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DISCOURS DE LA VIE

ne laissoit de hanter l’Escurie du Roy., qui estoit lors une escole de tous honestes et vertueux exercices, comme aussi faisoit Ronsard, or que tous deux fussent sortis de page[1]. Ce Gentil-homme avoit fort bien estudié les Poëtes Latins, et mesmes, lors qu’il estoit page, avoit aussi souvent un Virgile en la main qu’une baguette, interpretant[2] aucunefois à Ronsard quelques beaux traits de ce grand Poëte, et Ronsard au contraire ayant tousjours en main quelque Poëte François[3], qu’il lisoit avec jugement, et principalement, comme luy mesmes m’a maintesfois raconté, un Jean le Maire de Belges, un Romant de la Rose[4] et les œuvres de Coquillart, et de Clement Marot *, lesquels[5] il a depuis appelé, comme on lit que Virgile disoit d’Ennie, les[6] immondices, dont il tiroit de belles limures d’or[7] *. Fust donc par la lecture de ces livres, fust par la hantise de ce docte Gentil-homme, qui luy donna entierement le goust de la Poësie, et le premier jetta en son esprit la semence de tant de beaux fruicts, qu’il a enfanté depuis[8] à l’honneur de nostre France, l’an[9] mil cinq cens xliii[10] il fit trouver bon à son pere ce desir[11] de se remettre aux lettres, mais non en intention qu’il s’adonnast à la Poësie, luy defendant expressément de tenir aucun livre François *. Mais quoy ? un tel esprit[12] ne se pouvoit forcer d’autres loix que des siennes propres[13], joint que son pere mourut bien tost apres, à sçavoir le sixiesme jour de Juin 1544, en la ville de Paris, servant son quartier chez le Roy *. Ronsard donc

  1. C supprime or que tous deux fussent sortis de page
  2. C avoit tousjours un Virgile en main, interpretant
  3. B de ce grand Poëte, où il prit si grand appetit que depuis il ne fut jamais sans un Virgile, jusques à l’aprendre entierement par cœur *. Il ne laissoit toutesfois d’avoir tousjours en main quelque Poëte François | C même var., avec cette addition par cœur, tant peut servir la nourriture du premier laict qui laisse tousjours en nous une habitude de sa premiere qualité. Il ne laissoit...
  4. A de la rose
  5. A et lesquels
  6. A Les
  7. B de riches limures d’or. | C un Romant de la Rose, et les œuvres de Clement Marot, lesquelles il a depuis appellé, comme on lit que Virgile disoit de celles d’Ennie, les nettaieures dont il tiroit comme par une industrieuse laveure de riches limures d’or.
  8. C qu’il a depuis produit
  9. A France. L’an
  10. B l’an mil cinq cens quarante trois | C l’an 1543
  11. C le desir
  12. A livre François, mais quoy, un tel esprit | C livre François, l’ayant cogneu presque des le berceau enclin au mestier des Muses. Mais quoy, un tel esprit
  13. B un tel esprit qui dés sa naissance avoit receu cette scintille et fatale impression pour la Poësie qu’on ne peut destourner *, ne se pouvoit forcer d’autres loix que des siennes propres : | C même var., mais scintille est remplacé par infusion, forcer par lier, et le dernier mot est supprimé.