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AMPHIARAÜS.

ni aux purifications, ni à se laver les mains : seulement ceux qui guérissaient d’une maladie par le moyen de l’oracle jetaient une pièce de monnaie d’or ou d’argent dans cette fontaine. Ἔςι δὲ Ὠρωπίοις πηγὴ πλησίον τοῦ ναοῦ, ἣν Ἀμϕιαράου καλοῦσιν, οὔτε θύοντες οὐδὲν ἐς αὐτὴν, οὐ δ᾽ ἐπικαθαρσίοις ἢ χέρνιϐι χρῆσθαι νομίζοντες. Νόσου δὲ ἀκεσθείσης ἀνδρὶ μαντεύματος γενομένου, καθέςηκεν ἄργυρον ἀϕεῖναι καὶ χρυσὸν ἐπίσημον ἐς τὴν πηγήν· ταύτη γὰρ ἀνελθεῖν τὸν Ἀμϕιάραον λέγουσιν ἤδὴ θεόν[1]. Est etiam apud Oropios fons templo proximus, quem Amphiaraï nuncupant : ad quem neque divinam rem faciunt, neque aut ad lustrandum, aut ad manus lavandas, aquâ eâ uti fas putant : solùm, qui morbo oraculi monitu levati fuerint, signatum aurum argentumve more majorum in fontem abjiciunt. Hinc enim jam deum Amphiaraum adscendisse tradunt. Notez que tout le monde ne croyait pas la résurrection d’Amphiaraüs, et qu’on osait la nier en plein théâtre ; témoin ce vers allégué par Cicéron :

Audisne hæc, Amphiaraë sub terram abdite[2] ?

(E) On lui consacra des temples : son oracle fut très-célèbre. ] Les habitans d’Orope furent les premiers qui déifièrent Amphiaraüs. Ils lui bâtirent un temple à douze stades de leur ville, dans l’endroit où la terre s’entr’ouvrit, et l’engloutit et lui et son chariot[3]. Nous avons vu ci-dessus [4] qu’il y avait divers sentimens sur la véritable situation du lieu où il tomba dans un abîme. Quoi qu’il en soit, toute la Grèce se conforma au goût des Oropiens sur l’apothéose de ce prophète : elle convint que c’était au temple qu’ils lui bâtirent qu’il fallait consulter l’oracle de ce nouveau dieu[5]. Pausanias nous apprend qu’un Recueil d’oracles en vers hexamètres contribua fort à donner aux peuples une grande idée d’Amphiaraüs, parce que l’auteur de ce Recueil y inséra la réponse que ce devin avait donnée touchant la guerre de Thébes. C’était lui donner beaucoup de relief ; car l’on était prévenu de cette opinion, qu’anciennement il n’y avait que les personnes inspirées d’Apollon qui répondissent de vive voix aux consultans, je veux dire en forme d’oracle. Les autres devins ne s’occupaient qu’à expliquer, ou les présages des oiseaux et des victimes, ou les songes. Mais quelque avantage que cela donnât à notre Amphiaraüs sur ses confrères, on ne demeura point persuadé que sa véritable fonction dût être semblable à celle de la divinité de Delphes ; car on ne le consulta que pour recevoir en songe la réponse qu’il avait à faire. C’est une marque que, pendant sa vie, il s’adonna principalement à l’explication des songes. Voilà, ce me semble, le précis de la narration de Pausanias [6]. Je ne trouve point que Romulus Amasæus l’ait bien traduite, et j’aimerais mieux m’en fier à la version de Vigénère quoi qu’elle ne soit pas assez exacte. La voici : Jophon Cnosien, l’un des interpréteurs des oracles, publia ceux d’Amphiaraüs en vers hexamètres ; ce qui attira tellement les peuples, que tout soudain ils y accoururent de toutes parts. Car pas un des devins, hors mis ceux qu’anciennement la fureur d’Apollon esmouvoit, ne rendoit les oracles ; mais estoient tous, ou interprètes de songes, ou jugeoient les choses advenir par le vol des oyseaux, ou par les entrailles des bestes sacrifiées. Au moyen de quoy il semble qu’Amphiaraüs se soit principalemant addonné à la prédiction par les songes. Ce qu’on collige de cecy ; qu’après qu’il eust esté déifié, il institua cette manière de devinemens. il faut en premier lieu que ceux qui vont à l’oracle à lui, soient bien et deuëment purgez ; laquelle purgation ou nettoyement consiste à sacrifier comme il faut à ce dieu, et accomplir les cérémonies requises tant envers lui que tous les autres dont les noms sont là escrits. Cela fait, et ayant immolé un mouton, ils estendent sa peau en terre, et s’endorment dessus, attendans l’esclaircissement de leur fait, qui leur doibt apparoistre en songe[7]. Philostrate

  1. Pausan., lib. I, pag. 33.
  2. Cicero, Tuscul. Quæstion., lib. II, cap. XXV.
  3. Pausanias, lib. I, pag. 33.
  4. Dans la remarque (B).
  5. Pausan., lib. I, pag. 33.
  6. Idem, ibidem.
  7. Vigénère sur l’Amphiaraüs de Philostrate, pag. 400 du Ier. tome.