Page:Bréal - Essai de Sémantique.djvu/57

Cette page a été validée par deux contributeurs.
41
LOI DE RÉPARTITION.

inférieur encore à celui du verbe sanscrit, qui va jusqu’à 891. Mais la répartition n’a pu tirer parti de cette abondance : c’est beaucoup déjà que le grec ait su différencier ses quatre prétérits (imparfait, aoriste, parfait, plus-que-parfait). Entre le futur premier et le futur second, entre le parfait premier et le parfait second, l’observation la plus attentive n’a pu constater aucune différence sémantique. Outre cette surproduction de temps, nous avons une surproduction de verbes. Si nous prenons, par exemple, la racine φυγ, « fuir », nous avons à côté de φεύγω un verbe φυγγάνω, qui a le même sens. À côté de φημί on a φάσκω. À côté de πίμπλημι, on a πλήθω. Le seul verbe signifiant « étendre » est représenté par τείνω, τιταίνω et τανύω. Nous avons βαίνω, βίβημι et βάσκω, qui signifient tous trois « marcher ». L’extinction des formes inutiles[1] vient heureusement diminuer le poids de ce capital mort.

Une autre limite au principe de répartition vient du degré plus ou moins avancé de civilisation. Il y a des nuances qui ne sont faites que pour les peuples cultivés. À la synonymie on reconnaît de quels objets la pensée d’une nation s’est surtout préoccupée. Les distinctions sont d’abord faites par quelques intelligences plus fines que les autres : puis elles deviennent le bien commun de tous. L’esprit, comme on

  1. Voir à la fin de cette première partie.