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puis me tromper, mais mon erreur est pardonnable. Au reste, saint Augustin appuiera ce que je dis ici sur l’amitié et sur l’éternité du bonheur :

« In æterna felicitate, quidquid amabitur aderit ; nec desiderabitur quod non aderit ; omne quod ibi erit bonum erit ; et summus Deus summum bonum erit, atque ad fruendum amantibus præsto erit ; et quod est omnino beatissimum ita semper fore certum erit. » (Trinit., cap. vii.)


15e. — page 45.

Tantôt les prédestinés, pour mieux glorifier le Roi des rois, parcourent son merveilleux ouvrage.

Toute l’Écriture dit que les justes contempleront les ouvrages de Dieu, et l’abbé Poule, suivant comme moi cette idée, s’écrie :

« Ils ne seront plus cachés pour nous, ces êtres innombrables qui échappent à nos connoissances par leur éloignement ou par leur petitesse ; les différentes parties qui composent le vaste ensemble de l’univers, leur structure, leurs rapports, leur harmonie : ils ne seront plus des énigmes pour nous, ces jeux surprenants, ces secrets profonds de la nature, ces ressorts admirables que la Providence emploie pour la conservation et la propagation de tous les êtres. » (Sermon sur le Ciel.)

Milton, qui a peint les demeures divines au moment de la création du monde, n’a pu représenter le bonheur des saints. Voici le tableau du ciel dans La Jérusalem ; on peut comparer et juger :

Gli occhi frattanto alla battaglia rea
Dal suo gran seggio il Re del ciel volgea.

Sedea colà dond’ egli e buono e giusto
Dà legge al tutto, e’l tutto orna e produce ;
Sovra i bassi confin del mondo angusto,
Ove senso o ragion non si conduce :
E dell’eternità nel trono augusto
Risplendea con tre lumi in una luce.
Ha sotto i piedi il Fato e la Natura,
Ministri umili ; e’l moto, e chi’l misura ;

E’lloco ; e quella che, qual fumo o polve,
La gloria di quaggiuso e l’oro e i regni,
Come piace lassù, disperde e volve,
Nè, Diva, cura i nostri umani sdegni.
Quivi ei così nel suo splendor s’involve,
Che v’abbaglian la vista anco i più degni ;
D’ intorno ha innumerabili immortali,
Disegualmente in lor letizia eguali.

Al gran concento de’ beati carmi
Lieta risuona la celeste reggia.