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AGRIPPA.

clavis librorum trium de Occultâ Philosophiâ omniumque magicarum operationum jactatur [1]. C’est ainsi que parle Jean Wier. J’ai vu une édition in-folio de la Philosophie occulte, en 1533, sans le lieu de l’impression, le privilége de Charles-Quint y est à la tête, en français, daté de Malines, le 12 de janvier 1529, si je ne me trompe.

Voyons présentement les mensonges qui sont répandus dans ces paroles de Naudé : « Les théologiens de Louvain censurèrent rigoureusement sa Déclamation contre les Sciences : Jean Catilinet, cordelier, déclama publiquement contre l’explication qu’il avoit faicte à Dôle de Verbo mirifico : les jacobins de la ville de Metz escrivirent contre les propositions qu’il avoit divulguées pour soutenir l’opinion de Fabert Stapulensis, touchant la monogamie de sainte Anne ; et toutefois pas un de ces censeurs ne put trouver aucun sujet de rien dire ou remarquer sur les deux premiers livres de sa Philosophie occulte, qui furent imprimés long-temps auparavant toutes ces pièces, tant à Paris qu’à Anvers et ailleurs... [2]. »Notez qu’il répète ces mêmes mots, long-temps auparavant, dans la page 416. Pour comprendre toute la faute, il faut se souvenir que Catilinet déclama l’an 1509 ; que les jacobins de Metz écrivirent sur sainte Anne l’an 1519 ; et que la Déclamation sur la Vanité des Sciences parut en 1530, un an avant la Philosophie occulte. « L’avarice des libraires, et la vanité de certains esprits........, ajoute Naudé [3], font tort à la mémoire de cet auteur, lui attribuant un quatrième livre plein de cérémonies magiques, vaines, superstitieuses et abominables, et le mettant en lumière avec les trois de sa Philosophie occulte...... Wierus asseure [* 1], pour la défense d’Agrippa, que ce livre ne fut divulgué que vingt-sept ans après sa mort, et qu’asseurément il ne l’avoit point composé [4]. »

Ces paroles de Naudé, vingt-sept ans après sa mort, comparées avec le passage latin que l’on a vu ci-dessus [5], peuvent causer de l’embarras ; mais, pour débrouiller cela, il suffit de prendre garde aux diverses éditions de Jean Wier. Il revit et il augmenta six fois son ouvrage. Naudé avait sans doute une édition que l’auteur avait préparée l’an 1562. Il s’était alors passé vingt-sept années depuis la mort d’Agrippa. Mon édition fut préparée treize ou quatorze ans après : voilà pourquoi l’auteur y emploie cette phrase, ultra annos quadraginta jam mortuo. Il retint toujours son nuper, et il est blâmable en cela ; car il trompe par ce moyen ses lecteurs. Il leur fait accroire que le quatrième livre Philosophiæ occultæ ne fut imprimé que vingt-sept ou quarante ans après la mort d’Agrippa : ce qui est faux. Il arrive rarement à ceux qui augmentent plusieurs fois leurs livres, de changer partout les particules qui marquent les dates du temps.

En faveur de ceux qui n’auront pas les ouvrages d’Agrippa, je dirai ici comment on prouve que la Déclamation contre les Sciences fut imprimée l’an 1530, et la Philosophie occulte l’an 1531. Par une lettre imprimée avec celle d’Agrippa et datée le 10 de janvier 1531 [6], on apprend que l’électeur de Cologne avait reçu un exemplaire de la Vanité des Sciences, et vu quelques feuilles de la Philosophie occulte qui s’imprimait à Anvers. L’auteur de la Bibliothéque de Dauphiné a pris une peine bien inutile dans son errata : il y a fait mettre 1567, au lieu de 1467. Son livre porte que le traité de la Vanité des Sciences fut composé dans Grenoble, l’an 1467. Corrigez selon l’errata, vous supposerez que ce livre fut composé trente-deux ans après la mort de son auteur. Il aurait autant valu ne point corriger. Je pense qu’on se tromperait, quelque année que l’on mit ; car je ne crois pas que cet auteur eût séjourné jamais à Grenoble considérablement lorsqu’il y alla mourir.

(R) Les fautes de Moréri ne sont pas nombreuses dans cet article. ] 1°. On y voit Cohori, au lieu de Gohori ; Ga-

  1. (*) Lib. II, de Præstigiis.
  1. Wierus, de Magis, cap. V, p. 108.
  2. Naudé, Apologie pour les grands Hommes, pag. 411.
  3. Là même, pag. 413.
  4. Naudé, Apologie pour les grands Hommes, pag. 414.
  5. Citation (103).
  6. C’est la XIVe. du VIe. livre, pag. 968.