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CHAPITRE X.

de Dourdan du côté du couchant, et remontant vers le nord, prit position sur les pentes qui regardent le midi et dominent la ville. Le maréchal de Biron, s’appuyant à la forêt, fit camper ses troupes dans un repli de terrain formant un vallonnement entre la lisière des bois et la route qui descend de la butte de Semonds, au lieu qui porte encore aujourd’hui le nom de Val Biron. Il y eut aussi sans doute un bivouac de troupes royales dans un champtier qu’on rencontre vers l’est, en descendant le cours de l’Orge et qui s’appelle encore le Champtier de Navarre.

Quand le maréchal de Biron, pénétrant dans la vallée, put apercevoir la ville de Dourdan serrée en amphithéâtre au pied de son haut donjon et de sa grande église, il dut comprendre qu’il n’y avait pas à espérer d’entrer sans coup férir, comme à Auneau : car déjà des toits de l’église s’élevait un tourbillon de feu et les deux clochers flambaient comme deux torches au-dessus de la ville. « En effet, dit de Lescornay, le capitaine Jacques ne veit pas plus tôt les avant-coureurs, qu’il feit porter le feu, lequel embrasa en un instant le plus bel édifice qui se veist à bien loin de là[1]. »

C’est dire la résistance longue et désespérée que le brave commandant déploya contre les efforts combinés de l’artillerie royale, contre les assauts répétés d’une milice disciplinée et dressée par toutes les manœuvres du siége de Chartres, contre les tentatives de la mine et de la sape, trop faciles, hélas ! dans ce terrain. Comme l’avait prévu le capitaine Jacques, les ennemis, maîtres de la ville, dressèrent leurs batteries sur la place du marché et cherchèrent à se faire une redoute du vaisseau de l’église. L’attaque du château se faisait pour ainsi dire à bout portant, et la malheureuse ville, prise entre deux feux, souffrait autant de la riposte des assiégés que du feu des assaillants. La vieille halle, les murs de l’église, portaient encore, au bout de deux siècles et demi, engagés dans leurs façades, les projectiles que la garnison lançait contre les troupes du roi[2].

Le maréchal de Biron, avec le caractère hautain et présomptueux que lui donne l’histoire, et son habitude de regarder comme prises les villes qu’il attaquait[3], s’irritait fort d’une résistance qui dépassait toutes ses prévisions. Il correspondait de son camp avec le roi, et les grands politiques du temps venaient en personne s’entretenir avec lui des moyens de rétablir enfin la paix dans le royaume. Du Plessis-Mornay,

  1. De Lescornay, p. 170.
  2. Lors de la démolition de l’ancienne halle, en 1836, on a trouvé dans les poutres qui soutenaient la toiture, des boulets du poids de six à huit livres. La plus grande partie de la charpente était criblée de balles et de pointes de fer semblables à des pointes de javelots. Les balles, comme des groupes de cerises, étaient unies ensemble par de petits fils de fer. Plusieurs de ces projectiles ont été déposés alors à Paris au musée d’artillerie.
  3. Mémoires de Sully.