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veut faire évaporer, et encore parce que l’eau salée s’échauffe plus lentement que l’eau douce. Ce miroir, dont l’assemblage ne formerait qu’un carré de 4 pieds de largeur sur 3 de hauteur, serait aisé à manier et à transporter ; et si l’on voulait en doubler ou tripler les effets dans le même temps, il vaudrait mieux faire plusieurs miroirs semblables, c’est-à-dire doubler ou tripler le nombre de ces mêmes miroirs de 4 pieds sur 3 que d’en augmenter l’étendue ; car l’eau ne peut recevoir qu’un certain degré de chaleur déterminée, et l’on ne gagnerait presque rien à augmenter ce degré, et par conséquent la grandeur du miroir ; au lieu qu’en faisant deux foyers par deux miroirs égaux, on doublera l’effet de l’évaporation, et on le triplera par trois miroirs dont les foyers tomberont séparément les uns des autres sur la surface de l’eau qu’on veut faire évaporer. Au reste, l’on ne peut éviter la perte causée par l’obliquité, et, si l’on veut y remédier, ce ne peut être que par une autre perte encore plus grande, en recevant d’abord les rayons du soleil sur une grande glace qui les réfléchirait sur le miroir brisé, car alors il brûlerait en bas, au lieu de brûler en haut, mais il perdrait moitié de la chaleur par la première réflexion, et moitié du reste par la seconde, en sorte qu’au lieu de six petits miroirs, il en faudrait douze pour obtenir une chaleur égale à celle de l’eau bouillante.

Pour que l’évaporation se fasse avec plus de succès, il faudra diminuer l’épaisseur de l’eau autant qu’il sera possible. Une masse d’eau de 1 pied d’épaisseur ne s’évaporera pas aussi vite, à beaucoup près, que la même masse réduite à 6 pouces d’épaisseur et augmentée du double en superficie. D’ailleurs le fond étant plus près de la surface, il s’échauffe plus promptement, et cette chaleur que reçoit le fond du vaisseau contribue encore à la célérité de l’évaporation.

2o On pourra se servir avec avantage de ces miroirs pour calciner les plâtres et même les pierres calcaires, mais il les faudrait plus grands, et placer les matières en haut, afin de ne rien perdre par l’obliquité de la lumière. On a vu, par les expériences détaillées dans le second de ces Mémoires, que le gypse s’échauffe plus d’une fois plus vite que la pierre calcaire tendre, et près de deux fois plus vile que le marbre ou la pierre calcaire dure : leur calcination respective doit être en même raison. J’ai trouvé, par une expérience répétée trois fois, qu’il faut un peu plus de chaleur pour calciner le gypse blanc qu’on appelle albâtre que pour fondre le plomb. Or, la chaleur nécessaire pour fondre le plomb est, suivant les expériences de Newton, huit fois plus grande que la chaleur du soleil d’été : il faudrait donc au moins seize petits miroirs pour calciner le gypse, et à cause des pertes occasionnées, tant par l’obliquité de la lumière que par l’irrégularité du foyer, qu’on n’éloignera pas au delà de 15 pieds, je présume qu’il faudrait vingt et peut-être vingt-quatre miroirs de 1 pied carré chacun pour calciner le gypse en peu de temps ; par conséquent il faudrait un assemblage de quarante-huit de ces petits miroirs pour opérer la calcination sur la pierre calcaire la plus tendre, et soixante-douze des mêmes miroirs de 1 pied en carré pour calciner les pierres calcaires dures. Or, un miroir de 12 pieds de largeur sur 6 pieds de hauteur ne laisse pas d’être une grosse machine embarrassante et difficile à mouvoir, à monter et à maintenir. Cependant on viendrait à bout de ces difficultés, si le produit de la calcination était assez considérable pour équivaloir et même surpasser la dépense de la consommation du bois ; il faudrait, pour s’en assurer, commencer par calciner le plâtre avec un miroir de vingt-quatre pièces, et, si cela réussissait, faire deux autres miroirs pareils, au lieu d’en faire un grand de soixante-douze pièces ; car, en faisant coïncider les foyers de ces trois miroirs de vingt-quatre pièces, on produira une chaleur égale, et qui serait assez forte pour calciner le marbre ou la pierre dure.

Mais une chose très essentielle reste douteuse, c’est de savoir combien il faudrait de temps pour calciner, par exemple, 1 pied cube de matière, surtout si ce pied cube n’était frappé de chaleur que par une face. Je vois qu’il se passerait du temps avant que la cha-