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AMPHILOCHUS.

notre faveur, dirent-ils sans doute. Les partisans répondirent que ces terres n’étaient nullement dans le cas de la loi, puisqu’elles étaient consacrées à un homme mort, et qu’il est visible qu’une personne qui est morte n’est pas du nombre des dieux immortels. Quoique ce raisonnement leur fût suggéré par l’avarice et non par le zèle de la religion, chose que des partisans ne consultent guère quand il s’agit de leurs intérêts, il était pourtant si démonstratif, qu’il devait faire gagner leur cause. Je crois néanmoins qu’ils la perdirent. C’est dommage que toutes les pièces ne s’en soient pas conservées. Nous n’en connaissons que ceci : An Amphiaraüs deus erit, et Trophonius ? Nostri quidem publicani, cùm essent agri in Bœotiâ deorum immortalium excepti lege censoriâ, negabant immortales esse ullos, qui, aliquandò homines fuissent[1]. Si on les avait laissés faire, ils auraient mis à la taille la plupart des dieux, et en roture une infinité de terres sacrées ; car quels titres de divinité, ou d’immortalité, eût-on pu produire à l’épreuve de leurs exceptions ? Que n’eussent-ils pas obtenu au tribunal d’un intendant qui aurait eu ordre de favoriser leurs poursuites ? Il ne faudrait que mettre en parti la recherche des faux cultes, pour y voir bientôt une bonne réduction. Mais de tels partisans, où pourraient-ils être en sûreté ? Nous verrons ailleurs[2] combien a paru solide à plusieurs païens ce raisonnement : Il est mort ; donc il ne doit pas être adoré comme un dieu.

(M) Il laissa bien des enfans. ] J’ai fait l’article d’Alcméon et d’Amphilochus, qui étaient ses fils. Je ne trouve pas que les auteurs grecs qui nous restent aient parlé de Tiburtus, qui était aussi son fils ; mais ils font mention d’Eurydice, de Demonassa et d’Alcmène, filles d’Amphiaraüs et d’Ériphyle [3]. Voyons ce que Pline conte de Tiburtus : Tiburtes originem multâ ante urbem Romam habent. Apud eos exstant ilices tres, etiam Tiburto conditore eorum vetustiores, apud quas inauguratus traditur. Fuisse autem eum tradunt filium Amphiaraï, qui apud Thebas obierit unâ ætate ante Iliacum bellum[4]. Je crois que Pline nous conte là un mensonge : les trois chênes sous lesquels Tiburtus, fondateur de Tibur et fils d’Amphiaraüs, aurait été inauguré, eussent-ils pu vivre jusqu’au temps de Vespasien ? Notez que Solin prétend que Tiburtus était petit-fils, et non pas fils d’Amphiaraüs. Je rapporterai ses paroles dans l’article Tibur.

  1. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. III, cap. 19.
  2. Dans la remarque (A) de l’article Trophonius. [Cet article n’existe pas.]
  3. Pausanias, lib. V, pag. 165.
  4. Plinius, lib. XVI, cap. XLIV.

AMPHILOCHUS, fils d’Amphiaraüs et d’Ériphyle[a], fut un célèbre devin. Il accompagna Alcméon son frère à la seconde guerre de Thèbes[b], et quelques-uns disent qu’il l’aida à se défaire d’Ériphyle[c] ; mais la plupart des auteurs sont d’un autre sentiment. L’autel, qu’on lui consacra dans Athènes[d], contribua beaucoup moins à la gloire de son nom, que l’oracle qu’il avait à Mallus, dans la Cilicie (A). Lui et Mopsus furent les fondateurs de cette ville, après la guerre de Troie[e]. Ils se querellèrent, et s’entre-tuèrent en duel, comme je l’ai dit ailleurs[f]. Quelques-uns assurent qu’Amphilochus fut tué par Apollon[g]. Il joignit ensemble la royauté et la prophétie[h] ; car il fut roi d’Argos. Il est vrai qu’il ne put pas se maintenir dans ce royaume. Il en sortit mécontent, et alla fonder une ville dans le golfe d’Ambracie (B). Tite-Live a pris le change dans un passage que je

  1. Pausanias, lib. V, pag. 165.
  2. Apollodorus, lib. III, pag. 195.
  3. Apollodor., lib. III, pag. 197.
  4. Pausanias, lib. I, pag. 33.
  5. Strabo, lib. XIV, pag. 464. Voyez aussi Cicéron de Divinat., lib. I, cap. XL.
  6. Dans l’article Mopsus.
  7. Strabo, lib. XIV, pag. 465.
  8. Cicero, de Divinat., lib. I, cap. XL.