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CHAPITRE XI.

nécessaires : Sammâsambuddhasa tê paṭidjânatô imê dhammâ anabhisam­buddhâti tatra vata mam samanôvâ brâhmaṇôvâ dêvôvâ mârôvâ hrahmâvâ hôtchi lôkasmifh saka dhammêna paṭitchôdêssatîti (cod. tchôdêssâmîti) nimittam êtam bhikkhavê na samanupassâmi ; êtampaham bhikkhavê nimittam asamanupassattâ khêmappattô abhayappattô vêsâradjdjappattô viharâmi. « Je n’aperçois pas, ô Religieux, de raison pourquoi un Samaṇa ou un Brâhmane, un Dêva, un Mâra ou un Brahmâ quelconque dans ce monde viendrait avec juste raison me gourmander en disant, Arrivé à l’état de Buddha parfaitement accompli, éclairé comme tu l’es, voici cependant des lois que tu n’as pas pénétrées ; maintenant, parce que je n’aperçois pas de raison pour cela, je me trouve plein de bonheur, de sécurité et de confiance. » On voit que vêsâradjdja qui dans ce texte pâli représente le sanscrit vâiçâradya, ne peut avoir d’autre sens que celui de confiance ; c’est donc celui-là qu’il faut rétablir dans ma traduction. Le passage qu’on vient de lire est le premier motif de confiance que le Buddha reconnaisse en lui : ce motif, c’est qu’il a pénétré toutes les lois. Il y en a encore trois autres que je vais reproduire d’après le Dharma pradîpikâ, en abrégeant à son exemple la formule commune aux quatre vêsâradjdja. Le second motif de confiance est ainsi conçu : khiṇâsavassa tê paṭidjânatô imê âsavâ aparikkkînâti (cod. parikkkîṇâti, « ayant détruit toutes les souillures du vice, éclairé comme tu l’es, voici cependant des souillures que tu n’as pas détruites ; » le Buddha ne craignant pas qu’on lui fasse ce reproche, vit dans une entière confiance. Le troisième motif est celui-ci : yé khô tê pana. antarâyikâ dhammâ vuttâ tê paṭisêvatô nâlam antarâyâti, « les conditions que tu as dit être un obstacle [à la contemplation], pratique-les, elles ne seront pas un obstacle. » Je traduis le mot antarâyikâ signifiant « qui apporte un obstacle, » sans qu’on dise à quoi, d’après l’interprétation qu’en donne le commentaire barman du Pâṭimôkkha : djhân mag phoil eng antarày koiv pru tai sañ sa lhyag̃ phratch sô, « qui est même capable de faire obstacle au fruit de la voie de la contemplation[1]. » Enfin voici le quatrième motif de confiance : yassa khôpana tê atthâya dhammô dêsitô sô na nîyyâti nitakkarakka sammâ dukkhâkkhayâyâti, « la loi que tu as enseignée pour ce but particulier de détruire complètement la douleur, elle ne conduit pas à ce but celui qui la pratique[2]. » Je m’aide, pour traduire ainsi ce texte qui me paraît altéré, d’un passage analogue du Têvidjdja sutta qu’on trouvera vers la fin de l’Appendice, no II, et où, au lieu de niyyâti nitakkarakka, on lit avec un mot de plus, niyyânikô niyyâti takkarassa[3] : Le premier mot répond en pâli au sanscrit nâiryâṇika, « qui aide à sortir dehors, » que nous allons voir dans le Lalita vistara. Le second, niyyâti, doit être en sanscrit niryâti, « il sort, » et takkarassa est probablement tatkarasya, « pour celui qui agit ainsi. » Mais même sans cette correction, le sens général de la phrase n’est pas douteux : le Buddha ne voyant pas de raison pour qu’on lui adresse plus ce reproche que le précédent, vit dans une entière sécurité. En résumé, les quatre motifs de sa confiance sont : 1o qu’il a pénétré toutes les lois ; 2o qu’il s’est débarrassé de tous les vices ; 3o qu’il a reconnu quels sont les obstacles qui s’opposent à la contemplation ; 4o que sa loi a atteint à son but, celui de détruire complètement la douleur.

  1. Pâṭimôkha, ms. pâli-barman, f. 4 a, et de ma copie, p. 20.
  2. Dharma pradîpikâ, f. 21 a et b.
  3. Dîgha nikâya, f. 60 b, l. 9.