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transport, ou plutôt ces accrues successives de bois, ne sont pas même nécessaires pour rendre raison de l’existence de ces végétaux dans les pays méridionaux ; car en général la même température, c’est-à-dire le même degré de chaleur, produit partout les mêmes plantes sans qu’elles y aient été transportées[1]. La population des terres méridionales par les végétaux est donc encore plus simple que par les animaux. »

Il admet aussi que c’est dans les régions septentrionales qu’ont apparu les premiers hommes. « Il paraît, dit-il[2], que son premier séjour a d’abord été, comme celui des animaux terrestres, dans les hautes terres de l’Asie, que c’est dans ces mêmes terres où sont nés les arts de première nécessité, et bientôt après les sciences, également nécessaires à l’exercice de la puissance de l’homme, et sans lesquelles il n’aurait pu former de société, ni compter sa vie, ni commander aux animaux, ni se servir autrement des végétaux que pour les brouter. Mais nous nous réservons d’exposer dans notre dernière époque les principaux faits qui ont rapport à l’histoire des premiers hommes. »

Il a d’ailleurs soin de faire remarquer que les hommes après s’être développés dans les régions septentrionales, les ont abandonnées quand elles ont été envahies par le froid. En supposant que la terre continue sans cesse à se refroidir, plus rapidement au voisinage des pôles que sous l’équateur, les régions septentrionales seront de plus en plus le séjour des glaces et deviendront chaque jour moins aptes à porter des végétaux et des animaux : « Autant, dit-il[3], les hommes se sont multipliés dans les terres qui sont actuellement chaudes et tempérées, autant leur nombre a diminué dans celles qui sont devenues trop froides. Le nord du Groenland, de la Laponie, du Spitzberg, de la Nouvelle-Zemble, de la terre des Samoïèdes, aussi bien qu’une partie de celles qui avoisinent la mer Glaciale jusqu’à l’extrémité de l’Asie, au nord de Kamtschatka, sont actuellement désertes ou plutôt dépeuplées depuis un temps assez moderne. Les terres du Nord, autrefois assez chaudes, pour faire multiplier les éléphants et les hippopotames, s’étant déjà refroidies au point de ne pouvoir nourrir que des ours blancs et des rennes, seront dans quelques milliers d’années entièrement dénuées et désertes par les seuls effets du refroidissement. Il y a même de très fortes raisons qui me portent à croire que la région de notre pôle qui n’a pas été reconnue ne le sera jamais ; car ce refroidissement glacial me paraît s’être emparé du pôle jusqu’à la distance de sept ou huit degrés, et il est plus que probable que toute cette plage polaire, autrefois terre ou mer, n’est aujourd’hui que glace. Et

  1. Buffon commet une erreur en affirmant que « la même température produit partout les mêmes plantes sans qu’elles y aient été transportées ». Il est, au contraire, à peu près certain que chaque espèce de végétaux et d’animaux a une patrie unique.
  2. Époques de la nature, t. II, p. 103.
  3. Ibid., t. II, p. 116.