Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette terre morte n’a pas, comme la plupart des autres chaux métalliques, la propriété de se revivifier par l’application des matières combustibles ; elle ne contient guère plus de fer que le mâchefer commun tiré du charbon des végétaux, au lieu que les chaux des autres métaux se revivifient presque en entier ou du moins en très grande partie, et cela achève de démontrer que le fer est une matière presque entièrement combustible.

Ce fer, que l’on tire tant de cette terre ou chaux de fer que du mâchefer provenant du charbon, m’a paru d’une singulière qualité ; il est très magnétique et très infusible ; j’ai trouvé du petit sable noir aussi magnétique, aussi indissoluble, et presque infusible dans quelques-unes des mines que j’ai fait exploiter : ce sablon ferrugineux et magnétique se trouve mêlé avec les grains de mine qui ne le sont point du tout, et provient certainement d’une cause tout autre ; le feu a produit ce sablon magnétique et l’eau les grains de mine ; et lorsque par hasard ils se trouvent mélangés, c’est que le hasard a fait qu’on a brûlé de grands amas de bois, ou qu’on a fait des fourneaux de charbon sur le terrain qui renferme les mines, et que ce sablon ferrugineux, qui n’est que le détriment du mâchefer que l’eau ne peut ni rouiller ni dissoudre, a pénétré par la filtration des eaux auprès des lits de mine en grains, qui souvent ne sont qu’à deux ou trois pieds de profondeur. On a vu, dans le Mémoire précédent que ce sablon ferrugineux, qui provient du mâchefer des végétaux, ou, si l’on veut, du fer brûlé autant qu’il peut l’être, paraît être le même à tous égards que celui qui se trouve dans le platine.

Le fer le plus parfait est celui qui n’a presque point de grain et qui est entièrement d’un nerf de gris cendré ; le fer à nerf noir est encore très bon, et peut-être est-il préférable au premier pour tous les usages où il faut chauffer plus d’une fois ce métal avant de l’employer ; le fer de la troisième qualité, et qui est moitié nerf et moitié grain, est le fer par excellence pour le commerce, parce qu’on peut le chauffer deux ou trois fois sans le dénaturer ; le fer sans nerf, mais à grain fin, sert aussi pour beaucoup d’usages, mais les fers sans nerf et à gros grains devraient être proscrits et font le plus grand tort dans la société, parce que malheureusement ils y sont cent fois plus communs que les autres. Il ne faut qu’un coup d’œil à un homme exercé pour connaître la bonne ou la mauvaise qualité du fer ; mais les gens qui le font employer, soit dans leurs bâtiments, soit à leurs équipages, ne s’y connaissent ou n’y regardent pas, et payent souvent comme très bon du fer que le fardeau fait rompre ou que la rouille détruit en peu de temps.

Autant les chaudes vives et poussées jusqu’au blanc détériorent le fer, autant les chaudes douces, où l’on ne le rougit que couleur de cerise, semblent l’améliorer : c’est par cette raison que les fers destinés à passer à la fenderie ou à la batterie ne demandent pas à être fabriqués avec autant de soin que ceux qu’on appelle fers marchands, qui doivent avoir toute leur qualité. Le fer de tirerie fait une classe à part, il ne peut être trop pur ; s’il contenait des parties hétérogènes, il deviendrait très cassant aux dernières filières : or, il n’y a d’autre moyen de le rendre pur que de le faire bien suer en le chauffant la première fois jusqu’au blanc et le martelant avec autant de force que de précaution, et ensuite en le faisant encore chauffer à blanc, afin d’achever de le dépurer sous le martinet en l’allongeant pour en faire de la verge crénelée. Mais les fers destinés à être refendus pour en faire de la verge ordinaire, des fers aplatis, des languettes pour la tôle, tous les fers, en un mot, qu’on doit passer sous les cylindres n’exigent pas le même degré de perfection, parce qu’ils s’améliorent au four de la fenderie, où l’on n’emploie que du bois, et dans lequel tous ces fers ne prennent une chaleur que du second degré, d’un rouge couleur de feu, qui est suffisant pour les amollir, et leur permet de s’aplatir et de s’étendre sous les cylindres et de se fendre ensuite sous les taillants. Néanmoins, si l’on veut avoir de la verge bien douce, comme celle qui est nécessaire pour les clous à maréchal ; si l’on veut des fers aplatis qui aient beaucoup de nerf, comme doivent