La compagnie assiste en corps à l’enterrement de ses pauvres et fait dire une messe pour leur âme. La confrérie a son autel, et, le troisième dimanche de chaque mois, sa messe et sa procession.

Les commencements des charités de Dourdan furent bien modestes. Celle de Saint-Pierre, par exemple, qui se choisit pour premier procureur Jacques Deslandres, pour première présidente Mme Jacques Deslandres, et pour trésorière Mme Claude Poussepin, recueillit dans sa première quête générale 33 livres 12 sols. Me Rivet donna un fonds de 150 livres, et en six années la dépense monta à 692 livres 10 sols 6 deniers, mais la recette n’avait atteint que 478 liv. 4 sols[44]. Peu à peu des donations vinrent enrichir la caisse des pauvres. Celle de Saint-Germain demeura toujours la mieux garnie. Les revenus d’une ferme, don d’un pieux ecclésiastique, les rentes sur divers particuliers, 600 livres environ du produit des quêtes, lui composèrent un fonds annuel d’environ 2,000 livres. Avec ces modiques ressources, les dames de Dourdan s’évertuaient à faire le plus de bien possible aux pauvres malades en les soignant à domicile, ou en payant pour eux des journées à l’Hôtel-Dieu.

À côté des malades, il y avait les valides pauvres dont le nombre écrasait la ville de Dourdan durant certaines années de disette ou de cherté si fréquentes au xviiie siècle. La population se saignait alors pour soutenir ses indigents. Pendant l’hiver de 1741, à l’aide d’un prélèvement volontaire fait par les commerçants sur leurs gains, et par plusieurs particuliers sur leurs revenus, et d’une taxe sur les propriétaires à raison de 4 deniers par mois des deux tiers de leur revenu, on obtient une somme mensuelle de 900 livres, y compris la part du duc d’Orléans pour 350 livres. On achète avec cela du blé de méteil dont on ne tire qu’un minot de son au septier, et dont on fait un pain nourrissant qui se cuit au four de l’Hôtel-Dieu, et se distribue le dimanche par deux personnes des charités. À la fin de l’hiver, 236 personnes et 177 enfants, dans les deux paroisses, reçoivent par mois jusqu’à 5,727 livres de pain. Il y a aussi, dans les grandes misères, des distributions de riz de la part du roi. En 1739, l’élection de Dourdan en reçoit 4,000 livres que l’évêque est chargé de distribuer aux paroisses. Saint-Germain en obtient 250, et Saint-Pierre 150. En 1752, sur 6,000 pour l’élection, 250 paroissiens de Saint-Germain et 40 paroissiens de Saint-Pierre se partagent 435 livres de riz, soit une livre et demie par personne. C’était un faible secours dont les intendances faisaient pourtant assez d’étalage dans des circulaires sur le mode de distribution, de conservation, de cuisson, etc.

Quand le travail manque complétement et que l’agitation est à craindre, des ateliers de charité s’ouvrent pour les malheureux ouvriers dont la corvée devient au moins un gagne-pain. En février 1773, les journaliers de Dourdan et des environs sont épuisés de misère, et le subdélégué se fait leur chaleureux avocat auprès de l’autorité supérieure : « J’insiste de nouveau, vous suppliant d’accorder au moins un millier d’écus pour soutenir les bras chancelants de ces malheureux corvéables, réduits dans la plus cruelle indigence ; ce secours alimentaire devient indispensable et un atelier de charité ranimera leur courage abattu, car la misère des temps les réduit aujourd’hui dans l’impuissance absolue de travailler gratuitement. Que votre cœur compatissant ne laisse pas dessécher ces herbes précieuses de l’État, puisque leur suc nourrissant, économisé avec sagesse, en alimente le corps ! » Le subdélégué, malgré sa bonne volonté, n’obtient pas grand’chose, et on ne lira peut-être pas sans intérêt la lettre qu’il écrivait, avec une certaine hardiesse, le 5 mai suivant. C’est un vivant tableau de Dourdan à cette époque :

« Je ne puis fermer plus longtemps les oreilles au cri général des personnes charitables de Dourdan, qui, depuis quelques mois, se sont épuisées pour secourir quantité de chefs de ménage et pauvres veuves affligées d’une maladie qui paroit se déclarer épidémique. Aujourd’hui que les secours sont épuisés, que la misère est presque à son comble, qu’il est mort depuis trois mois ou environ, 34 grands corps dans la seule paroisse de Saint-Germain, qu’il y a encore jusqu’à trois et quatre malades dans plusieurs ménages sans ressource, je ne puis qu’intéresser la bonté de votre cœur, pour du moins leur faire procurer les remèdes et assistance de chirurgiens, étant dans l’impuissance de frayer à toutes ces dépenses.

« Cette petite ville en général est médiocrement aisée : les charges de toutes espèces que les besoins de l’État font supporter à ses habitants, et qu’ils sont obligés d’acquitter, diminuent d’autant les petites ressources économiques qu’ils employoient avec zèle au soulagement des malheureux. L’imposition arbitraire des vingtièmes, sans égard à des réparations accablantes, les reconstructions des presbytères, nefs d’églises, entretien du pavé, défaut intermédiaire de locations, pertes de loyers, diminuent de plus d’un cinquième les revenus des propriétaires des maisons (ce point de fait peut être prouvé année commune). Les charges extraordinaires, non-valeurs, etc., découragent le plus grand nombre. La continuation des dons gratuits, huit sols pour livre sur les droits d’entrée et autres qui y sont assujétis leur laissent à peine le nécessaire pour subvenir à leurs besoins les plus privilégiés et ceux de leur famille. Ces charges multipliées et aggravantes ne leur permettent plus de suivre les impressions de la charité qui les anime, et le menu peuple affligé de maladies ne peut plus subsister sans les secours du gouvernement. J’attends vos ordres pour les leur faire procurer, et cette vertu d’humanité qui vous caractérise est le seul espoir qui leur reste dans l’état actuel des choses[45]. »

À cette déchirante supplique, l’intendant répliquait, cinq jours après, par un message de deux lignes, où il autorisait la distribution de secours et de remèdes aux malades, en recommandant « l’économie, » et communiquait, pour toute réponse de l’autorité supérieure, un ordre du contrôleur général aux habitants de Dourdan, d’avoir à solder la somme de 4,195 livres, reliquat sur leurs anciens dons gratuits. Ce qui était triste, ce n’était pas de voir le pays manquer du secours de l’État, mais c’était de songer qu’on avait tout fait pour le mettre dans la nécessité et l’habitude d’y compter.

Nous ne quitterons pas l’Hôtel-Dieu de Dourdan sans dire un mot de ses destinées actuelles[46]. La révolution ne sut pas l’épargner. La chapelle, qui avait déjà servi de salle d’assemblée le 16 mars 1789, pour la séance générale des trois ordres du bailliage, à la veille des États, fut convertie, l’an II de la république, en lieu ordinaire des séances de la « Société populaire de Dourdan. » La tribune qui communiquait avec la salle des malades fut murée. Le nom de « Maison d’humanité » remplaça, au-dessus de la porte d’entrée, le titre d’Hôtel-Dieu, et, par une mesure de haute convenance, la maison du chapelain, d’où avaient été expulsés tour à tour le digne abbé Charpentier et son remplaçant assermenté, servit de logement aux filles du district qui venaient faire leurs couches et à la sage-femme qui les gardait.

Le patrimoine de la maison, fruit des bienfaits de plusieurs siècles, ne fut pas respecté : 2,358 francs de rente sur le grand-livre, déjà réduits à 786 fr. comme tiers-consolidé, 814 francs de rentes et de redevances sur des princes, des seigneurs ou des particuliers émigrés ou condamnés, furent confisqués et anéantis ; des rentes sur l’Hôtel de Ville de Paris, des actions de la compagnie des Indes furent supprimées et perdues ; 34 arpents 90 perches de terre, rapportant 814 francs en 1790, furent séquestrés et vendus en vertu de la loi du 23 messidor an II. En vain, le Consulat et l’Empire cherchèrent-ils à indemniser les hospices, le trésor public était vide, Dourdan reçut une somme insignifiante.

En août 1806, le jour où il passa par Dourdan avec Joséphine, l’empereur donna à l’Hôtel-Dieu le beau linge qu’on y conserve encore. De la Hollande, où il gouvernait au nom du maître, le prince Lebrun n’oubliait pas le pays qu’il aimait, et, en 1812, il écrivait à son notaire de Dourdan de verser chaque mois 300 francs dans la caisse de l’hospice. La fourniture des aliments de la maison de détention, confiée à l’Hôtel-Dieu jusqu’en 1818, procura à l’établissement un surcroît de ressources. Ajoutons qu’il se trouva encore, comme jadis, de généreux donateurs qui se plurent à doter les pauvres, et les noms de Ferry, Thirouin de Saint-Martin, Boivin, Bouteroy, Guenée, etc., sont venus prendre place, à la suite des noms de leurs aïeux, sur la liste des bienfaiteurs de l’Hôtel-Dieu. L’administration, qui avait, elle aussi, subi les modifications des législations nouvelles, géra avec soin le patrimoine qui lui était confié et se trouva secondée par des sœurs dont l’expérience égalait le dévouement[47].

En 1853, les ressources parurent suffisantes pour songer à l’achèvement des bâtiments, et l’aile de gauche fut édifiée sur le modèle de celle de droite, dans l’emplacement de constructions achetées à cet effet. Deux larges salles pouvant contenir chacune douze vieillards infirmes, deux autres plus petites de six lits chacune pour des enfants pauvres et orphelins, y furent installées et soigneusement aménagées, avec un soubassement destiné aux bains, aux distributions de secours, etc. La maison du chapelain reconstruite, les dépendances, buanderie, étable, cellules pour les aliénés, circulation d’eau et de chaleur, etc., achevèrent de compléter un établissement dont la ville est fière à juste titre[48].

Les revenus de la maison sont dans un état prospère, bien que notablement amoindris. La recette ordinaire, constatée par le compte du dernier exercice, est de 18,798 fr. 95 c.

Quarante-huit lits sont offerts aux vieillards infirmes de la commune et aux malades de la ville et des paroisses de Saint-Escobille, Sainte-Mesme, Saint-Arnoult, Saint-Martin et les Granges.

Une commission de cinq membres, présidée par le maire et secondée par le receveur, cinq sœurs de Saint-Vincent de Paul pour le service des malades, un chapelain qui est en même temps vicaire de la paroisse, un médecin expérimenté : voilà l’état actuel de l’Hôtel-Dieu de Dourdan. Dire que chacun remplit et au delà sa mission, c’est chose inutile ; tous le voient, tous le savent, tous l’admirent.

Le bureau de bienfaisance fonctionne à côté de l’hospice et complète son œuvre. Il a des ressources qui lui sont propres, et ses revenus s’élèvent actuellement à 11,817 fr.

On peut dire que l’indigence reçoit à Dourdan, plus qu’ailleurs, des secours efficaces et que les grandes misères y sont rares et promptement soulagées. Si nous avons le regret d’avoir encore des pauvres parmi nous, nous avons au moins la consolation de leur offrir quelque assistance, et l’espoir autant que le désir de pouvoir faire pour eux un jour davantage.

  1. Mention portée sur un registre de l’hospice de 1705 environ, et signalée dans une note de M. Dauvigny, ancien maire de Dourdan. — Archives de l’Empire, O. 20250.
  2. Archives du Loiret. — Fonds du comté de Dourdan.
  3. Titres particuliers de la terre de Rouillon. — Inventaire des archives du marquisat de Bandeville.
  4. Archives de l’hospice. B. 1. 1. — Nous sommes heureux de pouvoir renvoyer aux pièces, grâce à un classement méthodique qui est dû au président actuel de la commission administrative.
  5. Archives de l’hospice. B. 1. 2.
  6. Titres de Rouillon.
  7. Archives de l’hospice. B. 1. 3. — B. 1.4.
  8. « Tenant d’une part à Denys Marteau et aux hoirs de feu Jehan Foucquet, d’autre part à Jehan Thibault l’aîné, aboutissant par devant à la rue qui tend de la croix Ferrais au cimetière de Dourdan, ou aux murailles, le chemin entre deux. Laquelle maison, qui fut à feu Germain de la Barre, appelée l’hostel de Groslieu. »

    L’hôtel de Groslieu, qui était sans doute une donation dont la famille du donateur louait la jouissance, fut engagé en 1553, au bout des 59 ans, par un nouveau contrat. Elle fut tenue ensuite à bail emphytéotique parle sieur de Grainville, par Noël Boutet au xviie siècle, et Jacques Vallée au xviiie.

  9. Frère Jacques Ricoul, prieur curé ; Anthoine Hervé et Gilles Yvon, prestres ; « noble homme Loys Besnard, honorables hommes Geruais Challas, bailli, Liger Lucas, Robert le Charron, Pierre Le Conte l’aisné, Pierre Le Conte le jeune, Regnault Champeau, Jehan Harvet, Blaise Tardif, Jehan Challas, Phillippes Soutif, gaigers et prouiseurs de ladicte église Saint-Germain ; Gilles Boudet, Jacques Charles, Guillaume Duformanoir, Lyphard Champeau, Jehan Thibault l’aisné, Germain Thibault, Jehan Thibault le jeune, Regnault Gommore, Estienne du Ban, Robert du Perray, Lyphard le Conte, Pierre Allain, Robert Brochebourds, Anthoine Thirard, Ollivier Mauclerc, Jehan Fortesépaules, Pierre Champeau, Léonard Boudet ; — tous bourgeois de Dourdan. »
  10. B. 3. 1. — Bail de trois pièces de terre près Saint-Laurent.
  11. En 1537, lors de la confection du terrier, l’Hôtel-Dieu de Dourdan possède sous la censive du domaine, suivant déclaration de maître François Leroux :

    1o Un grand jardin à la Croix Saint-Jacques, — chargé de 14 deniers parisis de cens.

    2o Six arpents de terre au champtier vers Louye, — de 16 deniers tournois ;

    3o Dix arpents de terre en quatre pièces, au champtier de Chastillon, — de 31 deniers parisis ;

    4o Quatre arpents en trois pièces, au champtier de Normont. — Déclarations censuelles.

  12. B. 3. 6.
  13. B. 3. 7.
  14. B. 3. 11.
  15. A. 1. 4.
  16. A. 1. 5.
  17. On n’a aucune donnée sur cette paroisse.
  18. Vie de madame Legras, par M. Gobillon, curé de Saint-Laurent. — Paris, Dehansy, 1759.

    L’hospice de Dourdan garde, comme une sorte de relique, une belle lettre autographe de M. Vincent Depaul à la sœur Legras, datée de 1640, où il lui parle d’affaires de communauté, et surtout l’engage à soigner sa santé, avec une bienveillance et une simplicité charmantes. — Une lettre de madame Legras lui sert de pendant.

  19. Ce voile en satin blanc brodé de rinceaux de fil d’or, de fleurs en soie et d’une tête de la Vierge, est encore conservé à l’hospice de Dourdan.
  20. Les paillasses avaient été, à ce qu’il paraît, remplacées par des lits, car M. Le Boistel exprime le vœu que son offrande serve à l’achat de tours de lit en moquette pour la salle des hommes.
  21. Voici quelques chiffres résultant de ces comptes :
    Recettes. Dépenses.
    1683.................... 4,813 livres. 3,200 livres.
    1688.................... 5,607 5,239
    1693.................... 7,842 7,551
  22. A. 5. 2. — Voir les détails, pièce justificative XXII.
  23. C. 4.
  24. B. 27. 2.
  25. Confirmé par nouveau brevet du 26 avril et lettres patentes de juillet 1688, sauf une rente de 100 livres distraite en faveur du curé de Longvilliers. — Ces biens et revenus ne paraissent guère consister que dans 98 liv. 7 sols 6 den. de rente, dont 50 dues par le prince de Guéménée. — B. 25. 9.

    Déjà, en vertu des déclarations du roi des 16 janvier 1683 et 20 août 1684, cette rente avait été délaissée à l’hospice, en présence du bailli de Dourdan, le 27 décembre 1684, par Joseph Hammer, ministre de l’église du Plessis-Marly, Jean de Heslin, écuyer, sieur de Villeneuve, et Jacques Tabourdeux, anciens de ladite église. — B. 25. 3.

  26. Voir chapitre IV.
  27. 31 arpents en plusieurs pièces aux environs de la chapelle, 8 arpents du côté de Louye, 11 près l’étang de Gaudrée, etc. — Bail du 10 avril 1687, pour neuf ans, à Isaac Rousseau, notaire à Dourdan, par le procureur de messire Henry Barrière de Vollejar de Neuville, « commandeur de la commanderie de la ville de Dourdan et des malladreries en dépendans. » — Julien Joseph avait été, pendant trente ans, fermier à 200 livres.
  28. B. 31. 3.
  29. Idem.
  30. De novembre 1685 à avril 1686, le premier bataillon du régiment de Navarre tient garnison à Dourdan et fournit à l’Hôtel-Dieu 721 journées de malades, pour chacune desquelles l’aide-major paie 4 sols et le trésorier de l’extraordinaire des guerres 3 sols 6 deniers. La même année, année des terribles dragonnades, des dragons en passage restent malades à l’hospice.

    Du 6 au 24 août 1687, le régiment de Soissons a 150 journées à payer, etc.

  31. Dépense de 1685 : « 52 liv. 6 sols 6 den. pour les armes de S. A. R. Monsieur, qu’on a fait placer au-dessus de la grande porte, pour marquer à la postérité la reconnoissance des charités qu’il a plu à Son Altesse Royale faire pour le rétablissement et entretien de cette sainte maison. »
  32. C. 1. — À la demande des habitants, une confrérie est érigée sous le nom de Saint-Félicien. Enrichie d’indulgences par bref de Clément XI du 22 septembre 1702, approuvée par l’évêque le 13 septembre 1706, cette confrérie, tout à la fois de dévotion et d’assistance mutuelle, avait pour premier directeur le prieur de Saint-Germain ; pour deuxième directeur le chapelain, avec un sacristain et un trésorier. Sa principale fête était le troisième dimanche de septembre. Tous les confrères et sœurs payaient, au jour de leur réception, 5 sols, et tous les ans 2 sols 6 den., à l’exception des pauvres. Les recettes étaient employées en offices, ornements, et le reste à l’hospice, « sans qu’on puisse rien employer en repas ou collations, sous quelque prétexte que ce soit, même au jour de la reddition des comptes. » — Cette confrérie a disparu. Les reliques de saint Félicien, déposées en 1730 au-dessus d’un autel dédié au saint et derrière un tableau représentant son martyre, sont encore aujourd’hui l’objet d’un culte spécial. La fête, l’octave, l’exposition subsistent toujours, ainsi que la foire annuelle.
  33. Voir le chapitre Industrie et commerce.
  34. Pièce justificative XXIII.
  35. Sœur Marie Boulard, qui avait remplacé sœur Catherine Chevreau, et qui mourut à quatre-vingts ans (22 mars 1717), supérieure de l’hospice de Dourdan, n’a pas cessé d’être en vénération dans la famille de saint Vincent de Paul. Son éloge, fait publiquement l’année de sa mort dans une conférence de M. Mourguet, directeur des sœurs de la Charité, est encore une des lectures édifiantes de la communauté. Chargée d’abord d’une difficile mission en Pologne, de Versailles elle vint à Dourdan. Ses vertus furent révélées après sa mort par ses sœurs. Son influence dans l’organisation de l’Hôtel-Dieu et auprès des grands personnages qui s’en occupaient, fut immense. « Vous avez un trésor dans cette bonne fille, disait M. de Passart aux administrateurs, qui venaient le remercier de sa riche dotation ; c’est à elle que vous devez tout ce que j’ai fait. »
  36. Un retrait, prévu par son testament, fut malheureusement exercé à l’égard de cette dernière terre, moyennant une rente de 800 livres. Il n’en faut pas moins reconnaître que la valeur des dons de M. de Passart, à cette époque, s’élevait à plus de 40,000 livres.
  37. À la charge de recevoir et soigner, outre les malades curables de Dourdan, ceux des paroisses de Saint-Escobille, des Granges et de Sainte-Mesme.
  38. Une pierre élevée en son honneur par les administrateurs se voit encore dans la chapelle d’aujourd’hui.
  39. Confirmé le 30 août 1699, à Saint-Cloud, par le duc d’Orléans, comte de Dourdan, ce concordat fut approuvé en 1700 par le roi, suivant lettres patentes enregistrées au parlement le 31 juillet.
  40. Quelques détails de ce régime nous paraissent devoir être conservés au point de vue de l’histoire administrative :

    Les administrateurs se réunissent tous les vendredis, à deux heures. La présidence de ces séances est l’objet d’un conflit et d’un long procès. Réclamée par les curés, elle est attribuée, par arrêt du parlement du 22 août 1750, au lieutenant-général. Les délibérations, enregistrées, portent sur les affaires du dedans et du dehors, et la supérieure apporte ses livres, dont le compte se règle sur le bureau.

    Les comptes de l’économe se rendent également au bureau, après les trois ans d’exercice.

    Lorsqu’il y a des difficultés sur ces comptes, elles sont jugées par le lieutenant-général, sur les conclusions du procureur du roi.

    Dans les assemblées où il s’agit de proposer des procès ou autres affaires judiciaires, ces deux officiers n’opinent pas.

    Outre l’économe, un des administrateurs est chargé à tour de rôle, chaque semaine, de visiter les malades et de recevoir les plaintes contre l’administration des sœurs.

    Il ne se fait dans le bureau « aucun repas ny aucune dépense aux dépens des pauvres, et l’économe n’a pour toutes les peines qu’il s’est données pendant ses trois années que six livres de bougie. »

    On reçoit trois sortes de malades : ceux des dix lits de M. de Passart, les pauvres passants jusqu’à un certain nombre, les pauvres des charités des deux paroisses qui paient pour eux 6 sols par jour. On ne met, en général, pas plus de deux malades dans chaque lit.

    On ne reçoit ni femmes grosses, ni incurables, ni maladies contagieuses.

    Le chirurgien fait trois visites par jour, et, outre ses appointements, il est exempté de toute imposition. Les sieurs Petit et Boudet le jeune réclament une augmentation en 1697, à cause du nouveau service Passart. On leur alloue 30 livres par an (E. 4). — 30 décembre 1762, les appointements du sieur Richard sont portés à 120 livres, à cause du grand nombre de malades occasionnés par les fréquents passages de troupes à Saint-Arnoult, pour la guerre, et eu égard à la misère des temps.

    Le chapelain, qui a le titre de vicaire de Saint-Germain, assiste et enterre les malades, mais les droits et priviléges du curé sont soigneusement sauvegardés par des lettres de l’évêque de Chartres des 30 novembre 1703 et 20 décembre 1708.

    Les sœurs, d’abord réduites à trois, sont portées à quatre ; dès 1759 on en compte cinq, plus une servante et un valet. Avant 1696, sous M. Antoine Lebrun, curé, les marguilliers de Saint-Germain, par acte authentique, leur avaient accordé un banc gratuit « dans la nef, entre la grande arcade, à main droite en entrant, » en considération de leurs bons services, « et pour le bon exemple et instructions qu’elles donnent par leur modestie, piété et dévotions. »

  41. On lit dans un ancien inventaire : « S. A. R. Mgr Jean Gaston de Médicis, grand duc de Toscane, a donné à l’Hôtel-Dieu de Dourdan, par les mains de Mre Jacques-Antoine Penneti, son secrétaire substitué en France, la somme de 3,000 livres, pour être employée en fonds d’héritage ou rente, pour l’exécution et entretien de la fondation faite par ledit seigneur grand-duc de Toscane par reconnaissance à la mémoire de S. A. R. madame Marguerite-Louise d’Orléans sa mère, par acte du 7 novembre 1724. » — Archives de l’Empire, O. 20250.
  42. Dans les neuf années, de 1754 à 1762, les revenus de l’hospice sont, en moyenne, de 6,500 livres et les dépenses de 6,000 livres. De 1786 à 1792, c’est-à-dire après le legs de M. Poussepin, ils s’élèvent à 14,000 livres environ, qui représentent peut-être 25,000 francs d’aujourd’hui.
  43. Posée en mai 1767, la première pierre reçut cette inscription : « Du règne de Louis XV le bien-aimé, l’an 1767, cet hôpital a été reconstruit sous l’administration de MM. Roger, président et lieutenant général du bailliage ; — Crochart, avocat et procureur du roy ; — Desouches, prieur-curé de Saint-Germain ; — Delafoy, curé de Saint-Pierre, administrateurs-nés ; — Curé, lieutenant des eaux et forêts ; Sénéchau, écuyer, contrôleur des guerres, administrateurs électifs ; — et sous l’économat du sieur Méhudin, et la direction et inspection du sieur Petit. »

    Un nouvel alignement avait été donné. Isolé de trois côtés, l’hospice s’ouvrit comme jadis au midi, presque en face des halles ; mais le grand corps de logis, au lieu de s’élever sur la rue, fut reporté sur perron au fond de la cour et distribué en vestibule, escalier, cuisine, parloir, réfectoire, pharmacie, salle de conseil, avec infirmerie, dortoir et lingerie au premier étage. À main droite, une grande aile contenant, au rez-de-chaussée et au premier, deux salles de malades avec dépendances, se termina par la chapelle, dont la sacristie forme, avec un pavillon parallèle, l’entrée de la cour. L’aile de gauche, sur l’emplacement de laquelle s’élevaient une grange et des habitations enclavées, fut ajournée. Derrière, au nord du corps principal, le jardin demeura bordé au levant par des bâtiments de service, et sur la rue Neuve par l’ancienne maison et le petit jardin du chapelain.

    La dépense, retrouvée sur un compte, monte, pour ce qui concerne le grand bâtiment, du 1er mai 1767 au 1er février 1769, à 29,122 livres. (E. 7. 2.)

  44. L’hospice conserve un journal des actes de la charité de Saint-Pierre qui embrasse plus d’un siècle.
  45. Correspondance avec l’intendance. — Fonds Roger.
  46. Nous ne saurions mieux faire que de renvoyer le lecteur, pour les détails de la période moderne de l’hospice de Dourdan, à l’intéressante notice publiée en 1854 par M. Boivin, alors membre, aujourd’hui président du conseil d’administration.
  47. On nous permettra de donner ici un souvenir à la vénérable sœur Espirac, qui mourut à son poste, le 24 octobre 1850, à l’âge de 88 ans, après avoir été 48 ans supérieure.
  48. Dépense évaluée à 65,000 fr. — Première pierre, posée le 18 avril 1853, en présence de MM. Diard, maire ; Boivin, Baulot, Guenée, Pyot, Curot, administrateurs. — Sœur Sophie Gigault, supérieure ; — Gérard, chapelain. — Architectes : MM. Magne et Bourienne.