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AMPHIARAÜS.

le malheur d’être engagés à des entreprises dirigées par des étourdis (I). C’est sans doute un sort déplorable, et qui n’est que trop commun. La manière dont il consola une femme qui pleurait la mort de son fils (K) demande une note. Je voudrais savoir le détail du procès que les partisans firent à ses prêtres (L). J’ai montré ailleurs[a] la nullité d’un raisonnement par lequel on voulait prouver la certitude de ses prophéties. Il laissa bien des enfans (M), dont l’un fut le fondateur de Tibur en Italie. Pline fait cette remarque, en rapportant des choses fort singulières touchant la longue vie des arbres.

  1. Dans la remarque (F) de l’article Mélampus.

(A) Il était arrière-petit-fils de Mélampus. ] Voici la généalogie d’Amphiaraüs. Son père Oïclès était fils d’Antiphates, fils de Mélampus, fils d’Amythaon, fils de Créthéus et de Tyro, qui était fille de Salmonée, qui comptait Deucalion pour son bisaïeul paternel[1]. C’est ce que vous trouverez dans Diodore de Sicile. Si vous consultez Homère[2], il ne vous mènera que jusqu’à Mélampus, père d’Antiphates, père d’Oïclès, père d’Amphiaraüs. Chacun de ces deux auteurs donne Mélampus pour le bisaïeul d’Amphiaraüs ; mais il n’est que son aïeul dans le scoliaste d’Eschyle, qui range ainsi les filiations : Amphiaraüs, fils d’Oïclés, fils de Mélampus, fils d’Amythaon, fils de Créthéus, fils d’Æole, fils d’Hellen, fils de Jupiter [3]. Souvenons-nous qu’Hypermnestra [4], fille de Thestius[5], était la mère d’Amphiaraüs, et qu’il y a des auteurs qui disent qu’il était fils d’Apollon[6]. Notez qu’on trouve dans Apollodore, aussi-bien que dans le scoliaste d’Eschyle, que Créthéus était fils d’Æole [7]. Il était donc frère de Salmonée, de Sisyphe, etc. Avant qu’il épousât Tyro sa nièce, elle avait eu de Neptune deux jumeaux, Pélias et Néleüs [8]. Il eut d’elle trois fils : Æson, Amythaon et Phères[9]. L’aîné fut père de Jason. Consultez Apollodore, qui vous apprendra qu’Amphiaraüs était parent de presque toutes les personnes illustres de la Grèce.

(B) Il fut englouti dans un abîme, avec son chariot. ] Pindare et Apollodore sont de ceux qui disent qu’un coup de foudre entr’ouvrit la terre, et que ce fut un coup de grâce de Jupiter ; car, sans cela, Amphiaraüs eût eu la honte d’être tué par Périclymène ; qui le poursuivait :

ὁ δ᾽Αμϕιἀρηϊ
σχίσεν κεραύνῷ παμϐίᾳ
Ζεὺς τὰν βαθύςερνον χθόνα,
κρύψεν δ᾽ ἅμ᾽ ἱπποις,
δουρὶ Περικλυμένου πρὶν
νῶτα τυπέντα μαχατὰν
θυμὸν αἰσχυνθῆμεν[10].

Amphiarao autem
diffidit fulmine adversùs omnia violento
Jupiter lato pectore terram,
occultavitque illum cum equis,
hastâ Periclymeni priusquàm
terga percussus, pugnacem
animum pudefieret.


Vous voyez là, et dans un autre passage du même poëte[11], qu’Amphiaraüs et son chariot tombent tout à la fois dans le précipice. C’est la tradition la plus commune[12] ; mais quelques-uns ne laissèrent pas de dire qu’il tomba de son chariot pendant le combat, et qu’ensuite le chariot fut transporté vide dans un autre lieu[13]. Ils se fondaient sur ce que le temple d’Amphiaraüs était un peu éloigné d’un certain village qui se nommait Harma, et qui ne portait ce nom qu’à cause de son chariot. Ils prétendaient que le temple fut bâti où le prophète mourut, et que le village Harma fut bâti où le chariot fut transporté[14]. Pausanias lui donne

  1. Tiré de Diodore de Sicile, liv. IV, chap. LXX, pag. 257, 258.
  2. Homerus, Odyss., lib. XV, p. 460, 461.
  3. Schol. Æsch. in Septem ad Thebas, vs. 575.
  4. Pausan., lib. II, pag. 63
  5. Hygin, cap. LXX.
  6. Id. ibid.
  7. Apollod., lib. I, pag. 27, 43.
  8. Id. ibid.
  9. Id. ibid., pag. 45.
  10. Pindari Nemeor. Od. IX, pag. 611, 612. Voyez Apollodore, liv. III, pag. 193.
  11. Pind. Od. VI Olymp., pag. 98.
  12. Voyez Diodore de Sicile, liv. IV, chap. LXVIII.
  13. Strabo, lib. IX, pag. 278.
  14. Id. ibid.