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cette pierre, qui néanmoins agit de plus loin sur le fer aimanté qu’elle ne peut agir sur du fer non aimanté, car le fer n’a par lui-même aucune force attractive : deux blocs de ce métal, mis l’un auprès de l’autre, ne s’attirent pas plus que deux masses de toute autre matière ; mais dès que l’un ou l’autre, ou tous deux, ont reçu la vertu magnétique, ils produisent les mêmes effets et présentent les mêmes phénomènes que la pierre d’aimant, qui n’est en effet qu’une masse ferrugineuse aimantée par la cause générale du magnétisme. Le fer ne prend aucune augmentation de poids par l’imprégnation de la vertu magnétique ; la plus grosse masse de fer ne pèse pas un grain de plus, quelque fortement qu’elle soit aimantée ; le fer ne reçoit donc aucune matière réelle par cette communication, puisque toute matière est pesante, sans même en excepter celle du feu[1]. Cependant le feu violent agit sur l’aimant et sur le fer aimanté ; il diminue beaucoup, ou plutôt il suspend leur force magnétique lorsqu’ils sont échauffés jusqu’à l’incandescence, et ils ne reprennent cette vertu qu’à mesure qu’ils se refroidissent. Une chaleur égale à celle du plomb fondu[2] ne suffit pas pour produire cet effet ; et d’ailleurs le feu, quelque violent qu’il soit, laisse toujours à l’aimant et au fer aimanté quelque portion de leurs forces ; car, dans l’état de la plus grande incandescence, ils donnent encore des signes sensibles, quoique faibles, de leur magnétisme : M. Æpinus a même éprouvé que des aimants naturels portés à l’état d’incandescence, refroidis ensuite, et placés entre deux grandes barres d’acier fortement aimantées, acquéraient un magnétisme plus fort[3] ; et, par la compa-

  1. Voyez l’article de la Pesanteur du feu.
  2. Pour faire des aimants d’un volume considérable, les ouvriers joignent ensemble plusieurs petits morceaux d’aimant qu’ils réunissent, en les appliquant d’abord les uns contre les autres, et les plongeant ensuite dans du plomb ou de l’étain fondu. La chaleur communiquée par ces métaux fondus à cette masse d’aimant n’en diminue pas la force, et il faut un bien plus grand degré de chaleur, et même un feu très violent, pour opérer cette diminution ou suspension de force de l’aimant et du fer aimanté. Musschenbroëck, p. 73.
  3. « Le premier aimant que j’ai soumis à l’expérience, dit M. Æpinus, était un parallélépipède régulier ; il était noirâtre, sans éclat métallique, très homogène, très compact et tel que sont communément les aimants de mauvaise qualité. Il n’avait presque pas de force, car il pesait 2 onces 58/64, avec son armure, 3 onces 62/64 et n’élevait que 4 onces. Je l’ai dépouillé de son armure, je l’ai placé entre deux grandes barres d’acier fortement aimantées, suivant la manière que j’ai décrite, et, après une demi-heure, j’ai trouvé que sa vertu était augmentée, et que, rejoint à son armure, il pouvait élever 12 onces 1/2 ; je l’ai exposé au feu libre des charbons, je l’ai laissé dans une forte incandescence pendant une demi-heure ; j’ai trouvé, après son refroidissement, qu’il avait perdu presque toute la force magnétique qu’il possédait. Je l’ai placé pendant un quart d’heure entre les deux barres aimantées dont j’ai déjà parlé, et j’ai trouvé que, garni de son armure, il élevait déjà plus de 18 onces ; il a donc, après son incandescence, obtenu par le moyen de barres aimantées, dans un court espace de temps, une force beaucoup plus considérable que celle qu’il avait acquise, pendant un temps plus long, avant d’être exposé au feu. Il est donc évident que l’aptitude de cet aimant à recevoir le magnétisme a été augmentée par mon procédé, dans le rapport de 37 à 27, ce qui revient à peu près à celui de 7 à 5.

    » Un autre aimant, qui pesait nu 4 onces 1/4, et 5 onces 6/8, avec son armure, présentait aussi une matière uniforme et compacte, mais il paraissait plus riche en métal que le premier aimant ; lorsqu’il était revêtu de son armure, il portait 6 onces 3/4 ; placé une demi-heure entre les aimants artificiels, avant d’être exposé à l’action du feu, il ne put pas porter au delà de 22 onces 3/4 ; tenu en incandescence au milieu des charbons pendant une demi-heure, et ensuite refroidi, il avait perdu presque toute sa force ; mais, placé pendant un quart d’heure au milieu des aimants artificiels, il éleva facilement 37 onces 1/2, et son aptitude à recevoir la vertu magnétique se trouva augmentée dans le rapport d’environ 8 à 5. Il paraît donc que la méthode que je décris produit des effets d’autant plus grands que les aimants sont plus généreux avant d’être présentés au feu. J’ai vu aussi, par le