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la base, par exemple, d’une ligne ou deux, suffit pour produire dans une hauteur considérable des ouvertures de plusieurs pieds et même de plusieurs toises ; quelquefois aussi les rochers coulent un peu sur leur base de glaise ou de sable, et les fentes perpendiculaires deviennent plus grandes par ce mouvement. Je ne parle pas encore de ces larges ouvertures, de ces énormes coupures qu’on trouve dans les rochers et dans les montagnes ; elles ont été produites par de grands affaissements, comme serait celui d’une caverne intérieure qui, ne pouvant plus soutenir le poids dont elle est chargée, s’affaisse et laisse un intervalle considérable entre les terres supérieures. Ces intervalles sont différents des fentes perpendiculaires : ils paraissent être des portes ouvertes par les mains de la nature pour la communication des nations. C’est de cette façon que se présentent les portes qu’on trouve dans les chaînes de montagnes et les ouvertures des détroits de la mer, comme les Thermopyles, les portes du Caucase, des Cordillères, etc., la porte du détroit de Gibraltar entre les monts Calpé et Abyla, la porte de l’Hellespont, etc. Ces ouvertures n’ont point été formées par la simple séparation des matières, comme les fentes dont nous venons de parler[1], mais par l’affaissement et la destruction d’une partie même des terres qui a été engloutie ou renversée.

Ces grands affaissements, quoique produits par des causes accidentelles[2] et secondaires, ne laissent pas que de tenir une des premières places entre les principaux faits de l’histoire de la terre, et ils n’ont pas peu contribué à changer la face du globe. La plupart sont causés par des feux intérieurs, dont l’explosion fait les tremblements de terre et les volcans : rien n’est comparable à la force[3] de ces matières enflammées et resserrées dans le sein de la terre ; on a vu des villes entières englouties, des provinces bouleversées, des montagnes renversées par leur effort ; mais, quelque grande que soit cette violence et quelque prodigieux que nous en paraissent les effets, il ne faut pas croire que ces feux viennent d’un feu central, comme quelques auteurs l’ont écrit, ni même qu’ils viennent d’une grande profondeur, comme c’est l’opinion commune car l’air est absolument nécessaire à leur embrasement, au moins pour l’entretenir ; on peut s’assurer, en examinant les matières qui sortent des volcans dans les plus violentes éruptions, que le foyer de la matière enflammée n’est pas à une grande profondeur, et que ce sont des matières semblables à celles qu’on trouve sur la croupe de la montagne, qui ne sont défigurées que par la calcination et la fonte des parties métalliques qui y sont mêlées ; et, pour se convaincre que ces matières jetées par les volcans ne viennent pas d’une grande profondeur, il n’y a qu’à

  1. Voyez les Preuves, art. xvii.
  2. Voyez les Preuves, art. xvii.
  3. Voyez Agricola, De rebus quæ effluunt è terra. Trans. phil. Abr., vol. ii, p. 301. — Ray’s Discourses, p. 272, etc.