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et que presque toutes ces formations, comme on peut le démontrer, sont postérieures à l’Eozoon canadense, fossile récemment découvert[1]. »

En attribuant le même âge à toutes les roches « vitrescibles », en faisant remonter la formation du squelette de toutes les montagnes à la période de fusion de la terre, Buffon se privait de l’un des éléments les plus nécessaires à l’établissement des dates principales de l’histoire de notre planète. Il commit une autre grave erreur en admettant que toutes les roches sédimentaires ont des couches régulièrement parallèles, tandis que, comme nous avons eu l’occasion de le dire plus haut, un grand nombre d’entre elles ont été plissées, rendues plus ou moins obliques, redressées et même retournées par des soulèvements locaux postérieurs à leur formation. Les rapports des couches redressées avec les couches horizontales qui souvent les recouvrent ont précisément fourni aux géologues les moyens de déterminer les dates des soulèvements des montagnes et des collines. Privé de la notion des rapports dont je viens de parler, Buffon se trouvait dans l’impossibilité de découvrir ces dates. Un troisième élément plus indispensable encore lui faisait défaut. Il avait justement apprécié la valeur des fossiles comme monuments historiques, mais il ne sut en tirer qu’un très mince profit, parce qu’il n’eut pas l’idée d’attribuer des dates différentes à l’apparition des diverses espèces animales et végétales dont il trouvait les restes dans le sol. Cette lacune est l’une de celles qu’on aurait le moins de droit de s’attendre à trouver dans l’œuvre de Buffon. Nous verrons plus tard qu’il avait eu une conception très juste du mode d’apparition des organismes vivants, en considérant toutes les espèces comme produites par la transformation graduelle, sous l’influence du milieu, d’espèces préexistantes et en n’admettant aucune interruption dans l’évolution des animaux ou des végétaux. Il semble qu’un esprit aussi éminemment synthétique que le sien aurait dû déduire de cette première conception que les diverses espèces animales et végétales avaient apparu à des époques différentes, et qu’il suffisait de déterminer la nature des espèces fossiles d’une couche terrestre pour savoir si cette couche était plus ou moins ancienne que d’autres couches contenant d’autres espèces fossiles. On trouve bien, épars dans ses œuvres, quelques indices de cette conception, mais il ressort de l’ensemble qu’elle ne se présenta jamais nettement à son esprit. Les quelques citations suivantes donneront au lecteur une notion précise des idées de Buffon à cet égard. J’ai soin de les disposer dans l’ordre des dates où elles ont été publiées. Dans ses additions à l’Histoire et théorie de la terre, il paraît admettre que toutes les coquilles fossiles, ou, du moins, la grande majorité, appartiennent à des espèces existantes encore de nos jours. « On trouve en France, dit-il[2], non seulement les coquilles de nos côtes, mais encore des coquilles

  1. Principes de géologie, t. II, p. 269.
  2. T. Ier, p. 127.