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ponte qu’un moindre nombre d’œufs que les oiseaux de nos climats qui n’ont qu’une ou deux saisons d’amour.

Le genre entier des tangaras, dont nous connaissons déjà plus de trente espèces, sans y comprendre les variétés, paraît appartenir exclusivement au nouveau continent, car toutes ces espèces nous sont venues de la Guyane et des autres contrées de l’Amérique, et pas une seule ne nous est arrivée de l’Afrique ou des Indes. Cette multitude d’espèces n’a néanmoins rien de surprenant, car nous avons observé qu’en général le nombre des espèces et des individus dans les oiseaux est peut-être dix fois plus grand dans les climats chauds que dans les autres climats, parce que la chaleur y est plus forte, les forêts plus fréquentes, les terrains moins peuplés, les nourritures plus abondantes, et que les frimas, les neiges et les glaces, qui sont inconnues dans ces pays chauds, n’en font périr aucun ; au lieu qu’un seul hiver rigoureux réduit presque à rien la plupart des espèces de nos oiseaux. Une autre cause qui doit encore produire cette différence, c’est que les oiseaux des pays chauds, trouvant leur subsistance en toutes saisons, ne sont point voyageurs ; il n’y en a même que très peu d’erratiques, il ne leur arrive jamais de changer de pays, à moins que les petits fruits dont ils se nourrissent ne viennent à leur manquer ; ils vont alors en chercher d’autres à une assez petite distance : l’on doit donc cesser d’être étonné de cette nombreuse multitude d’oiseaux qui se trouvent dans les climats chauds de l’Amérique.

Nous allons diviser nos trente espèces de tangaras en trois ordres pour éviter la confusion, et nous n’emploierons que la différence la plus simple, qui est celle de la grandeur.


LE GRAND TANGARA

Première espèce.

Le grand tangara[NdÉ 1] est représenté dans nos planches enluminées, no 205, sous le nom de tangara des bois de Cayenne ; dénomination que nous avions alors adoptée parce qu’on nous avait assuré qu’il ne sortait jamais des grands bois pour aller à la campagne ; mais M. Sonnini de Manoncour nous a informés que ce tangara, non seulement habitait les grandes forêts de la Guyane, mais que souvent aussi on le voyait dans les endroits découverts, et qu’il se tenait sur les buissons. Le mâle et la femelle, qui se ressemblent beaucoup, s’accompagnent ordinairement ; ils se nour-

  1. Tanagra magna L. [Note de Wikisource : Il s’agit de l’actuel Saltator maximus Statius Müller, vulgairement saltator des grands bois, et probablement de la sous-espèce Saltator maximus maximus. Sauf mention contraire, tous les tangaras de Buffon appartiennent à la famille des Thraupidés ou à celle des Cardinalidés. La taxonomie de ces familles reste très incertaine. On sait aujourd’hui que les Fringillidés (pinsons, organistes, gros-becs, durbecs, bouvreuils, roselins, verdiers, linottes, chardonnerets, serins, sizerins, tarins, etc.) forment un groupe frère d’un groupe regroupant, entre autres, les familles des Embérizidés (bruants) et des Calcariidés (plectrophanes), des Parulidés (fauvettes du nouveau monde) et des Ictéridés (voyez la note à l’article des troupiales), des Cardinalidés et des Thraupidés. Dans cette énumération, chaque paire unit les familles les plus proches de ce groupe, mais la délimitation entre chaque élément de la paire, voire la scission de ces paires en plus de deux familles, est très débattue.]