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toutes ces choses, qui sont incontestables et confirmées par le témoignage de nos observateurs, ajoute plusieurs circonstances où le vrai paraît être mêlé avec le faux, et qu’il suffit d’analyser pour en tirer la vérité, pure de tout mélange.

Il dit donc : 1o que les perdrix femelles déposent la plus grande partie de leurs œufs dans un lieu caché pour les garantir de la pétulance du mâle, qui cherche à les détruire comme faisant obstacle à ses plaisirs[1], ce qui a été traité de fable par Willughby[2] ; mais, à mon avis, un peu trop absolument, puisqu’en distinguant le physique du moral, et séparant le fait observé de l’intention supposée, ce que Aristote a dit se trouve vrai à la lettre et se réduit à ceci : que la perdrix a, comme presque toutes les autres femelles parmi les oiseaux, l’instinct de cacher son nid, et que les mâles, surtout les surnuméraires, cherchant à s’accoupler au temps de l’incubation, ont porté plus d’une fois un préjudice notable à la couvée, sans autre intention que celle de jouir de la couveuse ; c’est par cette raison que de tout temps on a recommandé la destruction de ces mâles surnuméraires comme un des moyens les plus efficaces de favoriser la multiplication de l’espèce, non seulement des perdrix, mais de plusieurs autres oiseaux sauvages.

Aristote ajoute, en second lieu, que la perdrix femelle partage les œufs d’une seule ponte en deux couvées, qu’elle se charge de l’une et le mâle de l’autre jusqu’à la fin de l’éducation des petits qui en proviennent[3] ; et cela contredit positivement l’instinct qu’il suppose au mâle, comme nous venons de le voir, de chercher à casser les œufs de sa femelle ; mais en conciliant Aristote avec lui-même et avec la vérité, on peut dire que, comme la perdrix femelle ne pond pas tous ses œufs dans le même endroit, puisqu’ils lui échappent souvent malgré elle partout où elle se trouve, et comme le mâle partage apparemment dans cette espèce, ou du moins dans quelques races de cette espèce, ainsi que dans la grise, le soin de l’éducation des petits, on aura pu croire qu’il partageait aussi ceux de l’incubation, et qu’il couvait à part tous les œufs qui n’étaient point sous la femelle.

Aristote dit, en troisième lieu, que les mâles se cochent les uns les autres, et même qu’ils cochent leurs petits aussitôt qu’ils sont en état de marcher[4], et l’on a mis cette assertion au rang des absurdités : cependant, j’ai eu occasion de citer plus d’un exemple avéré de cet excès de nature, par lequel un mâle se sert d’un autre mâle et même de tout autre meuble[5]

  1. Idem, ibidem.
  2. Willughby, Ornithologia, p. 120.
  3. Aristote, Historia animalium, lib. vi, cap. viii.
  4. Aristote, Historia animalium, lib. ix, cap. viii.
  5. Voyez ci-dessus l’histoire du coq, celle du lapin, et les Glanures d’Edwards, partie ii, p. 21.