Œuvres complètes de Buffon, éd. Lanessan/Époques de la nature/Troisième époque

Texte établi par J.-L. de LanessanA. Le Vasseur (Tome II, Époques de la naturep. 50-69).



TROISIÈME ÉPOQUE

LORSQUE LES EAUX ONT COUVERT NOS CONTINENTS.

À la date de trente ou trente-cinq mille ans de la formation des planètes[NdÉ 1], la terre se trouvait attiédie pour recevoir les eaux sans les rejeter en vapeurs. Le chaos de l’atmosphère avait commencé de se débrouiller : non seulement les eaux, mais toutes les matières volatiles que la trop grande chaleur y tenait reléguées et suspendues tombèrent successivement ; elles remplirent toutes les profondeurs, couvrirent toutes les plaines, tous les intervalles qui se trouvaient entre les éminences de la surface du globe, et même elles surmontèrent toutes celles qui n’étaient pas excessivement élevées. On a des preuves évidentes que les mers ont couvert le continent de l’Europe jusqu’à quinze cents toises au-dessus du niveau de la mer actuelle[1], puisqu’on trouve des coquilles et d’autres productions marines dans les Alpes et dans les Pyrénées jusqu’à cette même hauteur. On a les mêmes preuves pour les continents de l’Asie et de l’Afrique ; et même dans celui de l’Amérique, où les montagnes sont plus élevées qu’en Europe, on a trouvé des coquilles marines à plus de deux mille toises de hauteur au-dessus du niveau de la mer du Sud. Il est donc certain que dans ces premiers temps le diamètre du globe avait deux lieues de plus, puisqu’il était enveloppé d’eau jusqu’à deux mille toises de hauteur. La surface de la terre en général était donc beaucoup plus élevée qu’elle ne l’est aujourd’hui ; et pendant une longue suite de temps les mers l’ont recouverte en entier, à l’exception peut-être de quelques terres très élevées et des sommets des hautes montagnes, qui seuls surmontaient cette mer universelle, dont l’élévation était au moins à cette hauteur où l’on cesse de trouver des coquilles ; d’où l’on doit inférer que les animaux auxquels ces dépouilles ont appartenu peuvent être regardés comme les premiers habitants du globe, et cette population était innombrable, à en juger par l’immense quantité de leurs dépouilles et de leurs détriments, puisque c’est de leurs détriments qu’ont été formées toutes les couches des pierres calcaires, des marbres, des craies et des tufs qui composent nos collines et qui s’étendent sur de grandes contrées dans toutes les parties de la terre.

Or, dans les commencements de ce séjour des eaux sur la surface du globe, n’avaient-elles pas un degré de chaleur que nos poissons et nos coquillages actuellement existants n’auraient pu supporter ? et ne devons-nous pas présumer que les premières productions d’une mer encore bouillante étaient différentes de celles qu’elle nous offre aujourd’hui[NdÉ 2] ? Cette grande chaleur ne pouvait convenir qu’à d’autres natures de coquillages et de poissons ; et par conséquent c’est aux premiers temps de cette époque, c’est-à-dire depuis trente jusqu’à quarante mille ans de la formation de la terre, que l’on doit rapporter l’existence des espèces perdues dont on ne trouve nulle part les analogues vivants. Ces premières espèces, maintenant anéanties, ont subsisté pendant les dix ou quinze mille ans qui ont suivi le temps auquel les eaux venaient de s’établir.

Et l’on ne doit point être étonné de ce que j’avance ici qu’il y a eu des poissons et d’autres animaux aquatiques capables de supporter un degré de chaleur beaucoup plus grand que celui de la température actuelle de nos mers méridionales, puisque encore aujourd’hui, nous connaissons des espèces de Poissons et de plantes qui vivent et végètent dans des eaux presque bouillantes, ou du moins chaudes jusqu’à 50 et 60 degrés[2] du thermomètre[NdÉ 3].

Mais, pour ne pas perdre le fil des grands et nombreux phénomènes que nous avons à exposer, reprenons ces temps antérieurs, où les eaux jusqu’alors réduites en vapeurs se sont condensées et ont commencé de tomber sur la terre brûlante, aride, desséchée, crevassée par le feu : tâchons de nous représenter les prodigieux effets qui ont accompagné et suivi cette chute précipitée des matières volatiles, toutes séparées, combinées, sublimées dans le temps de la consolidation et pendant le progrès du premier refroidissement. La séparation de l’élément de l’air et de l’élément de l’eau, le choc des vents et des flots qui tombaient en tourbillons sur une terre fumante ; la dépuration de l’atmosphère, qu’auparavant les rayons du soleil ne pouvaient pénétrer ; cette même atmosphère obscurcie de nouveau par les nuages d’une épaisse fumée ; la cohobation mille fois répétée et le bouillonnement continuel des eaux tombées et rejetées alternativement ; enfin la lessive de l’air par l’abandon des matières volatiles précédemment sublimées, qui toutes s’en emparèrent et descendirent avec plus ou moins de précipitation : quels mouvements, quelles tempêtes ont dû précéder, accompagner et suivre l’établissement local de chacun de ces éléments ! Et ne devons-nous pas rapporter à ces premiers moments de choc et d’agitation les bouleversements, les premières dégradations, les irruptions et les changements qui ont donné une seconde forme à la plus grande partie de la surface de la terre ? Il est aisé de sentir que les eaux qui la couvraient alors presque tout entière, étant continuellement agitées par la rapidité de leur chute, par l’action de la lune sur l’atmosphère et sur les eaux déjà tombées, par la violence des vents, etc., auront obéi à toutes ces impulsions, et que dans leurs mouvements elles auront commencé par sillonner plus à fond les vallées de la terre, par renverser les éminences les moins solides, rabaisser les crêtes des montagnes, percer leurs chaînes dans les points les plus faibles ; et qu’après leur établissement, ces mêmes eaux se seront ouvert des routes souterraines, qu’elles ont miné les voûtes des cavernes, les ont fait écrouler, et que par conséquent ces mêmes eaux se sont abaissées successivement pour remplir les nouvelles profondeurs qu’elles venaient de former : les cavernes étaient l’ouvrage du feu ; l’eau dès son arrivée a commencé par les attaquer ; elle les a détruites, et continue de les détruire encore ; nous devons donc attribuer l’abaissement des eaux à l’affaissement des cavernes, comme à la seule cause qui nous soit démontrée par les faits[NdÉ 4].

Voilà les premiers effets produits par la masse, par le poids et par le volume de l’eau ; mais elle en a produit d’autres par sa seule qualité : elle a saisi toutes les matières qu’elle pouvait délayer et dissoudre ; elle s’est combinée avec l’air, la terre et le feu pour former les acides, les sels, etc. ; elle a converti les scories et les poudres du verre primitif en argiles ; ensuite elle a, par son mouvement, transporté de place en place ces mêmes scories, et toutes les matières qui se trouvaient réduites en petits volumes. Il s’est donc fait dans cette seconde période, depuis trente-cinq jusqu’à cinquante mille ans, un si grand changement à la surface du globe que la mer universelle, d’abord très élevée, s’est successivement abaissée pour remplir les profondeurs occasionnées par l’affaissement des cavernes, dont les voûtes naturelles, sapées ou percées par l’action et l’effet de ce nouvel élément, ne pouvaient plus soutenir le poids cumulé des terres et des eaux dont elles étaient chargées. À mesure qu’il se faisait quelque grand affaissement par la rupture d’une ou de plusieurs cavernes, la surface de la terre se déprimant en ces endroits, l’eau arrivait de toutes parts pour remplir cette nouvelle profondeur, et par conséquent la hauteur générale des mers diminuait d’autant ; en sorte qu’étant d’abord à deux mille toises d’élévation, la mer a successivement baissé jusqu’au niveau où nous la voyons aujourd’hui.

On doit présumer que les coquilles et les autres productions marines que l’on trouve à de grandes hauteurs au-dessus du niveau actuel des mers sont les espèces les plus anciennes de la nature[NdÉ 5] ; et il serait important pour l’histoire naturelle de recueillir un assez grand nombre de ces productions de la mer qui se trouvent à cette plus grande hauteur, et de les comparer avec celles qui sont dans les terrains plus bas. Nous sommes assurés que les coquilles dont nos collines sont composées appartiennent en partie à des espèces inconnues, c’est-à-dire à des espèces dont aucune mer fréquentée ne nous offre les analogues vivants. Si jamais on fait un recueil de ces pétrifications prises à la plus grande élévation dans les montagnes, on sera peut-être en état de prononcer sur l’ancienneté plus ou moins grande de ces espèces, relativement aux autres. Tout ce que nous pouvons en dire aujourd’hui, c’est que quelques-uns des monuments qui nous démontrent l’existence de certains animaux terrestres et marins, dont nous ne connaissons pas les analogues vivants, nous montrent en même temps que ces animaux étaient beaucoup plus grands qu’aucune espèce du même genre actuellement subsistante : ces grosses dents molaires à pointes mousses, du poids de onze ou douze livres ; ces cornes d’Ammon, de sept à huit pieds de diamètre sur un pied d’épaisseur, dont on trouve les moules pétrifiés, sont certainement des êtres gigantesques dans le genre des animaux quadrupèdes et dans celui des coquillages. La nature était alors dans sa première force, et travaillait la matière organique et vivante avec une puissance plus active dans une température plus chaude : cette matière organique était plus divisée, moins combinée avec d’autres matières, et pouvait se réunir et se combiner avec elle-même en plus grandes masses, pour se développer en plus grandes dimensions : cette cause est suffisante pour rendre raison de toutes les productions gigantesques qui paraissent avoir été fréquentes dans ces premiers âges du monde[3].

En fécondant les mers, la nature répandait aussi les principes de vie sur toutes les terres que l’eau n’avait pu surmonter ou qu’elle avait promptement abandonnées ; et ces terres, comme les mers, ne pouvaient être peuplées que d’animaux et de végétaux capables de supporter une chaleur plus grande que celle qui convient aujourd’hui à la nature vivante. Nous avons des monuments tirés du sein de la terre, et particulièrement du fond des minières de charbon et d’ardoise, qui nous démontrent que quelques-uns des poissons et des végétaux que ces matières contiennent, ne sont pas des espèces actuellement existantes[4]. On peut donc croire que la population de la mer en animaux n’est pas plus ancienne que celle de la terre en végétaux[NdÉ 6] : les monuments et les témoins sont plus nombreux, plus évidents pour la mer ; mais ceux qui déposent pour la terre sont aussi certains, et semblent nous démontrer que ces espèces anciennes dans les animaux marins et dans les végétaux terrestres sont anéanties, ou plutôt ont cessé de se multiplier dès que la terre et la mer ont perdu la grande chaleur nécessaire à l’effet de leur propagation.

Les coquillages ainsi que les végétaux de ce premier temps s’étant prodigieusement multipliés pendant ce long espace de vingt mille ans, et la durée de leur vie n’étant que de peu d’années, les animaux à coquilles, les polypes des coraux, des madrépores, des astroïtes et tous les petits animaux qui convertissent l’eau de la mer en pierre, ont, à mesure qu’ils périssaient, abandonné leurs dépouilles et leurs ouvrages aux caprices des eaux : elles auront transporté, brisé et déposé ces dépouilles en mille et mille endroits ; car c’est dans ce même temps que le mouvement des marées et des vents réglés a commencé de former les couches horizontales de la surface de la terre par les sédiments et le dépôt des eaux ; ensuite les courants ont donné à toutes les collines et à toutes les montagnes de médiocre hauteur des directions correspondantes, en sorte que leurs angles saillants sont toujours opposés à des angles rentrants. Nous ne répéterons pas ici ce que nous avons dit à ce sujet dans notre Théorie de la terre, et nous nous contenterons d’assurer que cette disposition générale de la surface du globe par angles correspondants, ainsi que sa composition par couches horizontales, ou également et parallèlement inclinées, démontrent évidemment que la structure et la forme de la surface actuelle de la terre ont été disposées par les eaux et produites par leurs sédiments[NdÉ 7]. Il n’y a eu que les crêtes et les pics des plus hautes montagnes qui, peut-être, se sont trouvés hors d’atteinte aux eaux, ou n’en ont été surmontés que pendant un petit temps, et sur lesquels par conséquent la mer n’a point laissé d’empreintes : mais ne pouvant les attaquer par leur sommet, elle les a prises par la base ; elle a recouvert ou miné les parties inférieures de ces montagnes primitives ; elle les a environnées de nouvelles matières, ou bien elle a percé les voûtes qui les soutenaient ; souvent elle les a fait pencher : enfin elle a transporté dans leurs cavités intérieures les matières combustibles provenant du détriment des végétaux, ainsi que les matières pyriteuses, bitumineuses et minérales, pures ou mêlées de terres et de sédiments de toute espèce.

La production des argiles paraît avoir précédé celle des coquillages : car la première opération de l’eau a été de transformer les scories et les poudres de verre en argiles : aussi les lits d’argiles se sont formés quelque temps avant les bancs de pierres calcaires ; et l’on voit que ces dépôts de matières argileuses ont précédé ceux des matières calcaires, car presque partout les rochers calcaires sont posés sur des glaises qui leur servent de base. Je n’avance rien ici qui ne soit démontré par l’expérience ou confirmé par les observations : tout le monde pourra s’assurer par des procédés aisés à répéter[5], que le verre et le grès en poudre se convertissent en peu de temps en argile, seulement en séjournant dans l’eau ; et c’est d’après cette connaissance que j’ai dit, dans ma Théorie de la terre, que les argiles n’étaient que des sables vitrescibles décomposés et pourris ; j’ajoute ici que c’est probablement à cette décomposition du sable vitrescible dans l’eau qu’on doit attribuer l’origine de l’acide : car le principe acide qui se trouve dans l’argile peut être regardé comme une combinaison de la terre vitrescible avec le feu, l’air et l’eau ; et c’est ce même principe acide qui est la première cause de la ductilité de l’argile et de toutes les autres matières, sans même en excepter les bitumes, les huiles et les graisses, qui ne sont ductiles et ne communiquent de la ductilité aux autres matières que parce qu’elles contiennent des acides.

Après la chute et l’établissement des eaux bouillantes sur la surface du globe, la plus grande partie des scories de verre qui la couvraient en entier ont donc été converties en assez peu de temps en argiles : tous les mouvements de la mer ont contribué à la prompte formation de ces mêmes argiles, en remuant et transportant les scories et les poudres de verre, et les forçant de se présenter à l’action de l’eau dans tous les sens. Et peu de temps après, les argiles, formées par l’intermède et l’impression de l’eau, ont successivement été transportées et déposées au-dessus de la roche primitive du globe, c’est-à-dire au-dessus de la masse solide de matières vitrescibles qui en fait le fond et qui, par sa ferme consistance et sa dureté, avait résisté à cette même action des eaux.

La décomposition des poudres et des sables vitrescibles, et la production des argiles, se sont faites en d’autant moins de temps que l’eau était plus chaude : cette décomposition a continué de se faire et se fait encore tous les jours, mais plus lentement et en bien moindre quantité : car quoique les argiles se présentent presque partout comme enveloppant le globe, quoique souvent ces couches d’argiles aient cent et deux cents pieds d’épaisseur, quoique les rochers de pierres calcaires et toutes les collines composées de ces pierres soient ordinairement appuyées sur des couches argileuses, on trouve quelquefois au-dessous de ces mêmes couches des sables vitrescibles qui n’ont pas été convertis, et qui conservent le caractère de leur première origine. Il y a aussi des sables vitrescibles à la superficie de la terre et sur celle du fond des mers, mais la formation de ces sables vitrescibles qui se présentent à l’extérieur est d’un temps bien postérieur à la formation des autres sables de même nature, qui se trouvent à de grandes profondeurs sous les argiles ; car ces sables, qui se présentent à la superficie de la terre, ne sont que les détriments des granits, des grès et de la roche vitreuse dont les masses forment les noyaux et les sommets des montagnes, desquelles les pluies, la gelée et les autres agents extérieurs, ont détaché et détachent encore tous les jours de petites parties, qui sont ensuite entraînées et déposées par les eaux courantes sur la surface de la terre : on doit donc regarder comme très récente, en comparaison de l’autre, cette production des sables vitrescibles qui se présentent sur le fond de la mer ou à la superficie de la terre.

Ainsi les argiles et l’acide qu’elles contiennent ont été produits très peu de temps après l’établissement des eaux et peu de temps avant la naissance des coquillages[NdÉ 8] : car nous trouvons dans ces mêmes argiles une infinité de bélemnites, de pierres lenticulaires, de cornes d’Ammon et d’autres échantillons de ces espèces perdues dont on ne retrouve nulle part les analogues vivants. J’ai trouvé moi-même dans une fouille que j’ai fait creuser à cinquante pieds de profondeur, au plus bas d’un petit vallon[6] tout composé d’argile, et dont les collines voisines étaient aussi d’argile jusqu’à quatre-vingts pieds de hauteur ; j’ai trouvé, dis-je, des bélemnites qui avaient huit pouces de long sur près d’un pouce de diamètre, et dont quelques-unes étaient attachées à une partie plate et mince comme l’est le têt des crustacés. J’y ai trouvé de même un grand nombre de cornes d’ammon pyriteuses et bronzées, et des milliers de pierres lenticulaires. Ces anciennes dépouilles étaient, comme l’on voit, enfouies dans l’argile à cent trente pieds de profondeur : car, quoiqu’on n’eût creusé qu’à cinquante pieds dans cette argile au milieu du vallon, il est certain que l’épaisseur de cette argile était originairement de cent trente pieds, puisque les couches en sont élevées des deux côtés à quatre-vingts pieds de hauteur au-dessus : cela me fut démontré par la correspondance de ces couches et par celle des bancs de pierres calcaires qui les surmontent de chaque côté du vallon. Ces bancs calcaires ont cinquante-quatre pieds d’épaisseur, et leurs différents lits se trouvent correspondants et posés horizontalement à la même hauteur au-dessus de la couche immense d’argile qui leur sert de base et s’étend sous les collines calcaires de toute cette contrée.

Le temps de la formation des argiles a donc immédiatement suivi celui de l’établissement des eaux : le temps de la formation des premiers coquillages doit être placé quelques siècles après ; et le temps du transport de leurs dépouilles a suivi presque immédiatement ; il n’y a eu d’intervalle qu’autant que la nature en a mis entre la naissance et la mort de ces animaux à coquilles. Comme l’impression de l’eau convertissait chaque jour les sables vitrescibles en argiles, et que son mouvement les transportait de place en place, elle entraînait en même temps les coquilles et les autres dépouilles et débris des productions marines, et, déposant le tout comme des sédiments, elle a formé dès lors les couches d’argile où nous trouvons aujourd’hui ces monuments, les plus anciens de la nature organisée, dont les modèles ne subsistent plus : ce n’est pas qu’il n’y ait aussi dans les argiles des coquilles dont l’origine est moins ancienne, et même quelques espèces que l’on peut comparer avec celles de nos mers, et mieux encore avec celles des mers méridionales ; mais cela n’ajoute aucune difficulté à nos explications, car l’eau n’a pas cessé de convertir en argiles toutes les scories de verre et tous les sables vitrescibles qui se sont présentés à son action ; elle a donc formé des argiles en grande quantité, dès qu’elle s’est emparée de la surface de la terre : elle a continué et continue encore de produire le même effet ; car la mer transporte aujourd’hui ses vases avec les dépouilles des coquillages actuellement vivants, comme elle a autrefois transporté ces mêmes vases avec les dépouilles des coquillages alors existants.

La formation des schistes, des ardoises, des charbons de terre et des matières bitumineuses, date à peu près du même temps : ces matières se trouvent ordinairement dans les argiles à d’assez grandes profondeurs ; elles paraissent même avoir précédé l’établissement local des dernières couches d’argile ; car au-dessous de cent trente pieds d’argile dont les lits contenaient des bélemnites, des cornes d’Ammon et d’autres débris des plus anciennes coquilles, j’ai trouvé des matières charbonneuses et inflammables, et l’on sait que la plupart des mines de charbon de terre sont plus ou moins surmontées par des couches de terres argileuses. Je crois même pouvoir avancer que c’est dans ces terres qu’il faut chercher les veines de charbon desquelles la formation est un peu plus ancienne que celle des couches extérieures des terres argileuses qui les surmontent : ce qui le prouve, c’est que les veines de ces charbons de terre sont presque toujours inclinées, tandis que celles des argiles, ainsi que toutes les autres couches extérieures du globe, sont ordinairement horizontales. Ces dernières ont donc été formées par le sédiment des eaux qui s’est déposé de niveau sur une base horizontale, tandis que les autres, puisqu’elles sont inclinées, semblent avoir été amenées par un courant sur un terrain en pente. Ces veines de charbon, qui toutes sont composées de végétaux mêlés de plus ou moins de bitume, doivent leur origine aux premiers végétaux que la terre a formés : toutes les parties du globe qui se trouvaient élevées au-dessus des eaux produisirent dès les premiers temps une infinité de plantes et d’arbres de toute espèce, lesquels, bientôt tombant de vétusté, furent entraînés par les eaux et formèrent des dépôts de matières végétales en une infinité d’endroits ; et comme les bitumes et les autres huiles terrestres paraissent provenir des substances végétales et animales, qu’en même temps l’acide provient de la décomposition du sable vitrescible par le feu, l’air et l’eau, et qu’enfin il entre de l’acide dans la composition des bitumes, puisque avec une huile végétale et de l’acide on peut faire du bitume, il paraît que les eaux se sont dès lors mêlées avec ces bitumes et s’en sont imprégnées pour toujours ; et comme elles transportaient incessamment les arbres et les autres matières végétales descendues des hauteurs de la terre, ces matières végétales ont continué de se mêler avec les bitumes déjà formés des résidus des premiers végétaux, et la mer, par son mouvement et par ses courants, les a remuées, transportées et déposées sur les éminences d’argile qu’elle avait formées précédemment.

Les couches d’ardoises, qui contiennent aussi des végétaux et même des poissons, ont été formées de la même manière, et l’on peut en donner des exemples, qui sont pour ainsi dire sous nos yeux[7]. Ainsi les ardoisières et les mines de charbon ont ensuite été recouvertes par d’autres couches de terres argileuses que la mer a déposées dans des temps postérieurs : il y a même eu des intervalles considérables et des alternatives de mouvement entre l’établissement des différentes couches de charbon dans le même terrain ; car on trouve souvent au-dessous de la première couche de charbon une veine d’argile ou d’autre terre qui suit la même inclinaison ; et ensuite on trouve assez communément une seconde couche de charbon inclinée comme la première, et souvent une troisième, également séparées l’une de l’autre par des veines de terre, et quelquefois même par des bancs de pierres calcaires, comme dans les mines de charbon du Hainaut. L’on ne peut donc pas douter que les couches les plus basses de charbon n’aient été produites les premières par le transport des matières végétales amenées par les eaux ; et lorsque le premier dépôt d’où la mer enlevait ces matières végétales se trouvait épuisé, le mouvement des eaux continuait de transporter au même lieu les terres ou les autres matières qui environnaient ce dépôt : ce sont ces terres qui forment aujourd’hui la veine intermédiaire entre les deux couches de charbon, ce qui suppose que l’eau amenait ensuite de quelque autre dépôt des matières végétales pour former la seconde couche de charbon. J’entends ici par couches la veine entière de charbon, prise dans toute son épaisseur, et non pas les petites couches ou feuillets dont la substance même du charbon est composée, et qui souvent sont extrêmement minces : ce sont ces mêmes feuillets, toujours parallèles entre eux, qui démontrent que ces masses de charbon ont été formées et déposées par le sédiment et même par la stillation des eaux imprégnées de bitume ; et cette même forme de feuillets se trouve dans les nouveaux charbons dont les couches se forment par stillation aux dépens des couches plus anciennes. Ainsi les feuillets du charbon de terre ont pris leur forme par des causes combinées : la première est le dépôt toujours horizontal de l’eau ; et la seconde, la disposition des matières végétales, qui tendent à faire des feuillets[8]. Au surplus, ce sont les morceaux de bois, souvent entiers, et les détriments très reconnaissables d’autres végétaux, qui prouvent évidemment que la substance de ces charbons de terre n’est qu’un assemblage de débris de végétaux liés ensemble par des bitumes.

La seule chose qui pourrait être difficile à concevoir, c’est l’immense quantité de débris de végétaux que la composition de ces mines de charbon suppose, car elles sont très épaisses, très étendues, et se trouvent en une infinité d’endroits : mais si l’on fait attention à la production peut-être encore plus immense de végétaux qui s’est faite pendant vingt ou vingt-cinq mille ans, et si l’on pense en même temps que l’homme n’étant pas encore créé, il n’y avait aucune destruction des végétaux par le feu, on sentira qu’ils ne pouvaient manquer d’être emportés par les eaux, et de former en mille endroits différents des couches très étendues de matière végétale ; on peut se faire une idée en petit de ce qui est alors arrivé en grand : quelle énorme quantité de gros arbres certains fleuves, comme le Mississipi, n’entraînent-ils pas dans la mer ! Le nombre de ces arbres est si prodigieux qu’il empêche dans certaines saisons la navigation de ce large fleuve ; il en est de même sur la rivière des Amazones et sur la plupart des grands fleuves des continents déserts ou mal peuplés. On peut donc penser, par cette comparaison, que toutes les terres élevées au-dessus des eaux étant dans le commencement couvertes d’arbres et d’autres végétaux que rien ne détruisait que leur vétusté, il s’est fait dans cette longue période de temps des transports successifs de tous ces végétaux et de leurs détriments, entraînés par les eaux courantes du haut des montagnes jusqu’aux mers. Les mêmes contrées inhabitées de l’Amérique nous en fournissent un autre exemple frappant : on voit à la Guyane des forêts de palmiers lataniers de plusieurs lieues d’étendue, qui croissent dans des espèces de marais qu’on appelle des savanes noyées, qui ne sont que des appendices de la mer : ces arbres, après avoir vécu leur âge, tombent de vétusté et sont emportés par le mouvement des eaux. Les forêts, plus éloignées de la mer et qui couvrent toutes les hauteurs de l’intérieur du pays, sont moins peuplées d’arbres sains et vigoureux que jonchées d’arbres décrépits et à demi pourris : les voyageurs qui sont obligés de passer la nuit dans ces bois ont soin d’examiner le lieu qu’ils choisissent pour gîte, afin de reconnaître s’il n’est environné que d’arbres solides, et s’ils ne courent pas risque d’être écrasés pendant leur sommeil par la chute de quelque arbre pourri sur pied ; et la chute de ces arbres en grand nombre est très fréquente : un seul coup de vent fait souvent un abatis si considérable qu’on en entend le bruit à de grandes distances. Ces arbres roulant du haut des montagnes en renversent quantité d’autres, et ils arrivent ensemble dans les lieux les plus bas, où ils achèvent de pourrir pour former de nouvelles couches de terre végétale, ou bien ils sont entraînés par les eaux courantes dans les mers voisines, pour aller former au loin de nouvelles couches de charbon fossile.

Les détriments des substances végétales sont donc le premier fond des mines de charbon ; ce sont des trésors que la nature semble avoir accumulés d’avance pour les besoins à venir des grandes populations : plus les hommes se multiplieront, plus les forêts diminueront : le bois ne pouvant plus suffire à leur consommation, ils auront recours à ces immenses dépôts de matières combustibles, dont l’usage leur deviendra d’autant plus nécessaire que le globe se refroidira davantage ; néanmoins ils ne les épuiseront jamais, car une seule de ces mines de charbon contient peut-être plus de matière combustible que toutes les forêts d’une vaste contrée.

L’ardoise, qu’on doit regarder comme une argile durcie, est formée par couches qui contiennent de même du bitume et des végétaux, mais en bien plus petite quantité ; et en même temps elles renferment souvent des coquilles, des crustacés et des poissons qu’on ne peut rapporter à aucune espèce connue ; ainsi l’origine des charbons et des ardoises date du même temps : la seule différence qu’il y ait entre ces deux sortes de matières, c’est que les végétaux composent la majeure partie de la substance des charbons de terre, au lieu que le fond de la substance de l’ardoise est le même que celui de l’argile, et que les végétaux ainsi que les poissons ne paraissent s’y trouver qu’accidentellement et en assez petit nombre ; mais toutes deux contiennent du bitume, et sont formées par feuillets ou par couches très minces toujours parallèles entre elles, ce qui démontre clairement qu’elles ont également été produites par les sédiments successifs d’une eau tranquille, et dont les oscillations étaient parfaitement réglées, telles que sont celles de nos marées ordinaires ou des courants constants des eaux.

Reprenant donc pour un instant tout ce que je viens d’exposer, la masse du globe terrestre, composée de verre en fusion, ne présentait d’abord que les boursouflures et les cavités irrégulières qui se forment à la superficie de toute matière liquéfiée par le feu, et dont le refroidissement resserre les parties : pendant ce temps, et dans le progrès du refroidissement, les éléments se sont séparés, les liquations et les sublimations de substances métalliques et minérales se sont faites, elles ont occupé les cavités des terres élevées et les fentes perpendiculaires des montagnes : car ces pointes avancées au-dessus de la surface du globe s’étant refroidies les premières, elles ont aussi présenté aux éléments extérieurs les premières fentes produites par le resserrement de la matière qui se refroidissait. Les métaux et les minéraux ont été poussés par la sublimation ou déposés par les eaux dans toutes ces fentes, et c’est par cette raison qu’on les trouve presque tous dans les hautes montagnes, et qu’on ne rencontre dans les terres plus basses que des mines de nouvelle formation : peu de temps après, les argiles se sont formées, les premiers coquillages et les premiers végétaux ont pris naissance ; et, à mesure qu’ils ont péri, leurs dépouilles et leurs détriments ont fait les pierres calcaires, et ceux des végétaux ont produit les bitumes et les charbons ; et en même temps les eaux, par leur mouvement et par leurs sédiments, ont composé l’organisation de la surface de la terre par couches horizontales ; ensuite les courants de ces mêmes eaux lui ont donné sa forme extérieure par angles saillants et rentrants ; et ce n’est pas trop étendre le temps nécessaire pour toutes ces grandes opérations et ces immenses constructions de la nature que de compter vingt mille ans depuis la naissance des premiers coquillages et des premiers végétaux : ils étaient déjà très multipliés, très nombreux à la date de quarante-cinq mille ans de formation de la terre ; et comme les eaux, qui d’abord étaient si prodigieusement élevées, s’abaissèrent successivement et abandonnèrent les terres qu’elles surmontaient auparavant, ces terres présentèrent dès lors une surface toute jonchée de productions marines.

La durée du temps pendant lequel les eaux couvraient nos continents a été très longue ; l’on n’en peut pas douter en considérant l’immense quantité de productions marines qui se trouvent jusqu’à d’assez grandes profondeurs et à de très grandes hauteurs dans toutes les parties de la terre[NdÉ 9]. Et combien ne devons-nous pas encore ajouter de durée à ce temps déjà si long, pour que ces mêmes productions marines aient été brisées, réduites en poudre et transportées par le mouvement des eaux, et former ensuite les marbres, les pierres calcaires et les craies ! Cette longue suite de siècles, cette durée de vingt mille ans, me paraît encore trop courte pour la succession des effets que tous ces monuments nous démontrent.

Car il faut se représenter ici la marche de la nature, et même se rappeler l’idée de ses moyens. Les molécules organiques vivantes[NdÉ 10] ont existé dès que les éléments d’une chaleur douce ont pu s’incorporer avec les substances qui composent les corps organisés ; elles ont produit sur les parties élevées du globe une infinité de végétaux, et dans les eaux un nombre immense de coquillages, de crustacés et de poissons, qui se sont bientôt multipliés par la voie de la génération. Cette multiplication des végétaux et des coquillages, quelque rapide qu’on puisse la supposer, n’a pu se faire que dans un grand nombre de siècles, puisqu’elle a produit des volumes aussi prodigieux que le sont ceux de leur détriments : en effet, pour juger de ce qui s’est passé, il faut considérer ce qui se passe. Or, ne faut-il pas bien des années pour que des huîtres qui s’amoncellent dans quelques endroits de la mer s’y multiplient en assez grande quantité pour former une espèce de rocher ? Et combien n’a-t-il pas fallu de siècles pour que toute la matière calcaire de la surface du globe ait été produite ? Et n’est-on pas forcé d’admettre non seulement des siècles, mais des siècles de siècles, pour que ces productions marines aient été non seulement réduites en poudre, mais transportées et déposées par les eaux, de manière à pouvoir former les craies, les marnes, les marbres et les pierres calcaires ? Et combien de siècles encore ne faut-il pas admettre pour que ces mêmes matières calcaires, nouvellement déposées par les eaux, se soient purgées de leur humidité superflue, puis séchées et durcies au point qu’elles le sont aujourd’hui et depuis si longtemps ? Comme le globe terrestre n’est pas une sphère parfaite, qu’il est plus épais sous l’équateur que sous les pôles, et que l’action du soleil est aussi bien plus grande dans les climats méridionaux, il en résulte que les contrées polaires ont été refroidies plus tôt que celles de l’équateur. Ces parties polaires de la terre ont donc reçu les premières les eaux et les matières volatiles qui sont tombées de l’atmosphère ; le reste de ces eaux a dû tomber ensuite sur les climats que nous appelons tempérés, et ceux de l’équateur auront été les derniers abreuvés. Il s’est passé bien des siècles avant que les parties de l’équateur aient été assez attiédies pour admettre les eaux : l’équilibre et même l’occupation des mers a donc été longtemps à se former et à s’établir ; et les premières inondations ont dû venir des deux pôles. Mais nous avons remarqué[9] que tous les continents terrestres finissent en pointe vers les régions australes : ainsi les eaux sont venues en plus grande quantité du pôle austral que du pôle boréal, d’où elles ne pouvaient que refluer et non pas arriver, du moins avec autant de force ; sans quoi les continents auraient pris une forme toute différente de celle qu’ils nous présentent : ils se seraient élargis vers les plages australes au lieu de se rétrécir. En effet, les contrées du pôle austral ont dû se refroidir plus vite que celles du pôle boréal, et par conséquent recevoir plus tôt les eaux de l’atmosphère, parce que le soleil fait un peu moins de séjour sur cet hémisphère austral que sur le boréal ; et cette cause me paraît suffisante pour avoir déterminé le premier mouvement des eaux et le perpétuer ensuite assez longtemps pour avoir aiguisé les pointes de tous les continents terrestres.

D’ailleurs, il est certain que les deux continents n’étaient pas encore séparés vers notre nord, et que même leur séparation ne s’est faite que longtemps après l’établissement de la nature vivante dans nos climats septentrionaux, puisque les éléphants ont en même temps existé en Sibérie et au Canada ; ce qui prouve invinciblement la continuité de l’Asie ou de l’Europe avec l’Amérique, tandis qu’au contraire il paraît également certain que l’Afrique était dès les premiers temps séparée de l’Amérique méridionale, puisqu’on n’a pas trouvé dans cette partie du nouveau monde un seul des animaux de l’ancien continent, ni aucune dépouille qui puisse indiquer qu’ils y aient autrefois existé. Il paraît que les éléphants dont on trouve les ossements dans l’Amérique septentrionale y sont demeurés confinés, qu’ils n’ont pu franchir les hautes montagnes qui sont au sud de l’isthme de Panama, et qu’ils n’ont jamais pénétré dans les vastes contrées de l’Amérique méridionale : mais il est encore plus certain que les mers qui séparent l’Afrique et l’Amérique existaient avant la naissance des éléphants en Afrique : car si ces deux continents eussent été contigus, les animaux de Guinée se trouveraient au Brésil, et l’on eût trouvé des dépouilles de ces animaux dans l’Amérique méridionale comme l’on en trouve dans les terres de l’Amérique septentrionale.

Ainsi dès l’origine et dans le commencement de la nature vivante, les terres les plus élevées du globe et les parties de notre Nord ont été les premières peuplées par les espèces d’animaux auxquels la grande chaleur convient le mieux : les régions de l’équateur sont demeurées longtemps désertes, et même arides et sans mers. Les terres élevées de la Sibérie, de la Tartarie et de plusieurs autres endroits de l’Asie, toutes celles de l’Europe qui forment la chaîne des montagnes de Galice, des Pyrénées, de l’Auvergne, des Alpes, des Apennins, de Sicile, de la Grèce et de la Macédoine, ainsi que les monts Riphées, Rymniques, etc., ont été les premières contrées habitées, même pendant plusieurs siècles, tandis que toutes les terres moins élevées étaient encore couvertes par les eaux.

Pendant ce long espace de durée que la mer a séjourné sur nos terres, les sédiments et les dépôts des eaux ont formé les couches horizontales de la terre, les inférieures d’argiles, et les supérieures de pierres calcaires. C’est dans la mer que s’est opérée la pétrification des marbres et des pierres : d’abord ces matières étaient molles, ayant été successivement déposées les unes sur les autres, à mesure que les eaux les amenaient et les laissaient tomber en forme de sédiments ; ensuite elles se sont peu à peu durcies par la force de l’affinité de leurs parties constituantes, et enfin elles ont formé toutes les masses de rochers calcaires, qui sont composées de couches horizontales ou également inclinées, comme le sont toutes les autres matières déposées par les eaux.

C’est dès les premiers temps de cette même période de durée que se sont déposées les argiles où se trouvent les débris des anciens coquillages ; et ces animaux à coquilles n’étaient pas les seuls alors existants dans la mer : car, indépendamment des coquilles, on trouve des débris de crustacés, des pointes d’oursins, des vertèbres d’étoiles, dans ces mêmes argiles. Et dans les ardoises, qui ne sont que des argiles durcies et mêlées d’un peu de bitume, on trouve, ainsi que dans les schistes, des impressions entières et très bien conservées de plantes, de crustacés et de poissons de différentes grandeurs ; enfin dans les minières de charbon de terre, la masse entière de charbon ne paraît composée que de débris de végétaux. Ce sont là les plus anciens monuments de la nature vivante, et les premières productions organisées tant de la mer que de la terre.

Les régions septentrionales et les parties les plus élevées du globe, et surtout les sommets des montagnes dont nous avons fait l’énumération, et qui pour la plupart ne présentent aujourd’hui que des faces sèches et des sommets stériles, ont donc autrefois été des terres fécondes et les premières où la nature se soit manifestée, parce que ces parties du globe ayant été bien plus tôt refroidies que les terres plus basses ou plus voisines de l’équateur, elles auront les premières reçu les eaux de l’atmosphère et toutes les autres matières qui pouvaient contribuer à la fécondation. Ainsi l’on peut présumer qu’avant l’établissement fixe des mers, toutes les parties de la terre qui se trouvaient supérieures aux eaux ont été fécondées, et qu’elles ont dû dès lors et dans ce temps produire les plantes dont nous retrouvons aujourd’hui les impressions dans les ardoises, et toutes les substances végétales qui composent les charbons de terre.

Dans ce même temps où nos terres étaient couvertes par la mer, et tandis que les bancs calcaires de collines se formaient des détriments de ses productions, plusieurs monuments nous indiquent qu’il se détachait du sommet des montagnes primitives et des autres parties découvertes du globe une grande quantité de substances vitrescibles, lesquelles sont venues par alluvion, c’est-à-dire par le transport des eaux, remplir les fentes et les autres intervalles que les masses calcaires laissaient entre elles. Ces fentes perpendiculaires ou légèrement inclinées dans les bancs calcaires se sont formées par le resserrement de ces matières calcaires, lorsqu’elles se sont séchées et durcies, de la même manière que s’étaient faites précédemment les premières fentes perpendiculaires dans les montagnes vitrescibles produites par le feu, lorsque ces matières se sont resserrées par leur consolidation. Les pluies, les vents et les autres agents extérieurs avaient déjà détaché de ces masses vitrescibles une grande quantité de petits fragments que les eaux transportaient en différents endroits. En cherchant des mines de fer dans des collines de pierres calcaires, j’ai trouvé plusieurs fentes et cavités remplies de mines de fer en grains, mêlées de sable vitrescible et de petits cailloux arrondis. Ces sacs ou nids de fer ne s’étendent pas horizontalement, mais descendent presque perpendiculairement, et ils sont tous situés sur la crête la plus élevée des collines calcaires[10]. J’ai reconnu plus d’une centaine de ces sacs, et j’en ai trouvé huit principaux et très considérables dans la seule étendue de terrain qui avoisine mes forges, à une ou deux lieues de distance : toutes ces mines étaient en grains assez menus, et plus ou moins mélangés de sable vitrescible et de petits cailloux. J’ai fait exploiter cinq de ces mines pour l’usage de mes fourneaux : on a fouillé les unes à cinquante ou soixante pieds, et les autres jusqu’à cent soixante-quinze pieds de profondeur ; elles sont toutes également situées dans les fentes des rochers calcaires, et il n’y a dans cette contrée ni roc vitrescible, ni quartz, ni grès, ni cailloux, ni granits ; en sorte que ces mines de fer, qui sont en grains plus ou moins gros, et qui sont toutes plus ou moins mélangées de sable vitrescible et de petits cailloux, n’ont pu se former dans les matières calcaires, où elles sont renfermées de tous côtés comme entre des murailles ; et par conséquent elles y ont été amenées de loin par le mouvement des eaux qui les y auront déposées en même temps qu’elles déposaient ailleurs des glaises et d’autres sédiments : car ces sacs de mine de fer en grains sont tous surmontés ou latéralement accompagnés d’une espèce de terre limoneuse rougeâtre, plus pétrissable, plus pure et plus fine que l’argile commune. Il paraît même que cette terre limoneuse, plus ou moins colorée de la teinture rouge que le fer donne à la terre, est l’ancienne matrice de ces mines de fer, et que c’est dans cette même terre que les grains métalliques ont dû se former avant leur transport. Ces mines, quoique situées dans des collines entièrement calcaires, ne contiennent aucun gravier de cette même nature ; il se trouve seulement, à mesure qu’on descend, quelques masses isolées de pierres calcaires autour desquelles tournent les veines de la mine, toujours accompagnées de la terre rouge, qui souvent traverse les veines de la mine, ou bien est appliquée contre les parois des rochers calcaires qui la renferment. Et ce qui prouve d’une manière évidente que ces dépôts de mines se sont faits par le mouvement des eaux, c’est qu’après avoir vidé les fentes et cavités qui les contiennent, on voit, à ne pouvoir s’y tromper, que les parois de ces fentes ont été usées et même polies par l’eau, et que par conséquent elle les a remplies et baignées pendant un assez long temps avant d’y avoir déposé la mine de fer, les petits cailloux, le sable vitrescible et la terre limoneuse, dont ces fentes sont actuellement remplies ; et l’on ne peut pas se prêter à croire que les grains de fer se soient formés dans cette terre limoneuse depuis qu’elle a été déposée dans ces fentes de rochers : car une chose tout aussi évidente que la première s’oppose à cette idée, c’est que la quantité des mines de fer paraît surpasser de beaucoup celle de la terre limoneuse. Les grains de cette substance métallique ont à la vérité tous été formés dans cette même terre, qui n’a elle-même été produite que par le résidu des matières animales et végétales, dans lequel nous démontrerons la production du fer en grains ; mais cela s’est fait avant leur transport et leur dépôt dans les fentes des rochers. La terre limoneuse, les grains de fer, le sable vitrescible et les petits cailloux ont été transportés et déposés ensemble ; et si depuis il s’est formé dans cette même terre des grains de fer, ce ne peut être qu’en petite quantité. J’ai tiré de chacune de ces mines plusieurs milliers de tonneaux, et, sans avoir mesuré exactement la quantité de terre limoneuse qu’on a laissée dans ces mêmes cavités, j’ai vu qu’elle était bien moins considérable que la quantité de la mine de fer dans chacune.

Mais ce qui prouve encore que ces mines de fer en grains ont été toutes amenées par le mouvement des eaux, c’est que dans ce même canton, à trois lieues de distance, il y a une assez grande étendue de terrain formant une espèce de petite plaine, au-dessus des collines calcaires, et aussi élevée que celles dont je viens de parler, et qu’on trouve dans ce terrain une grande quantité de mine de fer en grains, qui est très différemment mélangée et autrement située : car au lieu d’occuper les fentes perpendiculaires et les cavités intérieures de rochers calcaires, au lieu de former un ou plusieurs sacs perpendiculaires, cette mine de fer est au contraire déposée en nappe, c’est-à-dire par couches horizontales, comme tous les autres sédiments des eaux ; au lieu de descendre profondément comme les premières, elle s’étend presque à la surface du terrain, sur une épaisseur de quelques pieds ; au lieu d’être mélangée de cailloux et de sable vitrescible, elle n’est au contraire mêlée partout que de graviers et de sables calcaires. Elle présente de plus un phénomène remarquable : c’est un nombre prodigieux de cornes d’Ammon et d’autres anciens coquillages, en sorte qu’il semble que la mine entière en soit composée, tandis que dans les huit autres mines dont j’ai parlé ci-dessus, il n’existe pas le moindre vestige de coquilles, ni même aucun fragment, aucun indice du genre calcaire, quoiqu’elles soient enfermées entre des masses de pierres entièrement calcaires. Cette autre mine, qui contient un nombre si prodigieux de débris de coquilles marines, même des plus anciennes, aura donc été transportée avec tous ces débris de coquilles, par le mouvement des eaux, et déposée en forme de sédiment par couches horizontales ; et les grains de fer qu’elle contient et qui sont encore bien plus petits que ceux des premières mines, mêlées de cailloux, auront été amenés avec les coquilles mêmes. Ainsi le transport de toutes ces matières et le dépôt de toutes ces mines de fer en grains se sont faits par alluvion à peu près dans le même temps, c’est-à-dire lorsque les mers couvraient encore nos collines calcaires.

Et le sommet de toutes ces collines, ni les collines elles-mêmes, ne nous représentent plus à beaucoup près le même aspect qu’elles avaient lorsque les eaux les ont abandonnées. À peine leur forme primitive s’est-elle maintenue ; leurs angles saillants et rentrants sont devenus plus obtus, leurs pentes moins rapides, leurs sommets moins élevés et plus chenus, les pluies en ont détaché et entraîné les terres ; les collines se sont donc rabaissées peu à peu, et les vallons se sont en même temps remplis de ces terres entraînées par les eaux pluviales ou courantes. Qu’on se figure ce que devait être autrefois la forme du terrain à Paris et aux environs : d’une part, sur les collines de Vaugirard jusqu’à Sèvres, on voit des carrières de pierres calcaires remplies de coquilles pétrifiées ; de l’autre côté vers Montmartre, des collines de plâtre et de matières argileuses ; et ces collines, à peu près également élevées au-dessus de la Seine, ne sont aujourd’hui que d’une hauteur très médiocre ; mais au fond des puits que l’on a faits à Bicêtre et à l’École Militaire, on a trouvé des bois travaillés de main d’homme à soixante-quinze pieds de profondeur ; ainsi l’on ne peut douter que cette vallée de la Seine ne se soit remplie de plus de soixante-quinze pieds seulement depuis que les hommes existent ; et qui sait de combien les collines adjacentes ont diminué dans le même temps par l’effet des pluies, et quelle était l’épaisseur de terre dont elles étaient autrefois revêtues ? Il en est de même de toutes les autres collines et de toutes les autres vallées : elles étaient peut-être du double plus élevées, et du double plus profondes dans le temps que les eaux de la mer les ont laissées à découvert. On est même assuré que les montagnes s’abaissent encore tous les jours, et que les vallées se remplissent à peu près dans la même proportion ; seulement cette diminution de la hauteur des montagnes, qui ne se fait aujourd’hui que d’une manière presque insensible, s’est faite beaucoup plus vite dans les premiers temps en raison de la plus grande rapidité de leur pente, et il faudra maintenant plusieurs milliers d’années pour que les inégalités de la surface de la terre se réduisent encore autant qu’elles l’ont fait en peu de siècles dans les premiers âges.

Mais revenons à cette époque antérieure où les eaux, après être arrivées des régions polaires, ont gagné celles de l’équateur. C’est dans ces terres de la zone torride où se sont faits les plus grands bouleversements : pour en être convaincu, il ne faut que jeter les yeux sur un globe géographique, on reconnaîtra que presque tout l’espace compris entre les cercles de cette zone ne présente que des débris de continents bouleversés et d’une terre ruinée. L’immense quantité d’îles, de détroits, de hauts et de bas-fonds, de bras de mer et de terre entrecoupés, prouve les nombreux affaissements qui se sont faits dans cette vaste partie du monde. Les montagnes y sont plus élevées, les mers plus profondes que dans tout le reste de la terre ; et c’est sans doute lorsque ces grands affaissements se sont faits dans les contrées de l’équateur, que les eaux qui couvraient nos continents se sont abaissées et retirées en coulant à grands flots vers ces terres du midi dont elles ont rempli les profondeurs, en laissant à découvert d’abord les parties les plus élevées des terres et ensuite toute la surface de nos continents.

Qu’on se représente l’immense quantité des matières de toute espèce qui ont alors été transportées par les eaux : combien de sédiments de différente nature n’ont-elles pas déposés les uns sur les autres, et combien par conséquent la première face de la terre n’a-t-elle pas changé par ces révolutions ? D’une part, le flux et le reflux donnait aux eaux un mouvement constant d’orient en occident ; d’autre part, les alluvions venant des pôles croisaient ce mouvement et déterminaient les efforts de la mer autant et peut-être plus vers l’équateur que vers l’occident. Combien d’irruptions particulières se sont faites alors de tous côtés ? À mesure que quelque grand affaissement présentait une nouvelle profondeur, la mer s’abaissait et les eaux couraient pour la remplir ; et quoiqu’il paraisse aujourd’hui que l’équilibre des mers soit à peu près établi, et que toute leur action se réduise à gagner quelque terrain vers l’occident et en laisser à découvert vers l’orient, il est néanmoins très certain qu’en général les mers baissent tous les jours de plus en plus, et qu’elles baisseront encore à mesure qu’il se fera quelque nouvel affaissement, soit par l’effet des volcans et des tremblements de terre, soit par des causes plus constantes et plus simples : car toutes les parties caverneuses de l’intérieur du globe ne sont pas encore affaissées ; les volcans et les secousses des tremblements de terre en sont une preuve démonstrative. Les eaux mineront peu à peu les voûtes et les remparts de ces cavernes souterraines, et lorsqu’il s’en écroulera quelques-unes, la surface de la terre se déprimant dans ces endroits, formera de nouvelles vallées dont la mer viendra s’emparer. Néanmoins comme ces événements, qui dans les commencements devaient être très fréquents, sont actuellement assez rares, on peut croire que la terre est à peu près parvenue à un état assez tranquille pour que ses habitants n’aient plus à redouter les désastreux effets de ces grandes convulsions.

L’établissement de toutes les matières métalliques et minérales a suivi d’assez près l’établissement des eaux ; celui des matières argileuses et calcaires a précédé leur retraite ; la formation, la situation, la position de toutes ces dernières matières, datent du temps où la mer couvrait les continents. Mais nous devons observer que le mouvement général des mers ayant commencé de se faire alors comme il se fait encore aujourd’hui d’orient en occident, elles ont travaillé la surface de la terre dans ce sens d’orient en occident autant et peut-être plus qu’elles ne l’avaient fait précédemment dans le sens du midi au nord ; l’on n’en doutera pas si l’on fait attention à un fait très général et très vrai[11], c’est que dans tous les continents du monde, la pente des terres, à la prendre du sommet des montagnes, est toujours beaucoup plus rapide du côté de l’occident que du côté de l’orient ; cela est évident dans le continent entier de l’Amérique, où les sommets de la chaîne des Cordillères sont très voisins partout des mers de l’ouest et sont très éloignés de la mer de l’est. La chaîne qui sépare l’Afrique dans sa longueur, et qui s’étend depuis le cap de Bonne-Espérance jusqu’aux monts de la Lune, est aussi plus voisine des mers à l’ouest qu’à l’est. Il en est de même des montagnes qui s’étendent depuis le cap Comorin dans la presqu’île de l’Inde, elles sont bien plus près de la mer à l’orient qu’à l’occident ; et si nous considérons les presqu’îles, les promontoires, les îles et toutes les terres environnées de la mer, nous reconnaîtrons partout que les pentes sont courtes et rapides vers l’occident et qu’elles sont douces et longues vers l’orient ; les revers de toutes les montagnes sont de même plus escarpés à l’ouest qu’à l’est, parce que le mouvement général des mers s’est toujours fait d’orient en occident, et qu’à mesure que les eaux se sont abaissées, elles ont détruit les terres et dépouillé les revers des montagnes dans le sens de leur chute, comme l’on voit dans une cataracte les rochers dépouillés et les terres creusées par la chute continuelle de l’eau. Ainsi tous les continents terrestres ont été d’abord aiguisés en pointe vers le midi par les eaux qui sont venues du pôle austral plus abondamment que du pôle boréal ; et ensuite ils ont été tous escarpés en pente plus rapide à l’occident qu’à l’orient dans le temps subséquent où ces mêmes eaux ont obéi au seul mouvement général qui les porte constamment d’orient en occident.



Notes de Buffon.
  1. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  2. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  3. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  4. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  5. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
  6. Ce petit vallon est tout voisin de la ville de Montbard, au midi.
  7. Voyez le numéro 13 des notes justificatives des faits.
  8. Voyez l’expérience de M. de Morveau, sur une concrétion blanche qui est devenue du charbon de terre noir et feuilleté.
  9. Voyez Hist. nat., t. Ier, Théorie de la terre, art. Géographie.
  10. Je puis encore citer ici les mines de fer en pierre qui se trouvent en Champagne, et qui sont ensachées entre les rochers calcaires, dans des directions et des inclinaisons différentes, perpendiculaires ou obliques. Voyez le Recueil des Mémoires de Physique et d’Histoire naturelle, par M. de Grignon, in-4o. Paris, 1775, p. 35 et suiv.
  11. Voyez ci-après les notes justificatives des faits.
Notes de l’éditeur.
  1. Chiffre imaginaire.
  2. Il est difficile d’admettre qu’il y eût des organismes vivants dans la « mer encore bouillante » dont parle Buffon.
  3. On connaît, en effet, des organismes peu nombreux qui vivent dans des eaux ayant cette température, mais ce sont des organismes très inférieurs. Rien ne prouve d’ailleurs que la vie se soit montrée sur le globe au sein d’eaux ayant la température dont parle Buffon. Est-ce possible ? Personne n’oserait répondre affirmativement à cette question ; personne non plus ne pourrait y répondre négativement avec une entière certitude.
  4. Cette idée est purement hypothétique. Il suffit, pour expliquer la formation des lits des mers et l’abaissement du niveau des eaux en certains points du globe, d’admettre qu’alors comme aujourd’hui il se produisait des affaissements et des soulèvements lents de certains points de la surface de la terre, les eaux s’accumulant dans les parties affaissées. [Note de Wikisource : Cet effet est réel : ainsi, le plancher de la Baltique se soulève actuellement à la faveur d’un tel mouvement, dit isostatique. Mais à cela, il faut ajouter l’ouverture et la fermeture des océans lorsque, dans leur dérive, les continents se séparent ou se rapprochent : ainsi, par suite du mouvement de la plaque tectonique africaine, la Méditerranée est en train de disparaître, tandis que la mer Rouge s’élargit.]
  5. Beaucoup de ces espèces sont, au contraire, relativement peu anciennes, ce qui indique que le soulèvement des montagnes sur lesquelles on les trouve est de date beaucoup plus récente que ne l’admet Buffon. (Voyez mon Introduction.)
  6. Tous les faits que nous connaissons permettent, au contraire, de supposer, ou plutôt d’affirmer que la mer a été peuplée d’animaux et de végétaux à une époque où la terre n’en offrait pas encore, et que c’est dans l’eau que se sont formés les organismes les plus anciens. (Voyez mon Introduction.)
  7. Buffon a dit plus haut que les montagnes avaient été formées par le soulèvement de la surface de la terre à l’époque du refroidissement ; il semble revenir en partie, ici, à l’opinion formulée dans sa Théorie de la terre, d’après laquelle les montagnes auraient été produites par des sédiments aqueux
  8. Certains zoologistes attribuent la production d’une partie au moins des argiles à l’action des animaux. (Voyez mon Introduction.)
  9. Buffon suppose ici que la présence de fossiles au sommet des montagnes provient de ce que la mer s’est élevée jusqu’à la hauteur de ces sommets. La vérité est que les montagnes se sont lentement soulevées après que la mer a eu déposé, à la surface de son fond, les squelettes de ses habitants.
  10. Buffon développe amplement sa théorie des « molécules organiques vivantes » dans son mémoire sur la génération. Voyez ce mémoire, les notes que j’y ai ajoutées et mon Introduction.