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NOTES.

Exempts de toute faute.] Le texte se sert du mot kchinâçrava, qui, littéralement rendu, signifie « celui en qui les péchés ou les souillures sont détruites. » Je traduis le mot açrava (qui dans les manuscrits du Saddharma puṇḍarika est fréquemment écrit âsrava), par « péché, souillure, » d’après l’autorité de Abhidharma kôça vyâkhyâ, qui interprète l’adjectif amala, « sans tache, » se rapportant à pradjñâ, « la sagesse, la science, » par anâçrava, et qui ajoute que mala est synonyme d’açrava[1]. Wilson donne açrava avec le sens de « faute, transgression, » et c’est ce qui me fait préférer cette orthographe à celle d’açrava. J’ajouterai que Turnour entend de la même manière l’épithète de khînâsava, qui ne se représente pas moins fréquemment dans les textes pâlis du Sud, que kchiṇâçravan dans les ouvrages sanscrits du Nord. On trouve en effet dans sa traduction du Mahavam̃sa pâli, l’épithète khîṇâsava rendue par who had overcome the dominion of sin[2]. J’ai cru cette remarque nécessaire, parce que ma traduction pourrait donner à penser que les Arhats ici désignés sont naturellement et par le seul effet de leurs perfections natives, exempts de toute faute. Le texte, au contraire, en se servant du terme de kchiṇâçrava, veut dire que ces Religieux avaient détruit et en quelque sorte usé les imperfections naturelles qui étaient auparavant en eux. Nous verrons plus bas comment les Buddhistes chinois ont interprété ce terme, pour s’être strictement attachés à sa valeur étymologique[3].

Sauvés de la corruption du mal.] Le texte se sert du mot nichklêça, qui est formé de nich + kléça ; on trouvera à l’Appendice, sous le no II, une note sur la valeur du mot klêça, que son étendue n’a pas permis de placer ici.

Parvenus à la puissance.] Le mot que je traduis ainsi est vaçibhûta, et cette orthographe est celle de mes quatre manuscrits ; or, s’il s’agissait ici de sanscrit classique, et en suivant l’autorité du Dictionnaire de Wilson, on devrait traduire ce mot par « subjugué, soumis à la volonté d’un autre. » Mais cette idée est contradictoire à celle de la haute puissance qu’on suppose aux Arhats. J’ai donc préféré le sens de la version tibétaine, où les mots dvang-dang-ldan-pargyur-pa doivent signifier « devenu puissant, dominateur. « Il semble en effet que vaçibhûta soit une orthographe altérée de vaçibhûta (de vaçin et bhûta), où vaçi (thème vaçin) est pris au sens actif (volontaire), et est placé tout infléchi au nominatif près de bhûta qui n’a presque aucun sens, de manière qu’on peut l’entendre ainsi : « devenu ayant l’autorité, devenu maître par sa volonté. » On doit, ce me semble, appliquer ici l’interprétation que les scolies de Hêmatchandra donnent de vaçitâ, « fascination, action de soumettre à sa volonté : » têchu vaçi svatantrô bhavati , « il est parmi eux (les éléments) maître à volonté, indépendant [4]». C’est vraisemblablement d’après cette analyse qu’ont traduit les Tibétains. Je me trouve encore confirmé dans mon interprétation par l’emploi que font les Buddhistes du Sud du terme de vasîbhâva, qui est le substantif exprimant l’état abstrait dont nous avons ici l’adjectif. Certainement quand on dit du Buddha qu’il est

  1. Abhidkarma kôça vyakhyâ , f. 7 a, fin, man. de la Soc. asiat.
  2. Mahavanso t. I, ch. IV, p. 16, éd. Turnour.
  3. Ci-dessous, Appendice, no XIV.
  4. Schol. in Hématchandra, st. 202, p. 311, éd. Bœhtlingk et Rieu.