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importante, peut nous conduire à reconnaître les terres et les îles qui ont été séparées du continent ; elle prouve, par exemple, que l’Angleterre a été séparée de la France, l’Espagne de l’Afrique, la Sicile de l’Italie, et il serait à souhaiter qu’on eût fait la même observation dans tous les détroits ; je suis persuadé qu’on la trouverait vraie presque partout. »

Il insiste sur le fait que les collines situées de chaque côté d’un vallon ont à peu près la même hauteur, et que les angles rentrants des unes correspondent aux angles saillants des autres. « Si l’on considère en voyageant, dit-il[1], la forme des terrains, la position des montagnes et les sinuosités des rivières, on s’apercevra qu’ordinairement les collines opposées sont non seulement composées des mêmes matières, au même niveau, mais même qu’elles sont à peu près également élevées ; j’ai observé cette égalité de hauteur dans les endroits où j’ai voyagé, et je l’ai toujours trouvée la même à très peu près des deux côtés, surtout dans les vallons serrés, et qui n’ont tout au plus qu’un quart ou un tiers de lieue de largeur ; car, dans les grandes vallées qui ont beaucoup plus de largeur, il est assez difficile de juger exactement de la hauteur des collines et de leur égalité. »

Il cite à l’appui de ses assertions les collines d’une partie de la Bourgogne[2] : « Cette partie de la Bourgogne qui est comprise entre Auxerre, Dijon, Autun et Bar-sur-Seine, et dont une étendue considérable s’appelle le bailliage de la Montagne, est un des endroits les plus élevés de la France ; d’un côté de la plupart de ces montagnes, qui ne sont que du second ordre et qu’on ne doit regarder que comme des collines élevées, les eaux coulent vers l’Océan, et de l’autre vers la Méditerranée ; il y a des points de partage, comme à Sombernon, Pouilly-en-Auxois, etc., où on peut tourner les eaux indifféremment vers l’Océan ou vers la Méditerranée : ce pays élevé est entrecoupé de plusieurs petits vallons assez serrés et presque tous arrosés de gros ruisseaux ou de petites rivières. J’ai mille et mille fois observé la correspondance des angles de ces collines et leur égalité de hauteur, et je puis assurer que j’ai trouvé partout les angles saillants opposés aux angles rentrants, et les hauteurs à peu près égales des deux côtés. Plus on avance dans le pays élevé où sont les points de partage dont nous venons de parler, plus les montagnes ont de hauteur ; mais cette hauteur est toujours la même des deux côtés des vallons, et les collines s’élèvent ou s’abaissent également : en se plaçant à l’extrémité des vallons dans le milieu de la largeur, j’ai toujours vu que le bassin du vallon était environné et surmonté de collines dont la hauteur était égale ; j’ai fait la même observation dans plusieurs autres provinces de France. C’est cette égalité de hauteur dans les collines qui fait les plaines en montagnes ; ces plaines forment, pour ainsi dire, des pays élevés au-dessus d’autres pays ; mais les hautes montagnes ne paraissent pas si

  1. Histoire et théorie de la terre, t. Ier, p. 114.
  2. Ibid., t. Ier, p. 115.