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borne, ne perdant pas de vue l’effet spécial de cette étude, à citer le récit hypothétique, mais fort rapproché sans aucun doute, à certains égards, de la vérité, qu’en trace Buffon[1].

« Après la chute et l’établissement des eaux bouillantes sur la surface du globe, la plus grande partie des scories de verre qui la couvraient en entier ont donc été converties en assez peu de temps en argiles : tous les mouvements de la mer ont contribué à la prompte formation de ces mêmes argiles, en remuant et transportant les scories et les poudres de verre, et les forçant de se présenter à l’action de l’eau dans tous les sens. Et peu de temps après, les argiles, formées par l’intermède et l’impression de l’eau, ont successivement été transportées et déposées au-dessus de la roche primitive du globe, c’est-à-dire au-dessus de la masse solide de matières vitrescibles qui en fait le fond et qui, par sa ferme consistance et sa dureté, avait résisté à cette même action des eaux. »

Un peu plus loin[2], il ajoute : « Le temps de la formation des argiles a donc immédiatement suivi celui de l’établissement des eaux : le temps de la formation des premiers coquillages[3] doit être placé quelques siècles après ; et le temps du transport de leurs dépouilles a suivi presque immédiatement ; il n’y a eu d’intervalle qu’autant que la nature en a mis entre la naissance et la mort de ces animaux à coquilles. Comme l’impression de l’eau convertissait chaque jour les sables vitrescibles en argiles, et que son mouvement les transportait de place en place, elle entraînait en même temps les coquilles et les autres dépouilles et débris des productions marines, et, déposant le tout comme des sédiments, elle a formé dès lors les couches d’argile où nous trouvons aujourd’hui ces monuments, les plus anciens de la nature organisée, dont les modèles ne subsistent plus. »

C’est seulement à partir du moment où des restes d’animaux et de végétaux ont été enfouis et conservés dans les terrains qui constituent la surface de la terre que nous pouvons étudier l’histoire de notre globe avec quelque espoir d’aboutir à des résultats positifs. Mais, ainsi que j’aurai de nouveau l’occasion de le faire remarquer, une période peut-être fort longue a précédé celle de l’apparition des organismes pourvus de squelettes ou d’enveloppes minérales ; il se peut même que toutes les enveloppes et tous les squelettes calcaires d’animaux ayant peuplé la terre pendant les premiers âges aient été complètement détruits par les actions multiples et innombrables auxquelles ont été soumises les roches qui les contenaient.

Ces mêmes destructions de fossiles rendent fort difficile l’établissement de

  1. Époques de la nature, t. II, p. 55.
  2. Ibid., t. II, p. 57.
  3. Ainsi que j’ai déjà eu occasion de le dire, Buffon ne connaissait pas du tout les animaux inférieurs. Ce terme vague de « coquillages », dont il fait usage à chaque instant, en est une preuve manifeste. Pour lui « coquillages » s’applique à tous les animaux invertébrés marins qui laissent des coquilles ou des squelettes minéraux.