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séparation de ce qu’il appelle « les matières volatiles » et la formation de l’atmosphère : « Tant que la chaleur excessive a duré, il s’est fait une séparation et même une projection de toutes les parties volatiles, telles que l’eau, l’air et les autres substances que la grande chaleur chasse au dehors et qui ne peuvent exister que dans une région plus tempérée que ne l’était alors la surface de la terre. Toutes ces matières volatiles s’étendaient donc autour du globe en forme d’atmosphère à une grande distance où la chaleur était moins forte, tandis que les matières fixes, fondues et vitrifiées, s’étant consolidées, formèrent la roche intérieure du globe et le noyau des grandes montagnes, dont les sommets, les masses intérieures et les bases, sont en effet composés de matières vitrescibles. »

Si on laisse de côté les détails, on peut dire que sur ces questions la science n’a pas modifié l’opinion exprimée par Buffon. La plupart des géologues croient encore comme Buffon que la terre s’est refroidie de la périphérie au centre, que sa portion centrale est encore à une température très élevée, que l’eau et l’air se sont séparés des parties solides du globe lorsqu’il a commencé à se refroidir. Pendant longtemps même, on a pensé, comme Buffon, que certaines montagnes ou, du moins, leur « noyau », pour employer l’expression du savant naturaliste, dataient de l’époque où la croûte du globe était encore en fusion. Si cette opinion n’a plus cours, on admet du moins généralement qu’un grand nombre d’aspérités rocheuses de notre globe ont été poussées au dehors par éruption et proviennent des portions centrales encore en fusion de la terre.

Il importe d’examiner avec soin chacune de ces questions.

Direction du refroidissement de la terre. Relativement à la direction dans laquelle s’est fait le refroidissement de notre globe et à l’existence d’un noyau terrestre encore en fusion, on peut dire que presque tous les géologues sont du même avis que Buffon, c’est-à-dire admettent que la terre s’est d’abord refroidie à la périphérie, et que son centre est encore composé de matières en fusion. Les motifs invoqués à l’appui de cette manière sont à peu près ceux que faisait valoir Buffon. En premier lieu, l’élévation graduelle de la température à mesure qu’on pénètre davantage dans la profondeur du sol. Buffon dit à cet égard[1] : « La surface de la terre est plus refroidie que son intérieur. Des expériences certaines et réitérées nous assurent que la masse entière du globe a une chaleur propre et tout à fait indépendante de celle du soleil. Cette chaleur nous est démontrée par la comparaison de nos hivers à nos étés[2] ; et on la reconnaît d’une manière encore plus palpable dès qu’on pénètre au dedans de la terre ; elle

  1. Époques de la nature, t. II, p. 5.
  2. Buffon était convaincu que la chaleur du soleil n’exerce, à la surface de la terre, qu’une influence peu considérable relativement à celle de la chaleur intérieure du globe. C’est pour cela qu’il attribue les saisons à cette dernière. Il commettait en cela une erreur sur laquelle nous aurons à revenir plus bas.