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ET CRITIQUE

horatienne Guy nos meilleurs ans coulent. (Ne pas le confondre avec Julien Peccate, auquel Ronsard a dédié dans le même recueil l’ode Ô terre fortunée, et qui fut le camarade de Ronsard au collège de Coqueret.) La Croix du Maine dit de lui en 1584 : « ... Il estoit si bien versé en plusieurs arts et bonnes disciplines, et surtout en la poësie latine, qu’il a esté admiré de son temps pour ses doctes compositions, et principalement de Ronsard, prince des poëtes français, son plus grand ami, lequel a fait tres honorable mention de lui en ses poësies, et avoue avoir eu intelligence des poëtes latins par son moyen (sans vouloir ici ôter l’honneur dû à M. d’Aurat)... » Il est vrai que j’ai vainement cherché cet aveu dans les œuvres de Ronsard ; mais La Croix du Maine a pu le recueillir de la bouche du poète ou dans la correspondance de celui-ci et de Guy Peccate, avec lequel il était familièrement lié. Il paraîtra peu probable que Guy Peccate ait fait expliquer des poètes latins à Ronsard avant l’âge de neuf ans ; cependant, s’il faut en croire la préface posthume de la Franciade, Ronsard aurait appris Virgile par cœur « des son enfance » (Bl., III, 23) ; et d’ailleurs cela n’empêche pas que Guy Peccate ait pu « l’instruire aux premiers traits des lettres ».

P. 5, l. 10. — des lettres. Sources de tout ce passage :

1° Ces quatre vers de l’autobiographie :

Si tost que j’eu neuf ans, au college on me meine :
Je mis tant seulement un demy an de peine
D’apprendre les leçons du regent de Vailly,
Puis sans rien profiter du college sailly.

2° Trois pièces où Ronsard nous apprend qu’il fut le condisciple de Charles de Lorraine au collège de Navarre :

a Certes il me souvient que vous bien jeune d’âge
a Au college portiez un severe visage...

(Epistre à Charles, card. de Lorraine, 1556, 2e livre des Hymnes.)

b .....et si, je me sens estre
b Heureux d’avoir appris dessous un mesme maistre
b Et en mesme college avecques toy, seigneur...

(Hymne de Charles, card. de Lorraine, 1559, plaquette à part.)

c Il dit par ses raisons que des la sienne enfance
c (Si cela peut servir) eut de vous cognoissance
c Et en mesme college et sous mesme regent.

(Le Proces, à tr. ill. pr. Charles, card. de Lorr., 1565, plaq. à part.) Voir l’édition, Bl., III, 350 ; V, 101 ; VI, 282.

Quant au dégoût que le régent de Vailly aurait inspiré à Ronsard pour l’étude des lettres, voici ce qu’en disait de son côté Du Perron : « Ils (ses parents) l’envoyerent en ceste université, là où leur intention ne reussit pas pour la premiere fois ainsi comme ils l’esperoyent. Car ce bel esprit qui estoit plein de feu et d’action et ne se pouvoit pas contraindre par les loix et par la severité d’un precepteur, mais avoit besoin de quelque passion interieure pour l’exciter à employer la vigueur de son entendement, comme il le monstra bien du depuis, se rebuta incontinent des lettres et de l’estude : tellement que ses parents