Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome I, partie 1.pdf/141

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soient gazeux ou liquides ; ils ne peuvent être que solides, mais solides dans des conditions telles que nous ne pouvons pas les imaginer.

Nous sommes amenés par tout ce qui précède à nous demander s’il faut croire à la possibilité d’un refroidissement de plus en plus complet de notre globe et au refroidissement concomitant du soleil.

Puisque l’objet spécial de ce travail est une étude des idées de Buffon, voyons d’abord comment il a résolu ce double problème.

Quantité de chaleur envoyée par le soleil à la terre. Il est utile de faire remarquer, avant toutes choses, que Buffon attachait à la chaleur propre de la terre une influence beaucoup plus considérable qu’à celle du soleil sur les phénomènes dont la surface de la terre est le siège. J’ai à peine besoin d’ajouter qu’il commettait sur ce point une grave erreur. Il dit dans les Époques de la nature : « La chaleur que le soleil envoie à la terre est assez petite en comparaison de la chaleur propre du globe terrestre ; et cette chaleur envoyée par le soleil ne serait pas seule suffisante pour maintenir la nature vivante[1]. » Contrairement à cette assertion, il est aujourd’hui absolument démontré que la chaleur propre du globe ne se fait, pour ainsi dire, pas sentir à la surface de la terre. La quantité de chaleur que la surface de notre globe reçoit du soleil est au contraire énorme. En une seule année, chaque mètre carré de la surface de la terre reçoit 2 318 157 calories (on nomme calorie la quantité de chaleur nécessaire pour élever de 1° centigrade la température d’un kilogramme d’eau). « C’est plus de 23 millions de calories par hectare, c’est-à-dire 9 852 200 000 000 kilogrammètres (on nomme kilogrammètre la quantité de force nécessaire pour élever de 1 mètre un poids de 1 kilogramme). Ainsi, la radiation calorifique du soleil, en s’exerçant sur la superficie d’un de nos hectares, y développe sous mille formes diverses une puissance qui équivaut au travail continu de 4 163 chevaux-vapeur. Sur la terre entière, c’est un travail de 217 316 000 000 000 chevaux-vapeur[2]. » Cette quantité presque inimaginable de chaleur est employée, en partie, au développement des animaux et des végétaux, à la transformation de l’eau liquide en vapeur, et au changement d’état physique d’une foule d’autres corps. Si l’homme savait l’accumuler et la transformer en travail utile comme il le fait pour la chaleur relativement si faible produite à grands frais dans ses machines, il pourrait en quelques années transformer la face entière du globe. Que d’autres forces naturelles, mises à sa disposition par l’univers, laisse-t-il perdre, tandis qu’il use les siennes dans des luttes aussi vaines qu’odieuses, et nuisibles non seulement aux individus qui y prennent part, mais encore à l’espèce humaine tout entière !

Le refroidissement de la terre. Un grand nombre de géologues pensent que la terre est condamnée à perdre graduellement sa chaleur propre par le rayonnement dans l’espace.

  1. Époques de la nature, t. II, p. 4.
  2. Guillemin, Le Ciel, p. 180.