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COMMENTAIRE HISTORIQUE

son duché. Sur cette princesse, qui fut la digne nièce de Marguerite I de Navarre par la protection qu’elle accorda aux écrivains, en particulier aux deux chefs de la Brigade, v. H. Chamard, J. du Bellay, p. 222 et passim ; Roger Peyre, Une Princesse de la Renaissance, et H. Patry, Bulletin du Protestantisme de janv. 1904. Ronsard l’a maintes fois célébrée, notamment dans un Chant pastoral de 1559 et dans le Tombeau de Mary de France de 1574 (Bl., IV, 71 ; VII, 177).

P. 20, l. 8. — pension ordinaire. Ronsard n’a pas eu à se louer de la générosité de Henri II autant que Binet l’affirme ici. Il s’est au contraire plaint à plusieurs reprises de l’indifférence de ce roi pour les poètes et de la difficulté pour eux d’obtenir ses dons. Voir par ex. Bl., VI, pp. 285 et suiv., pièce parue dans les Hymnes de 1556 ; VI, 166, Discours contre Fortune, composé au début de 1559 ; III, 401, élégie composée en 1559 ; III, 355, poème composé en 1561 et publié en 1565 ; III, 316, poème composé en 1565 et publié en 1567. Une seule fois il a loué Henri II comme protecteur des écrivains, mais c’est dans une complainte à Catherine de Médicis, écrite en 1563, et encore avec quelles restrictions ! (Bl., III, 375 à 377). — D’ailleurs Binet s’est contredit par une addition de C, insérée plus loin à propos de la Franciade (v. ci-après, p. 146, note sur les mots « de son temps »).

C’est néanmoins sous ce règne que Ronsard obtint : 1° le bénéfice de la cure de Marolles-en-Brie (1553) ; 2° en échange de celui-ci, le bénéfice de la cure de Challes au Maine (1554) ; 3° le bénéfice de la cure-baronnie d’Evaillé au Maine (1555) ; 4° le bénéfice de la cure de Warluis en Beauvaisis (1557) ; 5° probablement celui de la cure de Champfleur au Maine (1557 ou 58 ?). Mais ce fut par suite des libéralités directes des prélats Jean du Bellay. Odet de Châtillon, Charles de Pisseleu, peut-être Charles de Lorraine (cf. L. Froger, Rons. ecclésiastique ; P. Bonnefon, Rev. d’Hist. litt. de 1895, p. 244) ; et L. Froger a eu raison d’écrire : « Henri II aimait le chef de la Pléiade, mais c’était, paraît-il, d’une amitié toute platonique. Le titre d’aumônier et la pension de douze cents livres attachée à cette sinécure, tel fut, croyons-nous, tout le bilan des générosités du monarque » (Op. cit., p. 30) Encore aurait-il fallu ajouter que Ronsard n’obtint le titre de « conseiller et aumosnier ordinaire du Roy » qu’aux environs du 1er janv. 1559. sans doute à la place de Mellin de Saint-Gelais, mort en octobre 1558. Il en est fait mention pour la première fois dans un privilège daté du 23 févr. 1558 (1559, n. st.), qu’on lit dans le Discours de Mgr le Duc de Savoie et dans la Suite de l’Hymne du Cardinal de Lorraine, avec cette addition : « ... du Roy et de Madame de Savoie » (Bibl. Nat., Ye, 501 ; Ye, 498). Cf. ma thèse sur Ronsard p. lyr., chap. iii, § 4. — La pension annuelle de 1.200 livres tournois attachée à cette sinécure était payée à Ronsard par trimestres (cf. Bl., VIII, 39, note 3 ; Rochambeau, op. cit., p. 141 ; mais Bl. a lu 1563 pour la date de cette quittance, et Rochambeau 1573).

D’après un texte que nous citons plus loin (p. 147, aux mots « pris et valeur »), Ronsard avait déjà le titre de « poëte ordinaire du Roy » en mai 1554. En outre, on trouve dans le recueil des Odes, Enigmes et Epigrammes de Ch. Fontaine, publié à Lyon en 1557, un quatrain A Pierre de Ronsard Poëte du Roy.