Page:Binet - La Vie de P. de Ronsard, éd. Laumonier, 1910.djvu/78

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
20
DISCOURS DE LA VIE

s’evanoüirent[1] aux rayons de ce Soleil[2], par le moyen du soutien qu’eut sa vertu des plus grands esprits de la France, et principalement de madicte Dame Marguerite[3], qui fut depuis Duchesse de Savoye * : laquelle[4], estant sçavante, fit changer d’opinion au Roy, qui au contraire gousta[5] tellement la beauté des œuvres de Ronsard, qu’il estima à grand honneur d’avoir un si bel esprit en son Royaume, et de là en avant le gratiffia[6] et d’honneurs, et de biens assez amplement, et de pension ordinaire *. Luy mesme en l’Ode deuxiesme du cinquiesme livre tesmoigne assez quel bon office luy fit madicte Dame Marguerite[7], escrivant qu’elle estoit

Seule en France
Et la colonne et l’esperance
Des Muses, la race des Dieux :


et plus bas[8] :

N’est-ce point toy docte Princesse
Ainçois ma mortelle Deesse
Qui me donnas cœur de chanter * ?


Messire Michel de l’Hospital, lors Chancelier de ladicte Dame de Savoye, et depuis de France *, entreprit[9] la defense de Ronsard, et de faict[10] composa une tresdocte Elegie[11] en son nom, où il respond à toutes les calomnies, laquelle n’est encores imprimée, et qui sera mise au front de ses œuvres, commençant :

Magnificis aulae cultoribus atque Poëtis *, | [16]

  1. C Toutes ces calomnies en fin ressemblerent aux boüillettes que la violence d’une pluie fait boursoufler sur l’eau, qui se crevent aussi tost qu’elles sont engendrées, et ne laissent aucune marque d’avoir esté, ou comme des nuës qui enflées du broüillas [1617, 1623 brouillars | 1630 de broüillars] d’une nuict, s’esvanoüirent [1609-1630 s’esvanoüissent] *
  2. A soleil (toutes les éd. suiv. ont une majusc.)
  3. C et principalement de ceste unique Marguerite
  4. AC Savoye, laquelle
  5. C laquelle (comme Princesse tres-vertueuse et sçavante) fit changer d’opinion au Roy, qui depuis gousta
  6. BC gratifia
  7. BC luy fit cette Dame,
  8. AB Dieux. Et plus bas
  9. C

    Qui me donnas cœur de chanter ?

    Et en un autre endroit la regrettant :

    Qui donnera le pris aux mieux disans,
    Et sauvera leurs vers des medisans * ?

    Ce grand Caton de nostre âge *, Michel de l’Hospital, lors Chancelier de ceste Dame, et depuis de France, entreprit aussi

  10. B Ronsard : et de faict | C Ronsard. Et de fait
  11. C fit une tresdocte Elegie Latine