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VIE DE M. BAYLE.

doctrine sur la haine du prochain. C’est là ce qu’on devait voir principalement dans ce dernier écrit, et c’est ce que les personnes sensées et qui ont de la jalousie pour la gloire de Dieu, pour la pureté de notre morale, et pour la réputation de M. Jurieu, souhaitaient et espéraient d’y voir ; mais leur espérance a été trompée. M. Jurieu se répand sur plusieurs autres matières et ne dit pas un mot de celle-là. »

On trouvera peut-être que je me suis trop étendu sur ce sujet, mais comme il est difficile de s’imaginer que la fureur puisse porter un ministre du saint Évangile jusqu’à lui faire prêcher la haine du prochain, j’ai voulu faire voir par de bonnes autorités que M. Jurieu avait en effet prêché cette détestable doctrine, et que M. Bayle avait été bien fondé à la dénoncer [1].

M. Bayle publia presque en même temps un ouvrage intitulé : Additions aux Pensées diverses sur les comètes, ou réponse à un libelle intitulé : Courte revue des maximes de morale et des principes de religion de l’auteur des Pensées diverses sur les comètes, etc., pour servir d’instruction aux juges ecclésiastiques qui en voudront connaître. À Rotterdam, chez Reinier Leers, M. DC. XCIV, in-12. Il y marque les raisons qui l’avaient porté à ne pas réfuter plus tôt ce libelle. M. Jurieu n’avait point répondu aux sommations et aux défis de M. Bayle, touchant l’accusation d’athéisme, quoiqu’il l’eût portée devant le consistoire ; il s’en était même désisté. Il avait ensuite publié la Courte revue, où il dénonçait quelques propositions des Pensées sur les comètes et des Nouvelles lettres contre Maimbourg, comme dangereuses, hérétiques, etc. Il s’était adressé au consistoire pour faire condamner ces propositions ; et, lorsqu’on était prêt à examiner cette affaire, il avait demandé qu’elle fût renvoyée au synode : cependant il avait laissé passer quatre synodes sans en parler. Ce libelle ne contenait aucune objection contre le livre sur les comètes qui ne pût être réfutée par ce livre même ; et M. Bayle avait dessein de donner une nouvelle édition de cet ouvrage, avec des additions qui devaient contenir de nouvelles preuves, de nouveaux éclaircissemens et de nouvelles solutions à toutes les difficultés qu’on pouvait faire sur ce qu’il avait avancé. C’est là qu’il se proposait de réfuter la Courte revue. Mais ayant appris, au mois de février de l’année 1694, que M. Jurieu avait fait nommer des commissaires dans son consistoire pour prononcer sur les extraits qu’il avait produits dans ce libelle, un changement si soudain et si peu attendu lui fit craindre quelque mauvais dessein, et l’obligea de publier cette réponse. « M. Jurieu, dit-il [2], veut jouer dans son consistoire un personnage qu’il

  1. Dans les éditions posthumes du Dictionnaire critique, il y a une longue digression sur cette dénonciation, à la fin de l’article Zuérius Boxhornius, tom. XV, pag. 107 et suiv.
  2. Additions aux Pensées diverses sur les