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naissent aisément à la différence de leur épaisseur, qui varie et n’est pas la même partout, comme celle des couches anciennes, à leurs interruptions fréquentes, et enfin à la matière même qu’il est aisé de juger et qu’on reconnaît avoir été lavée, roulée et arrondie. On peut dire la même chose des couches de tourbes et de végétaux pourris qui se trouvent au-dessous de la première couche de terre dans les terrains marécageux ; ces couches ne sont pas anciennes, et elles ont été produites par l’entassement successif des arbres et des plantes, qui peu à peu ont comblé ces marais. Il en est encore de même de ces couches limoneuses que l’inondation des fleuves a produites dans différents pays ; donc tous ces terrains ont été nouvellement formés par les eaux courantes ou stagnantes, et ils ne suivent pas la pente égale ou le niveau aussi exactement que les couches anciennement produites par le mouvement régulier des ondes de la mer. Dans les couches que les rivières ont formées, on trouve des coquilles fluviatiles, mais il y en a peu de marines, et le peu qu’on y trouve est brisé, déplacé, isolé, au lieu que dans les couches anciennes, les coquilles marines se trouvent en quantité. »

Dans les suppléments à la Théorie de la terre, il s’efforce de réunir tous les faits qui lui paraissent de nature à confirmer, d’une part, la formation des couches de notre globe par dépôts aqueux sous-marins, et, d’autre part, à montrer l’action puissante exercée par l’eau à la surface des continents. Parlant des débordements périodiques du Nil, il dit[1] : « Ce débordement est bien moins considérable aujourd’hui qu’il ne l’était autrefois, car Hérodote nous dit que le Nil était cent jours à croître et autant à décroître ; si le fait est vrai, on ne peut guère en attribuer la cause qu’à l’élévation du terrain, que le limon des eaux a haussé peu à peu, et à la diminution de la hauteur des montagnes de l’intérieur de l’Afrique, dont il tire sa source : il est assez naturel d’imaginer que ces montagnes ont diminué, parce que les pluies abondantes, qui tombent dans ces climats pendant la moitié de l’année, entraînent les sables et les terres du dessus des montagnes dans les vallons, d’où les torrents les charrient dans le canal du Nil, qui en emporte une grande partie en Égypte, où il les dépose dans ses débordements. »

Dans un autre supplément, il écrit[2] : « Il y a un nombre infini d’îles nouvelles produites par les limons, les sables et les terres que les eaux des fleuves ou de la mer entraînent et transportent en différents endroits. À l’embouchure de toutes les rivières, il se forme des amas de terre et des bancs de sable dont l’étendue devient souvent assez considérable pour former des îles d’une grandeur médiocre. La mer, en se retirant et en s’éloignant de certaines côtes, laisse à découvert les parties les plus élevées du fond, ce qui forme autant d’îles nouvelles ; et de même, en s’étendant sur certaines plages, elle en couvre les parties les plus basses, et laisse paraître

  1. Des fleuves, t. Ier, p. 155.
  2. Des îles nouvelles, des cavernes, etc., t. 1er, p. 222.