Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique (1820) - Tome 1.djvu/313

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
267
AGIS.

l’un des éphores, qui avait été le grand promoteur de la réforme, le mit en justice, allégua les signes célestes (C), et poussa un prince du sang royal, qui s’appelait Cléombrotus, et qui était gendre de Léonidas, à s’assurer du royaume. Léonidas, transi de peur, se réfugia dans un temple, où sa fille, femme de Cléombrotus, l’alla joindre. On le cita ; et, parce qu’il ne comparut point, on le déclara déchu de sa dignité, et on la conféra à Cléombrotus. Il obtint la permission de se retirer à Tégée. Les nouveaux éphores firent un procès d’innovation à Lysander et à Mandroclidas : ceux-ci persuadèrent aux deux rois de s’unir et de casser ces éphores. La chose fut exécutée, mais non pas sans que la ville fût dans un grand trouble. Agésilaüs, l’un des éphores substitués à ceux que l’on venait de casser, aurait fait mourir Léonidas sur le chemin de Tégée, si Agis ne lui eût envoyé une bonne escorte. La réformation aurait pu alors s’établir si Agésilaüs n’avait trouvé le moyen d’éluder les bonnes intentions des deux rois. Sur ces entrefaites, les Achéens demandèrent du secours : on leur en donna ; et ce fut Agis qui eut le commandement des troupes. Il acquit beaucoup de réputation dans cette campagne (D). À son retour : il trouva les choses si brouillées par la mauvaise conduite d’Agésilaüs, qu’il lui fut impossible de se maintenir. Léonidas fut rappelé à Lacédémone : Agis se retira dans un temple, et Cléombrotus dans un autre. La femme de ce dernier se conduisit d’une manière qui la rendit admirable à tout le monde[a]. Léonidas se contenta de faire exiler son gendre, après quoi il s’appliqua tout entier à la ruine d’Agis. Un des éphores, qui souhaitait de ne point rendre ce qu’Agésistrata lui avait prêté, fut le principal instrument de l’infortune de cette famille. Agis ne sortait de son asile que pour aller se baigner. Un jour qu’il retournait du bain à son temple, cet éphore l’entraîna dans la prison. On lui fit son procès, on le condamna à mort, et on le livra à l’exécuteur. Sa mère et sa grand’mère demandaient avec instance que, pour le moins, on accordât à un roi de Lacédémone la permission de plaider sa cause devant le peuple. On craignit que ces paroles ne fissent trop d’impression, et l’on se hâta dès l’heure même d’étrangler Agis. L’éphore, débiteur d’Agésistrata, permit à cette princesse d’entrer en prison : il permit la même chose à la grand’mère, et puis il les fit étrangler l’une après l’autre. Agésistrata mourut d’une manière tout-à-fait glorieuse[b]. L’épouse d’Agis[c], princesse très-riche, et fort sage, et l’une des plus belles femmes de la Grèce, fut arrachée de son logis par le roi Léonidas, et contrainte d’épouser le fils de ce prince. C’était un jeune garçon peu capable encore du mariage. Il régna après son père, et eut une fin pour le moins aussi tragique que celle d’Agis, dont il avait tâché d’exécuter les desseins. Il s’appe-

  1. Elle s’appelait Chélonis. Voyez son article.
  2. Voyez l’article Ampharès.
  3. Elle se nommait Agiatis.