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CHAPITRE PREMIER.

çilâ, il n’y a aucune difficulté à y reconnaître le cristal, puisque les Tibétains traduisent ou plutôt transcrivent ce mot par chel, auquel les dictionnaires connus donnent le sens de cristal. Je remarque seulement (et c’est ce qui me laisse encore dans le doute sur la question de savoir si çag̃kha çilâ ne désigne pas une substance unique), que l’interprète tibétain du Saddharma puṇḍarîka rend les deux mots sanscrits par man-chel, et que I. J. Schmidt, dans son Dictionnaire tibétain, donne à man-chel la signification de cristal[1].

St. 16. Dans l’enceinte des trois mondes.] Le mot dont se sert le texte est trâidhâtukê ; l’idée d’enceinte, que j’ajoute pour plus de clarté, est indiquée par la forme de dérivé collectif sous laquelle se présente ce mot. Mais comme cette traduction, quand elle n’est pas accompagnée du texte, est insuffisante pour montrer si l’original emploie le mot trâidhâtukê ou celui de trâilôkyê, et que ces deux expressions indiquent des objets et des divisions très-différentes, je crois nécessaire d’y renoncer aujourd’hui, en considération d’une remarque de I. J. Schmidt, sur le mérite de laquelle je me suis expliqué ailleurs[2]. Je propose donc maintenant de traduire trâidhâtukê, « dans l’enceinte des trois régions, » et trâilôkyé, « dans l’enceinte des trois mondes. » Le mot dhâtu, qui signifie d’ordinaire élément, racine, métal, est ici le dénominateur général des trois régions, qui sont kâmadhâtu, « la région du désir, » rûpadhâtu, « la région de la forme, » arûpadhâtu, « la région de l’absence de forme. » C’est très-vraisemblablement du sens de contenance, compréhension, que part cette acception particulière du mot dhâtu. Le sens de compréhension, qui est donné à dhâtu par un commentateur buddhiste[3], se retrouve encore dans le composé lôkadhâtu, littéralement « un contenant de mondes, un univers, » composé où lôka garde le sens de monde qu’il a dans le collectif trâilôkya. Quelque simple que soit cette notion, j’ai cru nécessaire de la rappeler ici, parce que le déplacement des deux mots dhâtu et lôka donnerait naissance à un autre composé d’un sens très-différent. Comme l’examen de ce composé pourrait étendre trop loin cette note, je l’ai rejeté à l’Appendice, où on trouvera quelques développements sur ce sens spécial du mot dhâtu d’après des textes anciens. Voyez Appendice, no IV.

Véhicule.] Je traduis ainsi le mot yâna, char ou moyen de transport en général, expression qui se représentera souvent dans ce volume, et dont le sens est amplement expliqué dans une note étendue, de A. Rémusat sur le Foe koue ki[4]. On compte trois véhicules, désignés collectivement par le titre de triyâna, qui sont comme autant de moyens fournis à l’homme par l’enseignement de Çâkya, pour sortir de l’enceinte des trois mondes, c’est-à-dire pour échapper à la loi de la transmigration, en parvenant à l’état de perfection que le Buddha promet à ses adeptes. Ces véhicules sont celui des Çrâvakas ou des Auditeurs du Buddha, celui des Pratyêkabuddhas, ou des Buddhas personnels, enfin celui des Bôdhisattvas, ou des Buddhas futurs[5]. Le Lotus de la bonne loi a pour objet d’établir,

  1. Tibet. deutsch. Wörterb. p. 414.
  2. Introd. à l’hist. du Buddh. t. I, p. 601, note 4.
  3. Abhidharma kôça vyâkhyâ, f. 27 a, fin et b, init.
  4. Foe koue ki, p. 9 et suiv.
  5. Rémusat, Observ. sur l’hist. des Mongols orient. dans Nouv. Journ. asiat. IIe série, t. VIII, p. 629.