Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Zuérius


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Index par tome


ZUÉRIUS BOXHORNIUS (Marc), professeur à Leyde[* 1], fils de Jacques Zuérius, ministre de Berg-op-Zoom, et d’Anne Boxhorn, fille d’un ministre de Bréda dont je parlerai ci-dessous (A), naquit à Berg-op-Zoom au mois de septembre 1612[a]. Il n’avait que six ans lorsque son père mourut. Il suivit sa mère quelque temps après à Bréda, et y fut élevé par Henri Boxhornius, son aïeul maternel, jusques à ce que les Espagnols se furent rendus les maîtres de cette ville, en 1625. Alors il fut amené à Leyde par Henri Boxhornius, qui, n’ayant point d’enfans mâles, voulut qu’il porta son nom. Ce jeune écolier fit tant de progrès, et avec une telle promptitude, qu’il publia d’assez bonnes poésies, l’an 1626, sur la prise de Bois-le-Duc, et sur quelques autres victoires remportées par les Hollandais. Il n’avait alors que dix-sept ans. Il n’en avait que vingt lorsqu’il publia plusieurs ouvrages considérables (B). Cela lui acquit une si grande réputation, que les curateurs de l’académie de Leyde lui conférèrent dès la même année, 1632, la profession en éloquence. Il la remplit avec tant d’éclat, que le chancelier Oxenstiern, étant ambassadeur extraordinaire de Suède en Hollande, le demanda pour un bel emploi, au nom de la reine Christine (C) : mais Boxhornius préféra à tous ces honneurs l’état où il se trouvait dans son pays (D) ; et continuant, soit par ses leçons, soit par ses livres, à donner des preuves d’une belle littérature et d’une exquise connaissance de la politique et de l’histoire, il en fut fait professeur à la place de Daniel Heinsius, déclaré emeritus. Il s’acquitta de cet emploi d’une manière très-utile à ses auditeurs, et très-glorieuse pour lui. Il fut brouillé pendant quelque temps avec Saumaise ; mais cette querelle, qui l’obligea à mettre main à la plume contre ce redoutable critique, s’apaisa enfin (E). Il communiquait volontiers aux autres auteurs ses connaissances, comme Valère André le confesse dans sa Bibliothéque du Pays-Bas. Il mourut après une assez longue maladie, à Leyde, le 3 d’octobre 1653, âgé de quarante et un an. Il travailla sur plusieurs sortes de matières (F), et nommément sur l’invention de l’imprimerie (G). Il avança là-dessus une opinion qui était fort différente de celle de Mallinkrot, et néanmoins sa dissertation lui fit acquérir l’amitié de ce savant homme. Il étudia beaucoup les Origines Gauloises (H), ce qui le mena à la recherche de la langue scythe et des antiquités de cette nation, sur quoi il a écrit fort ingénieusement en flamand et en latin. Il avait aussi travaillé à la Bibliothéque des Femmes illustres par leur érudition et par leurs écrits ; mais cet ouvrage n’a point paru (I). Quelques-uns ont voulu dire qu’on fut fâché, en Hollande, de la publication d’un petit écrit qu’il avait dicté à ses écoliers, et qui expliquait la constitution de la république des Provinces-Unies [b] (K). On estime son Histoire sacrée et profane, qui s’étend depuis la naissance de Jésus-Christ jusqu’à l’année 1650. Ce n’est qu’un volume in-4°. Ce qu’il contient de meilleur regarde le XVIe. siècle et le commencement du XVIIe. Boxhornius était un peu laid, et si basané qu’on le prit un jour pour un Espagnol (L). Il fit là-dessus une réponse pleine de zèle pour sa patrie [c] ; mais c’est aux casuistes à voir si elle est conforme à l’esprit de l’Évangile (M). Sorbière, le voyant emporté contre Grotius, eut l’équité de l’excuser, et de se dire à soi-même que ce langage était conforme aux lois de l’économie (N).

Quelques savans d’Allemagne n’ont pas eu beaucoup d’estime pour son savoir, et ont remarqué beaucoup de fautes dans ses ouvrages. Il en fut averti, et il résolut de se venger par une satire (O) ; je ne sais pas s’il exécuta ce dessein.

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......................(P) ....................

  1. * À la fin de ses remarques sur cet article, Joly renvoie aux tomes IV et X des Mémoires de Niceron. La liste qu’on y trouve des ouvrages de Boxhornius n’est que de cinquante-huit. Paquot la porte à soixante-huit dans le tome Ier, in-folio, de ses Mémoires pour servir à l'Histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, pag. 104 et suiv.
  1. Il était jumeau ; son frère jumeau était l’aîné, se nommait Henri, fut ministre, et mourut en 1640, n’ayant qu’un peu plus de vingt-huit ans : fort docte et de grande espérance. Jacob. Baselius, in Vitâ Marci Zuerii Boxhornii, Epistolis Boxhornii præfixâ. Voyez aussi Epist. Boxhornii, pag. 108, edit. Francof., 1679.
  2. Ex ejus Vitâ, conscriptâ à Jacobo Baselio, quæextat in limine Epistolarum Boxhornii.
  3. Voyez la remarque (L).

(A) Il était petit-fils d’un ministre de Bréda dont je parlerai ci-dessous. ] Il s’appelait Henri Boxhornius ou Boxhorn, et il était du Brabant. Il fit ses études à Louvain, et après y avoir obtenu le degré de licencié en théologie, il fut pourvu du doyenné de Tillemont ; et il témoigna tant de zèle pour la religion romaine, qu’on le fit inquisiteur. Mais il changea de sentimens, et embrassa la religion réformée. Il fut ministre premièrement au pays de Clèves, ensuite à Woerden dans la Hollande, et enfin à Bréda [1]. Il sortit de cette dernière ville lorsque les Espagnols l’eurent subjuguée l’an 1625, et se retira à Leyde où il eut soin de l’éducation de son petit-fils [2], qui sert de matière à cet article. Henri Boxhornius est auteur de quelques livres de controverse. Il eut pour antagoniste Henri Cuyckius, qui l’accusa de se dire faussement de la famille des Boxhorn. Ce Cuyckius, professeur en philosophie à Louvain, grand vicaire et official de l’archevêque de Malines, et enfin évêque de Ruremonde, publia en 1596 une Epistola parænetica, dans laquelle il exhortait Henri Boxhorn à rentrer dans le giron de l’église. On lui répondit qu’on n’avait garde de rentrer dans une église si corrompue. Il revint à la charge : on lui répliqua par un Anti-Cuyckius, imprimé à Leyde l’an 1598. Boxhornius avait été attaqué sur la noblesse ; Cuyckius ne lui passa point la rétention d’être descendu des Boxhorn, famille noble dans le Brabant [3]. Voyez l’Histoire du siége de Bréda [4].

(B) Il n’avait que vingt ans lorsqu’il publia plusieurs ouvrages considérables. ] Comme Theatrum Urbium Hollandiæ ; Scriptores Historiæ Augustæ, cum animadversionibus ac notis [5] ; Poetæ satirici minores, cum Commentariis ; Plinii Panegyricus. Il méritait d’avoir place parmi les enfans célèbres dont M. Baillet a dressé une si curieuse liste ; car pour ne rien dire des vers qu’il publia à l’âge de dix-sept ans, et qui furent fort-applaudis [6], il est certain qu’en 1681 il donna une édition de Suétone, avec des notes, qui porta les professeurs de l’académie à lui conseiller de demander la profession en langue grecque qui était vacante [7]. Il était donc auteur dans les formes à l’âge de dix-neuf ans. Combien de livres considérables publia-t-il l’année suivante ? Il n’était pas nécessaire de se servir d’aucun mensonge officieux pour le mettre sur le pied d’un auteur précoce ; la vérité la plus exacte pouvait suffire à cela : je voudrais donc que Valère André s’y fût tenu en toute rigueur, et qu’il n’eût point dit que Boxhornius publia des livres dans sa seizième année, et qu’il fut installé professeur en éloquence et aux belles-lettres avant l’âge de dix-neuf ans. La première de ses productions parut l’an 1629, et il ne fut professeur qu’en 1632. Ajoutez qu’il avait treize ans lorsqu’il sortit de Bréda pour aller à Leyde : on se trompa donc encore d’un an, lorsqu’on ne le fait âgé que de douze au temps qu’il fut immatriculé à Leyde [8]. Il arriva à Boxhornius comme à plusieurs autres, que, quand l’âge eut augmenté ses lumières il eut quelque honte de ses premières productions, et qu’il témoigna quelque envie de les renoncer pour siennes. Il paraît néanmoins qu’il gardait en même temps un bon reste de tendresse, puisqu’il eut soin de publier avec cette espèce d’exhérédation les louanges que Saumaise lui avait écrites. Claudius Salmasius juveniles hosce conatus sibi adeò probari tum temporis literis ad Boxhornium datis significavit, ut maxima quæque ab ipso non tantùm sperare, sed sibi et eruditorum orbi et quidem ex vero promittere adeòque præsagire fuerit ausus : quæ illius herois verbis ipsis publicè alibi [9] leguntur, eo nempè loco quo Boxhornius ipse postmodùm hæc ipsa aliaque juvenilia damnavi, ac proindè inter scripta sua vix numeravit. C’est ce que nous apprenons dans la Vie de Boxhornius. Cela me fait souvenir de ce que Grotius écrivit un jour à Scrivérius [10].

(C) Le chancelier Oxenstiern.... le demanda pour un bel emploi au nom de la reine Christine [11]. ] L’historien de Boxhornius ne dit point en quelle année ce chancelier vint en Hollande : s’il avait pris la peine de la marquer, il eût évité une faute de chronologie : il n’eût point dit qu’un peu après le refus d’aller en Suède, Boxhornius refusa d’aller à Dort, où on l’appelait pour enseigner dans le collége que les magistrats rétablissaient l’an 1634. Non diù posthæc cum reip. Dordracenæ proceres illustre suum et vetustissimum à reformatione in fæderato Belgio gymnasium, anno quidem undè octogesimo superioris seculi erectum, sed collapsum restaurarent an. 1634 omnium calculis Boxhornius dignus judicatus et habitus est cui res litteraria in eo promovenda committeretur. Les temps sont là confondus, puisqu’il est certain que le chancelier de Suède ne vint en Hollande qu’en 1635. Les magistrats de Dort offrirent à Boxhornius une meilleure pension que celle qu’il avait à Leyde ; néanmoins il n’accepta pas leurs offres, ce qui lui procura à Leyde une augmentation de gages. C’est la suite ordinaire de ces sortes de refus, quand on sait ou quand on veut se faire valoir.

(D) Boxhornius préféra à tous ces honneurs l’état où il se trouvait dans son pays. ] Avant que son historien publiât ce fait, on l’avait pu lire dans Valère André : d’où vient donc que M. Moréri assure que Boxhornius passa en Suède, où son mérite lui fit avoir des charges considérables ? Est-ce ainsi qu’il fallait traduire ces paroles ? Evocatus superioribus annis à Suecorum ad ordines fæderatos legato, reginæ et procerum nomine ad amplissimas dignitates in Sueciam illi septentrioni amorem prætulit patriæ [12].

(E) Cette querelle avec Saumaise s’apaisa enfin. ] Entendons cela avec quelque distinction : les actes d’hostilité cessèrent, on renonça à la profession extérieure d’ennemi ; mais le cœur ne changea point, et ne fut pas capable de supprimer en toutes rencontres ses irruptions et ses sorties. Boxhornius, un an avant que de mourir, atteint déjà de la maladie dont il mourut, recevait dédaigneusement les visites des étrangers qui avaient été recommandés à Saumaise. Eos qui à Salmasio venerant fastidiosè excipiebat, jam tum nimio tabaci usu correptâ valetudine quæ altero post anno eum cum vitâ destituit. Voilà deux faits que l’on trouve dans les oraisons funèbres de Jean Caspard Lentzius [13]. Ce qui regarde le tabac me fait souvenir d’avoir ouï dire que Boxhornius avait un chapeau troué qui lui soutenait la pipe, et qu’ainsi il pouvait fumer en étudiant, et en composant.

(F) Il travailla sur plusieurs sortes de matières. ] Il fallait non-seulement qu’il fût très-laborieux, mais aussi qu’il sût beaucoup de choses, et qu’il eût beaucoup de facilité à composer ; car sans cela une vie aussi courte que la sienne n’aurait pas suffi à tous les ouvrages qu’il a publiés. J’ai déjà parlé de quelques-uns de ses commentaires sur les anciens auteurs, mais je n’ai point parlé de ses Notes sur Justin, sur Tacite, sur les Épîtres de Pline, ni de son Commentaire sur la Vie d’Agricola, publié l’an 1642, et défendu peu après contre les attaques d’un anonyme. Je n’ai point parlé des Annales de Zélande et de Hollande qu’il fit imprimer en flamand avec beaucoup d’additions, et en meilleur ordre ; celles de Zélande, l’an 1644, et celles de Hollande, l’an 1650. Il tâcha de se faire conférer le titre d’historiographe de Zélande [14], et puis celui d’historiographe de toutes les Provinces-Unies [15] : mais je crois qu’il n’obtint rien ; car si ses demandes avaient réussi, l’auteur de sa Vie en aurait touché quelque chose : or je n’ai point remarqué qu’il en dise mot. L’index de ses lettres marque qu’il obtint ce qu’il avait demandé à l’égard de la Zélande ; mais quand on consulte la page où l’on se voit renvoyé, on n’y trouve rien d’approchant. Son Histoire du siége de Bréda est d’une bonne latinité. Il composa divers traités qui se rapportent à la politique, comme l’Apologie des Navigations des Hollandais. Dissertatio de Trapezitis vulgò Longobardis, qui in Fœderato Belgio fœnebres mensas exercent Dissertatio de successione et jure primogenituræ adeundo principatu ad Carolun II Magnæ Britanniæ regem ; de Majestate liber singularis adversùs J. B. Cogitationes subitaneas, in præcedentem Dissertationem. Il paraît par cette dernière pièce que ce qu’il avait publié en faveur du roi d’Angleterre Charles II, fugitif de ses états, avait déplu à quelque républicain. On a un recueil de ses Disquisitiones politicæ, id est LX Casus politici ex omni historiâ selecti, imprimé l’an 1651, in-12. Il publia un bon nombre de harangues sur divers sujets, et depuis sa mort on a publié ses Ideæ Orationum ex selectiori materiâ moderni statûs politici desumptæ ; ses Institutiones politicæ ; ses lettres et ses poésies latines. Ce dernier ouvrage, imprimé en 1659, a été réimprimé en Allemagne l’an 1679, avec une préface qui mérite d’être lue. Jacques Thomasius, professeur à Leipsic, en est l’auteur.

(G)... et nommément sur l’invention de l’imprimerie. ] Il soutint que la gloire de cette invention est due à la ville de Harlem, et non pas à celle de Mayence, comme il l’avait cru autrefois. Cujus inventæ gloriam Harlemensibus, non Moguntinis, ut olim, nunc denuò assertum imus [16]. Sa Dissertation sur ce sujet fut imprimée l’an 1641 [* 1].

(H) Il étudia beaucoup les Origines Gauloises. ] Voici ce que son historien nous apprend : Nunc hisce finem imponerem, nisi paucis dicendum esset de iis, quæ super deâ Nehalemiâ [17] 1647, primùm in Walachriæ oris inventâ est commentatus, et indè ad Scythicæ gentis linguam, antiquitatem, et mores indagandos multa ingeniosè sanè scripsit et scripturivit non vernaculè modò, prout inceperat, sed et latinè : nominatim librum Originum Gallicarum [18], in quo Gallos à Germanis ortos ex veteri ipsorum linguâ asserere conatur, qui tamen non nisi à morte autoris et alia ejusdem, prodiit in lucem, obstetricante Georgio Hornio in professione historiarum non indigno successore. Il paraît par les lettres de Boxhornius, que son livre des Origines Gauloises était déjà sous la presse l’an 1648 [19], et qu’il y était encore l’an 1652 [20]. Il n’en parle que comme d’un opuscule [21] ; mais il a bonne opinion de son système : il espérait de prouver que les Grecs et les Romains devaient tout aux anciens Frisons [22]. Son Traité de Scythicis Originibus était achevé en 1647 [23], mais il eut cent choses à y ajouter ; car voici comme il parle dans une lettre qu’il écrivit à M. de Zuilichem, l’an 1652. De originibus nostris et sepultis hactenùs Scythicis antiquitatibus (nam et de iis quærere dignatus es) hoc est, utego accipio, Asiæ totius et Europæ, superbiùs et jactantiùs respondeo. Multa excussi diligenter, conquisivi multa, multa meditatus sum, multa etiam ignorata, feliciter, nisi fallor, tandem deprehendi : quæ aliquando judiciis sistere ac exponere tuo imprimis, quod scio esse et gravissimum pariter, et æquissimum, audebo [24]. Il avait publié en 1650 un discours latin, pour montrer la sympathie de la langue grecque, de la langue latine et de la langue allemande.

(I) Il avait travaillé à la Bibliothéque des Femmes illustres..... ; mais cet ouvrage n’a point paru. ] Valère André a eu tort de mettre dans le catalogue de Boxhornius, Bibliothecam eruditione ac scriptis illustrium Fœminarum ; et sans doute c’est lui qui est cause que bien des gens s’imaginent, et publient même que Boxhornius a mis au jour ce curieux écrit. Voglérus l’assure aussi fermement que s’il avait lu le livre [25], et n’en est point censuré par Meibomius [26]. Ce qu’il y a de certain, c’est que Boxhornius a eu ce projet en tête : il avait de bons recueils sur ce sujet, il en fit offre à Isaac Pontanus [27], qui roulait dans son esprit une pareille entreprise [28] ; mais si vous n’y songez plus, ajouta-t-il, et si vous voulez me transférer cette commission, je vous supplie de m’envoyer vos mémoires. Ernest Brinchius lui avait communiqué une liste de femmes savantes. Velim nobili viro Ernesto Brinchio gratias meo nomine agi, ob transmissum syllabum eruditarum fœminarum. In quarum gratiam bibliothecam meam, et amicorum scrinia nuper excussi. Deprehendi autem non pœnitendum earum numerum, quæ vulgò ignorantur. Si tibi animus sit pergere in eo, quod aliquando cœpisse te intelligo, lubens qualiacunque mea transmittam, sin verò tibi visum lampada mihi tradere, ut tua non deneges, unicè rogo. Je dirai par occasion qu’un carme français, nommé le père Jacob, avait composé un semblable livre : quantité de gens le citent et y renvoient ; et néanmoins il n’a jamais été imprimé, et ne le sera jamais, car le manuscrit s’en est perdu [* 2].

(K) Quelques-uns ont voulu dire qu’on fut fâché en Hollande, etc... ] C’est Sorbière qui écrit cela à M. Patin ; voici ses paroles : « Je vous ai envoyé un petit livre assez curieux, Commentariolus de Statu Provinciarum fæderati Belgii, de la publication duquel on a été fâché en ces provinces, pour ce qu’il donne une idée fort nette du gouvernement de cette république, et que cela devait demeurer inter arcana imperii. Boxhornius avait dressé ce Commentaire pour ses écoliers en politique, et le leur avait dicté en particulier : mais le secret a été éventé, et il s’en est fait tant de copies, qu’enfin un libraire l’a mis sous la presse sans y mettre son nom ; et l’édition a été plus tôt vendue qu’on n’a eu le loisir de s’en formaliser [29]. » Je ne sais pas trop si Sorbière a eu raison de parler ainsi : mais je sais que ce petit livre fut imprimé à la Haye, chez Jean Verhoeve, en 1649 et en 1650, et que l’édition de l’an 1650 fut revue et augmentée. Il s’en fit d’autres éditions : j’ai vu la sixième, qui est de la Haye, chez Adrien Vlacq, en 1659.

(L) Il était... si basané qu’on le prit un jour pour un Espagnol. ] Ce fut en 1637, lorsque la garnison espagnole sortit de Bréda, selon la capitulation. Boxhornius qui était au camp du prince d’Orange, et qui voyait passer cette garnison, entendit un soldat hollandais qui le prenait pour un Espagnol : Vous vous trompez, lui dit-il, ne jugez pas de moi par mes cheveux et par ma mine ; si vous connaissiez ma candeur d’âme, vous ne douteriez pas que je sois un bon Hollandais. Si j’en avais la puissance je donnerais tout à l’heure la fièvre au roi d’Espagne, et je l’attacherais au lit de si bonne sorte, et lui ferais tant de peur, qu’il cesserait d’attaquer injustement notre liberté. Ceux qui aimeront mieux lire le latin de l’original seront bientôt satisfaits. Statura corporis ipsi fuit longa et erecta, et quam cum subfuscâ facie crines efficiebant qualemcunque deformem ; nigredinem eam candore animi sui albicantem reddere solebat.Undè cum Bredâ captâ inter exeuntium Hispanorum spectatores et ipse esset, et a nostrate quodam milite ipso audiente pro Hispano ob dictam nigredinem habitus, illi homini facetè non minùs quàm verè respondebat : « Tu me ex vultu et crinibus Hispanum judicas, sed malè : nam si candore animi Belgici mei nosses, qui tam magnus est ac nigri sun mei crines et in meâ esset potestate, pro amore in communem patriam vel hodiè Hispaniarum regem febri affligerem, lectoque alligarem, et metu sic terrerem, ut imposterum abstineret ab injustâ liberorum Belgarum oppressione et oppugnatione [30]. »

(M) C’est aux casuistes à voir si cette réponse est conforme à l’esprit de l’Évangile. ] La dénonciation qui parut en feuille volante au mois de mars 1694 [31] prouverait, si elle était juste, que Boxhornius obtiendrait facilement son absolution, et même une pleine approbation des casuistes, qui seraient semblables au prédicateur dénoncé : car on prétend qu’il prêcha que le précepte d’aimer et de bénir les persécuteurs de l’Église ne nous engage qu’à leur souhaiter et procurer les biens célestes. Le mal temporel [32] que Boxhornius voulait faire au roi d’Espagne n’eût pas empêché qu’il ne souhaitât la conversion de ce prince. D’ailleurs une maladie n’est pas un assassinat : or le prédicateur dénoncé a dit dans l’un de ses livres qu’hormis l’assassinat tout est permis et de bonne guerre contre un ennemi déclaré [33]. Il a si mal répondu à la dénonciation, et avec des tours de sophiste si embarrassés [34], que cela, joint au soin qu’il a pris de retirer de l’imprimerie ses sermons, convainc les personnes équitables qu’on le dénonça fort justement. Consultez le livre de M. Saurin [35].

Voyez ci-dessous la remarque (P).

(N) Sorbière... eut l’équité de... dire.... que de langage était conforme aux lois de l’économie. ] Boxhornius était âgé de trente ans lorsque Sorbière l’alla voir : on le connaissait déjà par beaucoup de livres, et peut-être même par trop de livres [36]. Il s’échauffa peu à peu contre Grotius dans cette conversation, et le blâma non-seulement rapport à la méthode de la réunion des chrétiens, mais aussi quant aux affaires politiques de la Hollande. Is visus est τῷ πάνυ Grotio minùs amicus ; nam sensim prôcedente, ut fit, sermone ad quæstiones tunc temporis volitantes docta per ora virum et nupera scripta, non solùm dissentire, quod faciunt multi boni et amici Grotio, se fassus est circa initum conciliationis modum et tributam nimiam rom. pontifici authoritatem, sed ipsum insimulatus est circa politica patriæ negotia, unà cum cæteris remonstrantibus [37]. Sorbière excusait Boxhornius sur ce qu’il n’eût pas été de la prudence d’un professeur qui veut être bien dans ses affaires, et travailler utilement à l’avantage et à la prospérité domestique, de s’exposer à la disgrâce du parti qui dominait. Quærens apud me rationem quâ excusarem Boxhornium ; aut quia junior res gestas audierat ab aliis non probatæ fidei testibus : aut quia professorium munus exercens conductum mercede se putabat à calvinianis, quorum excidere gratiâ, clavum reipubl. tenentium ; non est hominis benè rem familiarem gerere quærentis. Il y a peut-être un peu de malignité dans ces excuses ; mais puisque Sorbière ne nie pas que Boxhornius ne pût parler selon sa persuasion, on ne doit pas supposer qu’il lui appliquait le beneficium accipere libertatem vendere est : une rente bien payée ne permet pas que l’on dise ce que l’on pense.

(O) Quelques savans d’Allemagne.... ont remarqué beaucoup de fautes dans ses ouvrages. Il ... résolut de se venger par une satire. ] On voit cela dans une lettre de Rupert à Réinesius. Videtur Boxhornius nimiùm tribuere ingenio suo, et ante tempus togâ brachium exerere. Quum olim vidissem Florum ejus, occurrebant multa valdè putida ; quæ privato studio notata, sed posteà nescio quâ fraude in vulgus sparsa, in ipsius Boxhornii manus venisse dicuntur. Etiam satyram, ut audio, minatus est in litteris ad quendam Dresdensem ; quasi pro meis agnoscere debeam universa, quæ inimica manus transmisit : Vivimus enim hic in viperinâ societate. Sed quicquid velit, agat, et typographicâ tubâ, proprium dedecus insonet in eruditas aures : ego nullus trepido, quamvis illud poetæ insusurrare quispiam possit :

Occursare Capro, cornu ferit ille, caveto [38].

Réinesius, dans une lettre à Hoffman, s’est servi de ces paroles : Tragocerotem Batavum qui nescio quid Ruperto nostro minatus fuerat, confidentissimum criticum esse et in antiquitate videre præ calore parùm, ostendem ex ejus Quæstionibus romanis, ubi circa Inscriptiones non-nullas pueriliter hallucinatur [39]. Voyez aussi la XXVIIe. lettre du même Réinesius [40] : on y traite Boxhornius avec beaucoup de mépris.

(P) .......... ] Puisque l’occasion s’est présentée de parler de cette dénonciation de la nouvelle hérésie touchant la haine du prochain, je ferai ici une digression qui me parait importante [* 3]. Je suis persuadé qu’un compilateur de faits manque à son devoir lorsqu’il néglige d’attirer l’attention de ses lecteurs sur les accidens qui ont quelque singularité. Or il n’y a rien de plus capable d’attirer cette attention que la peine que l’auteur se donne de réfléchir sur ces accidens, et d’y observer les endroits qui font connaître les passions les moins communes. Tout cela fournit au lecteur une ample matière de méditer, et l’art de juger de l’homme, et d’éviter les surprises d’une téméraire crédulité.

C’est ce qui m’engage à faire ici quelques remarques sur les suites de la dénonciation ; et comme la plupart de ceux qui liront ceci ne sauront point la teneur de cette feuille volante, et ne pourront plus trouver chez les libraires un écrit de cette nature, il faut que le fondement de ma digression soit un précis de ce petit imprimé.

Le dénonciateur fait deux choses. Premièrement il rapporte la doctrine qui avait été prêchée, et en second lieu il en montre les conséquences pernicieuses.

Il prétend que la doctrine de M. Jurieu, le ministre dénoncé, revient à ceci : I. Que les sentimens de haine, d’indignation et de colère, sont permis, bons et louables contre les ennemis de Dieu, c’est-à-dire, comme il l’a expliqué lui-même, contre les sociniens et les autres hérétiques de Hollande, contre les superstitieux, les idolâtres, etc. II. Que l’on doit témoigner ces sentimens de haine et d’indignation en rompant toute société avec ces gens-là, en ne les saluant point, en ne mangeant point avec eux, etc. III. Que ce n’est point seulement les hérésies et les mauvaises qualités de ces gens-là qu’il faut haïr ; mais qu’il faut haïr leur personne et la détester. Une des objections qu’il s’est faites et qu’il a rejetées avec des airs les plus dédaigneux, est celle qui porte qu’il faut faire la guerre à l’erreur et au vice ; et avoir néanmoins de la charité pour la personne du pécheur. Après ces propositions générales où l’on réduit la doctrine du dénoncé, on l’accuse en particulier de s’être objecté l’histoire ou la parabole du Samaritain, l’exemple de Jésus-Christ, qui conversait avec les gens de mauvaise vie, l’ordre qu’il vous donne d’aimer nos ennemis, de servir ceux qui nous maudissent, et de prier pour ceux qui nous persécutent, et en général tout ce que l’on a coutume de représenter au peuple chrétien lorsqu’on veut le faire renoncer à l’esprit vindicatif : on accuse, dis-je, le ministre de s’être objecté toutes ces choses, et de s’être moqué de ces objections. Il a prétendu qu’on n’entend point ces passages, et il en est venu jusques à dire que les sermons de Jésus-Christ sur la montagne sont une parole dure qu’il faut nécessairement adoucir en les prenant, non à la lettre, mais dans un sens figuré ; et que par les persécuteurs pour lesquels le fils de Dieu nous commande de prier, il ne faut point entendre ceux qui persécutent l’église, mais les ennemis particuliers et personnels que l’on peut avoir dans le lieu de sa résidence : qu’au reste, on peut satisfaire au commandement de bénir ceux qui nous maudissent, pourvu seulement qu’on leur souhaite les biens spirituels, encore qu’on haïsse leur personne et qu’on leur souhaite des maux temporels. Là-dessus apostrophant ses auditeurs il leur a déclaré qu’ils pouvaient et qu’ils devaient haïr le roi de France et lui souhaiter du mal : non pas, ajoutait-il, à cause qu’il vous a ôté vos biens, mais à cause qu’il persécute votre religion.

Voilà les dogmes que l’on impute au dénoncé : je me suis servi des propres termes du dénonciateur dans toute leur étendue, parce que je craignais qu’un abrégé ne fût pas assez fidèle. Vous avez là son premier point ; on vous va donner le second.

Le dénonciateur ayant exposé l’hérésie qui avait été prêchée exhorte vivement les pasteurs et les consistoires à la censurer ; et, pour les y animer davantage, il leur montre les suites funestes qu’elle peut avoir si elle demeure impunie. Il leur représente l’ascendant de M. Jurieu sur les peuples, et la facilité avec laquelle on se laisse persuader ce qui flatte nos passions ; et il ajoute que la plus forte et la plus naturelle passion du cœur humain est celle de la vengeance et de la haine de ses ennemis ; que rien n’est si dur à notre nature corrompue que de ne pouvoir pas en bonne conscience vouloir du mal à ceux qui nous ont tourmentés pour la religion ; que ce serait une consolation extrême pour un homme qu’un prêtre ou qu’un capitaine de dragons a persécuté pour le faire aller à la messe, que de pouvoir sans scrupule lui souhaiter la peste, la gravelle, la faim et les galères, etc., et l’accabler de malédictions et d’injures ; et que rien n’est plus gênant que les traités qu’on a coutume de lire pour se préparer à la sainte cène, où l’on trouve que l’on communiera à sa damnation si l’on se présente à la table du Seigneur le cœur gros de ressentiment et de haine contre qui que ce soit. Voilà, continue-t-il, M. Jurieu qui vient ôter tous ces saints scrupules. Il permet [41] de communier le cœur plein de haine, et d’une bouche qui fulmine des malédictions contre ceux qui ont persécuté les réfugiés. Il veut que nous les haïssions, et il nous défend de leur souhaiter les biens temporels. Le dénonciateur prétend que, selon ces dogmes, il ne serait pas permis de procurer les biens temporels aux persécuteurs, et que l’on ferait très-mal de les secourir dans leurs maladies, d’aider à éteindre le feu dans leurs maisons. Il exhorte nommément le synode des églises wallonnes [42] à prévenir les mauvaises suites de ces faux dogmes ; il leur représente plusieurs raisons qui les y doivent porter ; et il leur dit, entre autres choses, que la prospérité de l’état est incompatible avec l’hérésie dénoncée : car que serait-ce, dit-il, si les réformés ne voulaient ni saluer ceux qui sont d’une autre religion, ni manger, ni négocier avec eux ; que serait-ce s’il leur était permis et louable de haïr la personne de tous les papistes, de tous les arminiens, mennonites, etc., et s’ils n’étaient obligés par l’Évangile qu’à leur souhaiter les biens spirituels, sans être obligés de leur procurer aucun bien temporel, de les tirer d’un fossé, si on les y voyait plongés, de leur donner l’aumône ; si on les voyait dans l’indigence ? Ce pays pourrait-il prospérer selon de telles maximes ? Au reste, il déclare qu’il ne demande pas que le synode ajoute foi à sa dénonciation, et qu’il n’a pour but de faire en sorte que la compagnie fasse informer du fait, et oblige M. Jurieu à publier les deux sermons tout tels qu’il les a prêchés.

Il est bon de se souvenir que ces sermons furent prêchés le 24 de janvier et le 21 de février 1694, et que la dénonciation parut au mois de mars de la même année, temps où les auditeurs avaient encore les idées toutes fraîches de ce qui leur avait été prêché. Cette circonstance est notable.

Voyons ce que fit le ministre dénoncé. Dès qu’il sut que plusieurs de ses auditeurs étaient choqués de sa doctrine, il envoya ses deux sermons à l’imprimerie. La presse roulait dessus, et ils eussent paru bientôt ; mais on arrêta l’impression dès que l’on eut vu la feuille volante du dénonciateur, et on prit d’autres mesures. On publia des Réflexions sur cette feuille volante ; on soutint qu’elle était pleine de faussetés ; car il est faux, ce sont les termes de l’auteur des Réflexions,

« 1°. Que l’on ait dit que les sentimens de haine soient bons et louables contre qui que ce soit, à prendre la haine pour une passion humaine, qui a son principe dans l’amour-propre.

 » 2°. Il est faux qu’on ait dit absolument qu’il faut témoigner cette haine aux hérétiques en ne les saluant pas et ne mangeant pas avec eux. On a dit là-dessus ce qu’ont dit saint Paul et saint Jean, modifié comme on le verra dans les sermons.

 » 3°. Il est faux qu’on ait dit qu’il faut rompre tout commerce de la vie civile avec les papistes, mennonites, arminiens, etc. C’est-à-dire qu’on ne devrait pas même prendre ni donner des lettres de change des Juifs dessus la bourse. Impertinence qui n’a été dite ni pensée

 » 4°. Il est faux qu’on ait rejeté cette maxime, Il faut aimer la personne et haïr le vice, comme mauvaise ou fausse : on l’a rejetée comme trop subtile, comme n’étant pas trop intelligible, et enfin comme ne pouvant être appliquée partout. Ces messieurs, qui ont tant d’esprit, comprennent fort bien comment on peut faire souffrir à la personne d’un parricide des supplices épouvantables, le fer chaud, le plomb fondu, la roue, le démembrement à quatre chevaux, et aimer pourtant cette personne. Mais ils doivent pardonner à ceux qui ne le comprennent pas.

 » 5°. Il est faux que M. J. ait dit directement ni indirectement, en tout ou en partie, que par les persécuteurs pour lesquels le fils de Dieu nous commande de prier il ne faut pas entendre ceux qui persécutent.

 » 6°. Il est faux qu’il ait apostrophé ses auditeurs pour leur dire qu’ils pouvaient et devaient haïr le roi de France, et lui souhaiter du mal. On verra ce qui a été dit là-dessus.

 » 7°. Il est faux qu’il ait permis de communier le cœur plein de haine, et d’une bouche qui fulmine des malédictions.

 » 8°. Il est faux que M. J. ait défendu de faire du bien ou de souhaiter les biens temporels à nos persécuteurs, et qu’il ait dit que nous ne sommes pas obligés à procurer aucun bien temporel aux papistes, mennonites, etc. »

Remarquez qu’on promet deux fois la publication des sermons, comme le véritable dénoûment et comme la preuve invincible des faussetés du dénonciateur. Mais, dans la même page 3 où on l’a promise, on avertit que peut-être, au lieu de publier les sermons, on donnera un traité complet sur cette partie de la morale. Un peu plus bas on avertit qu’on instruira les honnêtes gens, en temps et lieu, sur cette matière ; mais que, pour le présent, on ne publiera point les sermons, parce qu’on a su de plusieurs côtés que l’ennemi avait préparé ses batteries pour y trouver des hérésies à quelque prix que ce soit [43]... On attendra un peu, poursuit-on, que le feu soit passé. Je laisse là le reste, ce n’est qu’un tissu de louanges et d’invectives : celles-là pour M. Jurieu lui-même, qui se couronne de ses propres mains, et qui étale ses prouesses ; celles-ci pour ses ennemis. Je laisse là pareillement un écrit qui fut opposé aux Réflexions de ce ministre, non pas eu égard à la dénonciation, mais eu égard à ses querelles avec M. de Beauval. Cela et l’Apologie de M. Jurieu [44], et la réplique de M. de Beauval, sont des incidens tout-à-fait externes à la dénonciation, et par conséquent à ma digression, mon dessein étant seulement de considérer les suites directes de la dénonciation.

Si la dénonciation avait fait parler des deux sermons, l’écrit du ministre dénoncé en fit parler davantage ; et comme on était à la veille du synode, chacun attendait avec impatience ce que la compagnie résoudrait sur une affaire si délicate et si scandaleuse. On en fut bientôt éclairci. Le synode traita également de libelle l’écrit du dénonciateur et celui du dénoncé, et laissa tomber l’affaire comme une chose non avenue. Cela surprit étrangement ceux qui avaient cru que la compagnie ferait informer du fait, et laissa le public dans un grand scandale, ou contre le dénonciateur, s’il avait calomnié M. Jurieu, ou contre le dénoncé, s’il avait prêché la doctrine qu’on lui impute. C’est là le point où je veux aller. Il est honteux à notre siècle qu’on ose se jouer du public aussi hardiment qu’on s’en joue, et c’est de quoi nous faire perdre les plus spécieuses maximes que nous puissions opposer aux incrédules sur les matières de fait. Comme donc la grosseur de cet ouvrage fera peut-être qu’il résistera aux injures du temps un peu plus qu’un petit livre, je me sens obligé de communiquer à mes lecteurs, pendant que les choses sont fraîches, quelque sorte d’éclaircissement sur la dénonciation de la nouvelle hérésie, afin qu’un fâcheux pyrrhonien ne puisse point objecter qu’une dispute s’étant élevée l’an 1694, si un ministre, qui avait plus de douze cents auditeurs, avait prêché une certaine doctrine, il a été impossible, trois jours après, de savoir le oui ou le non. Ceux qui pèseront bien mes remarques m’avoueront, je m’assure, qu’il est possible, dans cette affaire, de discerner la vérité et la fausseté.

I. Je commence par cette considération. Il ne faut compter ici pour rien ce principe : S’il était faux qu’un ministre eût prêché devant douze cents personnes l’hérésie de la haine du prochain, personne n’aurait été assez hardi pour l’en accuser publiquement trois jours après. La raison pourquoi ce principe n’est ici d’aucune force est parce qu’on le peut combattre par cette autre proposition : S’il était vrai qu’un ministre eût prêché cette hérésie devant douze cents personnes, il ne l’aurait pas osé nier publiquement trois jours après. Voulez-vous conclure du premier principe qu’il faut que cette hérésie ait été prêchée, puisqu’aussitôt elle a été dénoncée publiquement ? je conclurai du second principe qu’il faut qu’elle n’ait pas été prêchée, puisqu’on s’est inscrit en faux publiquement tout aussitôt contre la dénonciation. Le plus court est de renoncer à cette voie de raisonnement, et de mettre en équilibre l’affirmation du dénonciateur et la négation du dénoncé. Imitons le synode de Tergou, qui n’a eu égard ni à l’une ni à l’autre, et qui a traité également de libelle écrit du dénoncé et l’écrit du dénonciateur. Généralement parlant, posons en fait que toute la preuve qu’on pourrait tirer de ce qu’il y a un homme qui affirme est ruinée par la raison qu’il y a aussi un homme qui nie, et cherchons ensuite dans les circonstances particulières s’il est plus sûr de se ranger dans le parti qui affirme que dans le parti qui nie. C’est à quoi sont destinées les observations suivantes.

II. Le dénonciateur n’a pas été obligé de se nommer, puisqu’il n’avait en vue que d’engager le synode à s’informer si l’hérésie qu’il dénonçait avait été actuellement prêchée. Ainsi l’on ne peut tirer aucun préjugé favorable à M. Jurieu de ce que son dénonciateur n’a pas déclaré son nom.

III. Le dénonciateur n’a pas été obligé de répondre à l’écrit du dénoncé ; car il a dû attendre ce que le synode ferait dans ce conflit d’affirmative et de négative : et ayant vu que le synode ne se voulait point mêler de cette question, il a dû l’abandonner, vu qu’un simple particulier n’a point droit de faire prêter interrogatoire, et c’était la seule voie de vider le différent. Ainsi l’on ne peut tirer aucun préjugé favorable à M. Jurieu de ce que le dénonciateur n’a point soutenu son premier écrit par un second ; car tous les écrits du monde eussent été inutiles, à moins que les supérieurs ne fissent ouïr des témoins.

IV. C’est un fait certain et incontestable que les synodes wallons favorisent M. Jurieu. Il s’est loué plus d’une fois de la considération qu’ils lui avaient témoignée ; il s’est glorifié autant de fois des triomphes qu’ils lui avaient fait remporter sur ses ennemis. On n’a qu’à voir sa réponse à la dénonciation[45]. Ses adversaires se plaignirent de l’indulgence que les synodes ont pour lui, et remarquent qu’il a abusé de cette excessive tolérance[46]. On peut voir l’histoire de cette faveur synodale dans le livre de M. Saurin, ministre d’Utrecht [47]. On peut tirer de cela deux conséquences : l’une pour disculper le silence du dénonciateur, l’autre à la charge de M. Jurieu. En effet, si de l’aveu même de ce ministre le synode de Bréda a jeté dans les balayures les accusations que les députés de quelques églises avaient portées contre lui ; si ce synode n’en a relevé que quatre, dont il a pris soin de justifier M. Jurieu, on comprend facilement que l’auteur de la dénonciation a dû se tenir en repos ; et s’il a eu raison dans le fond, la prudence n’a pas laissé de vouloir qu’il ne poursuivît point inutilement sa première pointe. L’autre conséquence dont j’ai à parler est celle-ci. Un synode qui favorise manifestement un ministre ne néglige point de s’informer d’une affaire lorsqu’il est sûr que l’information justifiera pleinement ce ministre, et confondra ses accusateurs. Puis donc que le synode, instamment sollicité pur l’auteur de la dénonciation de faire informer du fait, néglige toutes sortes de recherches, il est très-probable qu’on a craint de ne trouver rien de bon pour M. Jurieu. Ainsi la présomption est que ce ministre a prêché les hérésies qu’on a dénoncées.

V. Il est certain que M. Jurieu a été persuadé qu’un théologien était l’auteur de la dénonciation[48], et que tout le parti avec lequel il a eu de si rudes prises avait part à cette pièce. De là vient que presque toujours, dans ses réflexions, il se sert du nombre pluriel ces messieurs. On ne peut donc pas dire que s’il ne s’est point servi d’une voie très-efficace pour réfuter cette dénonciation, c’est qu’il n’y aurait gagné que la confusion d’un inconnu ; car il est sûr qu’il aurait cru y gagner la confusion de tous les ministres avec qui il est en guerre. D’où vient qu’il a négligé ses avantages dans une conjoncture si décisive ? D’où vient qu’il n’a point prié le synode de nommer des commissaires qui se transportassent sur les lieux pour interroger les auditeurs les plus capables ? D’où vient qu’il n’a produit aucune déposition en sa faveur, ayant tant d’amis qui ne lui auraient point refusé ce que la conscience leur eût permis de déclarer à sa décharge ? En un mot, d’où vient qu’il n’a pas publié ses deux sermons ? La dénonciation devait lui faire naître l’envie de les publier ; et, au contraire, elle a été cause qu’il en a arrêté l’impression. Il faudrait être vieux profès dans l’ordre des pyrrhoniens pour ne pas dire décisivement que cette conduite est une pièce justificative de la dénonciation. Toutes les apparences nous portent à croire que M. Jurieu se détermina à publier ses deux sermons quand il vit que ses auditeurs en étaient choqués. Il enveloppa sans doute, et il déguisa les maximes les plus dures qu’il avait prêchées, et il espéra qu’avec ce remède il guérirait les esprits scandalisés. Mais quand il vit la hauteur avec laquelle on traitait la chose dans la dénonciation, et le tour odieux et séditieux dont sa doctrine était susceptible, il comprit qu’il n’avait pas assez adouci les choses, et que pour jeter de la poudre aux yeux à ses censeurs, il fallait faire dans sa copie plusieurs autres changemens plus considérables. Là-dessus, le seul parti qu’il y eut à prendre fut d’arrêter l’impression ; car s’il eût corrigé sa copie jusques à se mettre hors de la portée des traits de ses ennemis, il aurait débité le plus horrible galimatias qu’on ait jamais vu, son système eût été contradictoire d’un bout à l’autre, et d’ailleurs quantité de gens se fussent bien souvenus que ses sermons imprimés n’étaient point les mêmes qu’ils avaient ouïs. On n’eût parlé dans les compagnies que de la mauvaise foi avec laquelle il prêchait une doctrine et en publiait une autre. Une attestation du consistoire, portant que les sermons imprimés étaient parfaitement semblables aux sermons prêchés, n’était pas facile à obtenir, et n’eût pas convaincu les gens qu’ils avaient ouï prêcher ce qu’ils se souvenaient bien de n’avoir pas ouï prêcher. Il n’y eut donc point de choix à faire, il fallut se déterminer à la suppression, et se priver par-là de la voie la plus efficace et la plus courte de couvrir d’une confusion éternelle ses ennemis, en cas qu’on eût été innocent, en cas que la dénonciation fût fausse. Cela est décisif contre lui,

VI. Pour peu qu’on sache la carte de ce pays, on sait de science certaine que le consistoire wallon de Rotterdam accorde tout ce que M. Jurieu peut avoir raison de demander [49]. Il y a même des gens qui croient que son crédit n’est pas renfermé dans des bornes si étroites. Mais je suppose seulement qu’il n’y obtient que des choses raisonnables. S’il n’avait point prêché les doctrines dénoncées, il n’y avait rien de plus juste que de lui en donner un certificat. Il l’aurait donc obtenu, s’il l’eût demandé à son consistoire. D’où vient donc qu’au lieu de s’inscrire en faux, sans se nommer, contre la dénonciation, il n’a point nié la tête levée, et appuyé sur un bon certificat de ses collègues, de ses anciens et de ses diacres, qu’il eût prêché les erreurs qu’on lui imputait ? Il passe pour très-sensible à sa gloire et à sa réputation, et il ne cesse de dire que son honneur est nécessaire à l’église : on ne saurait donc prétendre qu’il ait négligé d’obtenir un certificat parce qu’il ne se soucie point si on le diffame ou si on le loue, content du témoignage de sa conscience, et de celui des bonnes âmes qui l’affectionnent. Ce serait se moquer du monde, et de lui tout le premier, que de le défendre de cette manière.

VII. Il a bien prévu que la suppression de ses deux sermons ferait triompher ses adversaires. C’est pourquoi il n’a eu garde de dire qu’il avait dessein de les supprimer. Il s’est contenté de donner quelques raisons pourquoi le public ne les verrait pas sitôt ; et en cas qu’il les supprimât, il a promis un traité complet sur cette matière. Tout cela plaide pour le dénonciateur mieux que ne le ferait un bon avocat ; car voici les raisons de ce beau délai. On a su que ces messieurs voulaient critiquer les deux sermons, et on n’a pas jugé à propos de leur donner pour le présent le plaisir de l’escrime. Cela les divertirait ; mais cela scandaliserait le public. On attendra un peu que leur feu soit passé [50]. Chacun voit que ces messieurs n’auraient pu que se rendre ridicules par la critique de deux sermons orthodoxes, puisqu’ils les avaient dénoncés comme remplis d’hérésies. Où les eussent-ils trouvées ces hérésies, si la dénonciation était telle que M. Jurieu le prétend ? Le public n’aurait point été scandalisé de voir paraître l’innocence d’un fameux ministre : il eût été au contraire très-édifié de la honte d’un faux dénonciateur. Une dispute par écrit sur cette matière ne pouvait venir trop tôt, puisqu’elle pouvait contribuer si puissamment à montrer l’innocence du ministre, et la calomnie de son censeur. Plus les critiques eussent agi selon l’ardeur de leurs premiers mouvemens, plus se fussent-ils enferrés. Un habile homme aurait profité de leur fougue. Mais accordons à M. Jurieu que ses délais étaient raisonnables ; qu’y gagnera-t-il ? puisque la suite a montré qu’il ne songeait point à l’impression. Un an s’est déjà passé sans que l’on ait vu ni les deux sermons ni aucun livre sur la haine du prochain. Est-ce que le feu des adversaires n’est pas encore un peu passé ? Mais si tout sent la mauvaise foi dans les raisons qu’il a alléguées touchant la suppression des deux sermons, tout la sent aussi dans les Réflexions qu’il a faites sur la Dénonciation.

VIII. Il n’a point distingué l’une de l’autre les deux choses que le dénonciateur a si nettement distinguées. Voyez ci-dessus les deux points de la Dénonciation. Le premier regarde les dogmes que M. Jurieu débita ; le second concerne les suites que peuvent avoir ces dogmes. Tous ceux qui savent la polémique nous enseignent que les conséquences qui résultent d’une doctrine ne doivent point être imputées au défenseur de cette doctrine, quand on sait qu’il les rejette : mais soit qu’il les rejette, soit qu’il les admette, il est permis de les lui marquer, parce que ce peut être un moyen de le convertir. Combien y a-t-il de gens qui abandonneraient un principe s’ils connaissaient les mauvaises conclusions qu’on en peut légitimement tirer ? Ainsi le dénonciateur n’a rien commis qui ne soit dans l’ordre, lorsque, pour induire plus fortement le synode à censurer l’hérésie qu’il dénonçait, il en a montré les pernicieuses conséquences. Il eût mal fait s’il eût dit que M. Jurieu les avait prêchées nommément et expressément ; mais c’est ce qu’il n’a point fait : les plus ignorans peuvent discerner avec autant de facilité que les plus savans quelles sont les propositions qu’il lui impute, et quelles sont les propositions qu’il infère de celles-là, sans prétendre qu’il les ait prêchées : peut-on donc croire que M. Jurieu ait agi de bonne foi en confondant ces deux sortes de propositions ? N’est-il pas visible qu’afin de tromper les bonnes âmes et les esprits crédules, il s’est plaint qu’on l’a accusé d’avoir prêché qu’il est permis de communier le cœur plein de haine, et d’une bouche qui fulmine des malédictions ? Tous les auditeurs à qui on aura demandé s’ils ont ouï sortir de sa bouche une telle proposition, auront répondu que non, et néanmoins, se sera-t-on écrié, voilà ce que ce malheureux dénonciateur lui impute ; après une telle calomnie que peut-on attendre de lui ? Tout son écrit n’est qu’un infâme libelle. Cet artifice, tout grossier qu’il est, a pu tromper une infinité de gens, et c’est pour cela que M. Jurieu s’en est servi dans sa réponse. Disons la même chose de cette autre proposition qu’on l’accuse d’avoir prêchée, dit-il : Il faut rompre tout commerce de la vie civile avec les papistes, mennonites, arminiens, etc., c’est-à-dire qu’on ne devrait pas même prendre ni donner des lettres de change des Juifs dessus la bourse. Il est très-faux qu’on l’ait accusé d’avoir prêché ces paroles et d’être descendu dans un tel détail ; il faudrait le prendre pour un fou si on l’accusait de semblables choses. On a seulement représenté au synode, qu’à vivre conformément aux dogmes qu’il a prêchés il ne faudrait entretenir aucun commerce avec les ennemis de la vérité. C’est à lui à rajuster comme il pourra ses principes avec ces monstrueuses conséquences.

Remarquez bien qu’il y a des conséquences qui ont une liaison si prochaine et si nette avec leur principe, qu’on ne saurait jamais se persuader qu’un habile homme qui enseigne le principe rejette ces conséquences. Si une fois vous enseignez qu’il est permis de haïr et de maudire les persécuteurs, comment pouvez-vous nier qu’il ne soit permis de se présenter à la table le cœur plein de haine, et la bouche pleine de malédictions contre les persécuteurs ? N’est-il pas évident qu’afin de se préparer à la communion il suffit de renoncer aux choses qui sont illicites ? Mais, quoi qu’il en soit, ce que le dénonciateur impute sur ce point-là est visiblement une conséquence qu’il tire de l’hérésie dénoncée, et non pas une des propositions dénoncées. D’où paraît de plus en plus la mauvaise foi du prédicateur dénoncé. Et dès lors on le doit croire très-capable de nier qu’il ait prêché l’hérésie dénoncée, encore qu’il soit très-vrai qu’il l’a prêchée.

IX. Cette même mauvaise foi paraîtra encore très-sensiblement, si l’on considère comment il répond sur les dogmes qu’on dénonce. Comparons la réponse avec les termes de la dénonciation. On l’accuse d’avoir prêché que les sentimens de haine sont bons et louables contre les ennemis de Dieu ; voici sa réponse : Il est faux qu’il ait dit que les sentimens de haine soient bons et louables contre qui que ce soit, à prendre la haine pour une passion humaine qui a son principe dans l’amour-propre. C’est moins jeter de la poudre que de la mauvaise foi aux yeux des lecteurs ; car c’est supposer qu’on l’a accusé d’avoir dit que la haine, lors même qu’elle est une passion humaine qui a son principe dans l’amour-propre, est bonne et louable. Mais il est évident qu’il ne s’agit point de cela : l’accusation ne porte sinon qu’il a dit que les sentimens de haine sont bons et louables contre les ennemis de Dieu. Un homme qui va rondement, et qui ne se sent point coupable, n’use point de telles supercheries : il ne se justifie point sur des chimères dont il n’est pas accusé ; il représente fidèlement le crime dont on l’accuse, et il répond dans le sens net et précis des termes de l’accusation. M. Jurieu en a-t-il usé de la sorte ? a-t-il répondu comme il fallait faire dans le cas d’une juste négation : Je n’ai point dit que les sentimens de haine soient bons et louables contre les ennemis de Dieu ? Nullement ; il a mieux aimé s’embarrasser dans des distinctions captieuses. Je n’ai pas dit que les sentimens d’une haine humaine qui a son principe dans l’amour-propre soient bons et louables contre qui que ce soit. Mais vous avait-on accusé de cela, lui peut-on répondre ? De quoi vous sert une justification de cette nature qui ne se rapporte point à la Dénonciation ? Je passe plus avant, et je soutiens que sa distinction lui coupe la gorge ; elle prouve qu’il a prêché que, pourvu que les sentimens de haine ne soient point fondés sur l’amour-propre, ils sont bons et louables contre les ennemis de Dieu, et ne doivent point être appelés passion humaine : il a donc prêché que ses auditeurs pouvaient haïr légitimement les papistes, pourvu que leur haine ne fût pas fondée sur quelque injure reçue, mais sur la guerre que les papistes font aux vérités que Dieu nous a révélées. Or c’est là ce que le dénonciateur appelle une nouvelle hérésie dans la morale touchant la haine du prochain. Il n’a point fait consister cette nouvelle hérésie dans cette proposition, Il est bon et louable de haïr ses ennemis ; mais dans celle-ci, Il est permis et louable de haïr les ennemis de Dieu : et par conséquent le dénoncé en avoue autant qu’il en faut, et justifie, en dépit de ses chicanes, la bonne foi du dénonciateur.

Ce n’est pas mon affaire d’examiner si l’on a raison de qualifier d’hérésie le dogme qu’on a dénoncé ; je ne cherche que la vérité du fait, et je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’avertir personne que ce dogme est réellement une pernicieuse hérésie [51]. Il n’y a que ceux qui n’ont jamais rien compris dans le Nouveau Testament qui puissent douter là-dessus ; et si une fois il était louable de haïr la personne de son prochain pour l’amour de Dieu, il n’y aurait point de précepte de l’Écriture qu’il ne fût permis d’enfreindre pour l’amour de Dieu.

X. Je marque expressément haïr la personne de son prochain, parce que cela me donne occasion de faire connaître tout de nouveau la bonne foi du dénonciateur. M. Jurieu reconnaît qu’il a rejeté cette maxime, Il faut aimer la personne et haïr le vice, non pas comme mauvaise ou fausse, mais comme trop subtile, comme n’étant pas trop intelligible, et enfin comme ne pouvant être appliquée partout. « Car, par exemple, dit-il, elle ne peut pas être appliquée à ceux qui font souffrir le dernier supplice à un criminel. » Il n’eût pas été facile de rendre un meilleur témoignage que celui-là à la bonne foi du dénonciateur. Il a dit que l’une des objections que M. Jurieu a rejetées avec des airs les plus dédaigneux, est celle qui porte qu’il faut faire la guerre à l’erreur et au vice, et avoir néanmoins de la charité pour la personne du pécheur. M. Jurieu ne convient-il pas de ce fait, puisqu’il avoue qu’il a rejeté cette objection comme trop subtile, comme peu intelligible, comme non applicable aux juges qui punissent les criminels ? Dans le style de la dispute, ceux qui rejettent une distinction comme trop subtile et trop obscure, ceux qui la rejettent comme fausse et chimérique, ne différent que quant aux manières de s’exprimer. Les premiers se servent de termes honnêtes, et d’une espèce de compliment ; les autres ont un langage incivil ; mais au fond les uns et les autres forment la même pensée ; et il est certain que les distinctions des logiciens hibernois ou espagnols n’ont point de plus grands défauts d’être intelligibles, trop abstraites, et trop susceptibles d’exception. Ajoutez que si la distinction entre le crime et la personne du criminel n’a point lieu dans les tribunaux des juges, elle n’en saurait avoir ailleurs, va qu’il n’y a point de gens au monde qui soient autant obligés de renoncer à toute passion personnelle contre un criminel, que ceux qui le jugent. Je renvoie mon lecteur à M. Saurin[52], et me contente de dire que la réponse de M. Jurieu, sur les deux principaux dogmes qui avaient été dénoncés, forme contre lui un préjugé qui n’a guère moins de force qu’une bonne preuve.

Si l’on veut multiplier les préjugés contre lui, on n’a qu’à marquer les endroits de ses réflexions où il agit de mauvaise foi.

XI. C’est agir de mauvaise foi, et avec un esprit séditieux et persécuteur, que de dire que celui qui le dénonce est socinien et anabaptiste par rapport aux magistratures et à la guerre. Le dénonciateur s’était contenté de dire que les préceptes de Jésus-Christ et les maximes de la charité sont crues et enseignées par ces mêmes hérétiques qui combattent la trinité, l’incarnation et la prédestination. Cela signifie-t-il que l’on approuve ce qu’ils enseignent sur la guerre et sur les magistratures ?

XII. C’est agir de mauvaise foi que de dire qu’il fut obligé de prononcer les deux sermons, afin de réfuter entre autres maximes celle-ci, que la charité ne permet pas que l’on chagrine personne sous prétexte de piété et de religion, et que l’on ne doit pas inquiéter les hérétiques en qualité d’ennemis de Dieu. Il prononça ces deux sermons afin de réfuter ce que l’un de ses collègues avait prêché depuis peu. Or il est bien certain que ce collègue n’a jamais ni dit ni cru qu’il ne fallait point chagriner ou inquiéter les hérétiques. Il est fort persuadé qu’il faut écrire contre eux, démonter leurs chicaneries, les pousser vivement sur leurs sophismes, et faire paraître leur système aussi faux et aussi absurde qu’il l’est ; toutes choses qui ne peuvent que chagriner et qu’inquiéter les hérétiques.

XIII. C’est agir de mauvaise foi que d’appeler preuve de commerce avec la cour de France, ce qui s’est passé au sujet de certaines lettres que M. Jurieu avait écrites à M. de Montausier. Les ennemis de M. Jurieu ont eu la copie de ces lettres et de celles que M. de Montausier lui répondit, et s’en sont servis pour le chagriner, ou pour le démasquer, comme ils parlent[53]. Ils en ont donné quelques extraits au public, qui témoignent qu’il faisait des complimens au roi de France tout-à-fait flatteurs et diamétralement contraires au langage qu’il tenait ici, et en conversation, et en chaire, et dans ses livres. Le dénonciateur toucha ce fait en passant. Cela mit fort en colère M. Jurieu : il soutint que ces messieurs, en produisant ces extraits avaient une preuve à laquelle il n’y a pas de réplique, qu’ils ont entretenu un commerce peu honnête avec les ennemis de l’état [54]. Il soutint que la cour de France leur renvoyait ces lettres, et qu’en cela elle témoignait la confiance qu’elle avait en eux. En un mot, il soutint que la preuve est telle, qu’en tout autre gouvernement que celui-ci on aurait placé ces messieurs en lieu d’où ils ne seraient jamais sortis. Il n’y a point d’homme raisonnable qui, se puisse persuader que M. Jurieu soit ici dans la bonne foi. Les passions aveuglent, j’en conviens, et l’esprit se bouche aisément en faveur d’un grand désir de vengeance : mais toutes choses ont leurs bornes, et il ne paraît pas possible de se tromper en certain cas. M. Jurieu se souvient très-bien qu’il s’étendit fort dans ces lettres sur les fanatiques du Dauphiné, et qu’il lui échappa des soumissions pour le roi de France, qui le mettaient en prise avec lui-même. Voilà deux endroits qui furent cause que les savans et les beaux esprits qui faisaient leur cour à M. de Montausier connurent ces lettres. M. de Montausier leur fit part, et de ce qu’on lui avait écrit, et de ce qu’il avait répondu ; il laissa tirer des copies de toutes ces lettres : les ennemis de M. Jurieu en France furent ravis d’avoir une preuve et de son hypocrisie, et des négociations où il entrait pour soutenir des fripons qui faisaient les petits prophètes. Ils envoyèrent une de ces copies à un marchand de Hollande qui la fit voir à ses amis, et entre autres à M. de Beauval et à M. Bayle. La chose ne fut point inconnue à M. Jurieu. Ils étaient alors ses grands amis, et ils furent les premiers à lui apprendre que l’on avait vu cette copie. Leur commerce n’en fut pas plus froid pour cela, et ne fut rompu qu’au commencement de 1691, à l’occasion de la chimérique cabale de Genève. M. Jurieu a donc été persuadé pendant plus d’un an que la réception de cette copie n’était pas une preuve de commerce avec la cour de France. Il a cru que certains savans de Paris qui n’avaient pas sujet de le ménager, un M. de Meaux, un M. Pellisson, un M. Nicolle, ayant su de M. de Montausier la teneur des lettres, s’en étaient bien divertis, et avaient consenti de bon cœur que les copies se multipliassent et fussent communiquées aux étrangers. Comment se persuader après cela que l’unique voie de recevoir la copie de ces lettres est d’entretenir un commerce peu honnête avec la cour de France ? N’est-il pas visible que le seul commerce que nos gazetiers entretiennent à Paris suffit à procurer cette copie ? N’est-ce donc point contre sa conscience, et au hasard manifeste de se rendre ridicule, que l’on a osé publier que la réception de cette copie prouvait sans réplique un commerce. si criminel avec la cour de France, qu’en tout autre pays que celui-ci on aurait condamné à une prison perpétuelle, pour le moins, ceux à qui cette copie avait été envoyée [55] ?

XIV. C’est agir de mauvaise foi que de réduire, comme fait M. Jurieu, à ne dire pas des injures, et à faire quelques soumissions générales, ce qu’il a écrit à M. Montausier touchant Louis XIV [56].

XV. C’est agir de mauvaise foi que de supprimer tous les côtés par où les lettres avaient paru dignes d’être copiées et communiquées aux étrangers. Il n’en parle qu’en tant qu’elles proposaient l’échange d’un ministre prisonnier, et d’un homme qui avait offert ses services pour assassiner le roi de France. S’il en avait parlé en tant qu’elles contenaient plusieurs réflexions concernant les petits prophètes, il n’aurait pas osé dire que c’était une affaire d’état. Il y a donc ici un artifice très-malin et très-frauduleux.

Voilà de grandes avances pour découvrir l’imposture. Elle est ou dans le dénonciateur ou dans le ministre dénoncé, et tout parle en faveur de celui-là contre celui-ci.

XVI. Voici de nouveaux préjugés. Les plus grands amis de M. Jurieu n’oseraient nier qu’il ne soit bilieux et emporté, et très-dangereux ennemi. Tous ceux qui le connaissent savent que quand il a des querelles, et il n’est jamais sans cela, il remue le ciel et la terre pour terrasser ses ennemis. Cependant il veut passer pour dévot, et pour un grand zélateur. Le moyen d’accorder ces choses est d’enseigner que l’Évangile ne nous défend point la haine des ennemis de la vérité, et qu’il nous permet de leur déclarer la guerre à outrance, pourvu que nous le fassions par le zèle de la maison de Dieu. Il est donc très-probable qu’il a prêché l’hérésie dénoncée ; car il a pu trouver l’apologie de sa conduite, et un moyen assuré de persuader aux peuples qu’il ne quitte point la route de l’Évangile, en se conduisant comme il fait contre les persécuteurs, et contre ses ennemis. Son tempérament, ses passions et ses actions ont un intérêt capital que la nouvelle hérésie qui a été dénoncée soit véritable. Ne demandez point le cui bono ; il est trop visible qu’il retirerait un grand avantage de ce faux dogme. Il est donc très-vraisembable qu’il l’a prêché[57]. Les inclinations et les actions ont entre elles un rapport mutuel. Les inclinations produisent les actions ; et les actions portent la teinture et le caractère des inclinations….. Comme les théologiens hardis, et qui se croient autorisés, ne font pas de scrupule de faire passer en dogmes et en articles de foi leurs passions et leur conduite, et de réduire leurs dogmes en pratique, on a sujet de craindre que l’on ne voie le cœur de M. Jurieu dans son sentiment sur la haine du prochain, aussi bien que dans ses maximes sur les droits des chrétiens dans la guerre. C’est de ce préambule qu’un savant ministre[58] s’est servi en attaquant M. Jurieu sur l’affaire de la Dénonciation.

XVII. Je tire un nouveau préjugé de ce que M. Jurieu ne nie point qu’il ne donne un sens de figure au précepte de Jésus-Christ, Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, etc. Tant s’en faut qu’il s’en défende, qu’il accuse de socinianisme et d’anabaptisme son dénonciateur, pour avoir trouvé mauvais que l’on ait prêché que les sermons de Jésus-Christ sur la montagne sont une parole dure qu’il faut adoucir en ne les prenant pas à la lettre. M. Jurieu n’ayant point dit que le précepte de bénir ceux qui nous maudissent, et d’aimer nos ennemis, est de ceux de faut interpréter à la lettre, il s’ensuit manifestement qu’il le regarde comme une parole dure qui doit être prise au sens figuré, et par conséquent il est très-probable qu’il a prêché ce qu’on lui impute.

VIII. Le préjugé dont je vais parler est beaucoup plus fort : je le tire des rumeurs et de l’émotion de son auditoire[59]. Je suis témoin que plusieurs personnes ont été choquées des deux sermons ; mais je ne prétends point que mon témoignage soit compté. Citons donc d’autres témoins. Ce que l’on peut dire de plus favorable de ces deux sermons, c’est que toutes les bonnes âmes qui les entendirent en furent scandalisées et pénétrées de douleur, et que les amis de M. Jurieu en furent mortifiés. C’est ce que M. Saurin, témoin de grand poids et de grande autorité, affirme dans un livre qui porte son nom[60]. Un autre auteur passe plus avant, il assure que quelques-uns des auditeurs, choqués et révoltés contre M. Jurieu, ont renoncé à l’entendre à l’avenir [61]. C’est une preuve manifeste que M. Jurieu avait prêché la pernicieuse morale qu’on lui impute ; car s’il avait prêché les huit maximes qu’il dit qu’on verra dans les sermons [62], il n’aurait rien dit de particulier, il se serait tenu dans la route de tous les autres ministres, et même dans les principes rigides touchant l’amour du prochain.

XIX. Nous ne finissons pas encore : voici une considération de grand poids. Le dénonciateur est inconnu : il est possible qu’il soit sincère, il est possible qu’il ne le soit pas ; on n’en saurait juger par ses actions précédentes, puisqu’on ne sait pas qui il est. Mais pour le dénoncé, il est connu de tout le monde, et ses meilleurs amis n’oseraient nier qu’il n’ait souvent avancé des choses qui se sont trouvées fausses. Qu’on lise ce qui s’est écrit pour et contre au sujet de la Cabale de Genève et de l’Avis aux Réfugiés, on trouvera de longues listes de faussetés que son adversaire lui a données à prouver, et qui n’ont jamais été prouvées [63] : on en trouvera, dis-je, de longues listes qui étonneront, soit qu’on considère la qualité de ces faussetés, soit qu’on considère la hardiesse qu’il faut avoir eue pour les soutenir publiquement. On verra qu’il a été convaincu d’avoir altéré et falsifié ce que son libraire lui rapportait touchant l’impression d’un Projet de Paix ; de l’avoir, dis-je, falsifié dans des chefs capitaux et essentiels [64]. M. de Beauval long-temps après l’a convaincu d’imposture et calomnie si fortement, qu’on n’a pu opposer à ses convictions qu’une défense des magistrats contre le débit du livre. Cela ne guérit de rien ; car lorsque les magistrats défendent un livre, ils ne garantissent point qu’il contienne des faits faux. M. Jurieu ne prétend pas que lorsque les états de Hollande défendirent le débit de l’Esprit de M. Arnauld, ils décidèrent que les faits contenus dans cet ouvrage étaient des mensonges. Enfin, un ministre vénérable par son âge, par la gravité de ses mœurs, par sa piété, et par son savoir [65] ; un tel ministre, dis-je, qui a vu cent fois M. Jurieu dans les synodes, assure que la présence de M. Jurieu gâte ordinairement ses affaires, parce qu’il a des emportemens qu’il ne peut pas soutenir, et qu’il avance témérairement des choses de la fausseté desquelles il est convaincu sur-le-champ. Qui ne voit que puisqu’il faut nécessairement que le dénonciateur ou le dénoncé soit un imposteur, la raison et le bon sens veulent qu’on soupçonne plutôt celui-ci que celui-là [66].

XX. Quelqu’un me dira peut-être qu’on pourrait, dans une affaire de cette nature, préférer un inconnu, s’il ne s’agissait pas d’une fausseté dont tant de personnes vivantes ont été témoins. Afin de répondre à cette objection, je remarquerai deux choses : l’une est que M. Jurieu osa publier, en 1691, que les bourgmestres de Rotterdam s’étaient servis envers lui d’une distinction avantageuse, lorsqu’ils les mandèrent, lui et l’auteur de la Cabale chimérique, pour leur faire savoir leur intention. Cependant il était très-vrai que ces messieurs avaient tenu la balance égale entre les deux parties, et n’avaient exigé de l’une que ce qu’ils avaient exigé de l’autre [67]. Il y avait cinq bons témoins de cela, MM. les quatre bourgmestres et le pensionnaire de la ville. M. Jurieu ne laissa pas de faire imprimer sur-le-champ cette prétendue distinction, sans craindre le démenti que cinq personnes vénérables lui pouvaient donner. Il avait son échappatoire toute prête : c’est qu’il n’avait point mis son nom à ses factums ; et, outre cela, il savait bien qu’on n’en viendrait pas à des éclaircissemens juridiques. Ce qu’il a fait depuis est tout autrement hardi : il a dit [68] que ces messieurs ne se consoleront jamais du zèle que les vénérables magistrats de Rotterdam ont fait paraître contre leur ami, professeur en philosophie. Peu de jours après il s’aperçut que cela faisait contre lui ; car cela signifie visiblement que ce professeur n’a perdu sa charge que pour des dogmes de religion, et qu’ainsi les accusations de crime d’état, que M. Jurieu lui a intentées avec tout ce grand fracas qui a retenti par toute l’Europe, n’ont été comptées peur rien. Il n’y a pas loin de là jusqu’à être reconnu pour un calomniateur public, ou pour un délateur étourdi qui n’a nul discernement. Qu’a-t-il fait pour parer ce coup ? Il a changé de langage : il a soutenu que le livre des Comètes n’a point été la vraie cause de la disgrâce du professeur, et que c’est principalement à cause de l’Avis aux Réfugiés que la pension et la permission d’enseigner lui ont été ôtées, non pas sans avoir été entendu, mais après que les magistrats eurent employé un long temps à examiner toutes les pièces, réponses, répliques, etc. C’est une fausseté dont toute la ville de Rotterdam est convaincue, parce qu’il y a pas de bourgeois qui n’ait demandé à quelqu’un de messieurs les conseillers comment la chose s’était passée, et qui n’ait pu apprendre par ce moyen que, dès la première fois que l’on proposa dans le conseil si l’on révoquerait la permission qui avait été donnée l’an 1681 à ce professeur, d’enseigner en public et en particulier avec une pension de 500 francs, la pluralité des voix alla à l’affirmative. Ainsi dans la même séance l’affaire fut proposée et conclue : je ne sais pas si cela dura une bonne heure. Il n’y fut parlé, ni directement, ni indirectement, de l’Avis aux Réfugiés : quelques-uns des opinans alléguèrent seulement les Pensées sur les Comètes, et représentèrent le danger qu’il y avait à laisser enseigner à la jeunesse les opinions qui se trouvaient dans ce livre. Quelle hardiesse ne faut-il pas avoir pour soutenir publiquement au bout de deux ou trois mois, pendant que tous les membres du conseil sont pleins de vie, que ces messieurs se fondèrent principalement sur l’Avis aux Réfugiés ; et qu’ils avaient examiné à fond cette affaire depuis long-temps ? Cette hardiesse est d’autant plus surprenante, que plusieurs de ces messieurs ne savaient pas, en entrant dans le conseil, que l’on y proposerait une telle chose ; je veux dire si l’on révoquerait la pension et la permission d’enseigner. Jamais dans leur compagnie il n’avait été dit un mot sur ce sujet, jamais on n’avait exhorté les membres à examiner les pièces, jamais nommé des commissaires pour les examiner et pour en faire le rapport. Chacun sait que la plupart de ces messieurs n’entendent pas le français, et n’ont pu par conséquent examiner aucun factum sur l’accusation de l’Avis aux Réfugiés, ni le livre des Comètes. La témérité de M. Jurieu, son indiscrétion et son manque de respect pour le conseil de Rotterdam, dont il s’est ingéré mal à propos et sans aucune nécessité de justifier la conduite, pourraient être démontrées dans toute leur étendue, si on savait aussi peu que lui rendre à César ce qui appartient à César. Le conseil de cette ville n’a nul besoin de justifier ce qu’il a fait. Il est souverain absolu à l’égard des permissions d’enseigner ; et il peut ordonner comme bon lui semble que tout philosophe qui voudra obtenir pension, et permission d’enseigner, suive tel ou tel système ; de sorte que l’auteur des Comètes a pu être exclu de son bénéfice par cela seulement qu’il n’était point voétien, tout de même qu’en d’autres pays on a interdit les chaires aux ramistes, aux cartésiens, etc. Concluons qu’un homme qui est capable de soutenir que les magistrats de la ville ont fait une chose qu’ils n’ont point faite ; de le soutenir, dis-je lorsque ces magistrats sont encore pleins de vie, et ont les idées toutes fraîches, est bien capable de soutenir qu’il n’a point prêché une certaine doctrine, quoiqu’il soit certain qu’il l’a prêchée.

XXI. Il me reste une observation à faire qui ne paraît considérable. Il est aisé de concevoir, pourront dire nos descendans, qu’un homme qui ne se nomme point publie des feuilles volantes pour accuser, contre toute sorte de raison, un fameux ministre d’avoir prêché des hérésies ; mais il paraît incroyable que ce ministre ose nier qu’il ait prêché ce qu’il a effectivement prêché. Deux mille auditeurs, si vous voulez, détesteront la hardiesse du faux dénonciateur ; mais quel mal lui feront-ils ? ils ne savent qui il est, ni où le prendre ; il est assuré de ne recevoir jamais la confusion qu’il mérite. Le ministre ne se peut point flatter de cette espérance. Deux mille auditeurs indignés de sa hardiesse, ou plutôt de son effronterie. le pourront mortifier partout où il paraîtra. Il ne faut que le sens commun pour prévoir que cette peine est inévitable. Il n’est donc point apparent qu’un ministre s’y expose : puis donc que M. Jurieu, peu de jours après ses sermons, a publié un écrit où il nie qu’il ait prêché l’hérésie dénoncée, il est plus digne de foi que ne l’est le dénonciateur.

Cette objection est plausible, et peut frapper dès aujourd’hui les étrangers ; mais eux et nos descendans éviteront sans beaucoup de peine toute surprise, s’ils considèrent les deux choses que je m’en vais proposer.

La première est que cette objection prouve trop ; car si elle était bonne, M. Jurieu n’aurait pas dit publiquement les choses dont j’ai parlé ci-dessus, et n’oserait pas avancer dans les synodes plusieurs faussetés dont on le convainc sur-le-champ, comme M. Saurin, témoin oculaire, le lui a reproché à la face du public [69]. Cinquante ministres et autant d’anciens plus ou moins, dont on est environné entre quatre murailles durant les séances d’un synode, sont plus à craindre qu’une multitude de peuple répandue dans une grande ville ; ils sont, dis-je, plus à craindre pour un ministre qui ose nier une vérité connue.

En second lieu, la plus nombreuse partie des auditeurs n’est pas capable de certifier si un ministre a prêché les propositions qu’on dénonce, ou celles qu’il reconnaît avoir prêchées. Ils n’ont pas assez d’attention, ou assez de pénétration, ou assez bonne mémoire, pour pouvoir répondre qu’il y a eu des restrictions, qu’il n’y a point eu telles ou telles modifications dans la doctrine prêchée. Ainsi un ministre se peut tenir en repos à l’égard de la plus grande partie de son auditoire ; il peut s’assurer qu’il niera impunément qui ait prêché ce qu’il a prêché ; il peut le déguiser comme bon lui semblera, sans craindre les suites. Pour ce qui est des auditeurs intelligens, ils seraient à craindre ; mais M. Jurieu est sur un pied à ne les point redouter.

Il a prévu de loin ce qui lui est arrivé ; je veux dire qu’il se ferait beaucoup d’ennemis : c’est pourquoi il a eu l’adresse de se fortifier plus soigneusement qu’on ne fortifie les villes frontières les plus exposées. Il a témoigné un zèle plein de fureur pour la ruine du papisme, et pour celle de la France [70]. Il a insulté et brusqué tous les sectaires de Hollande, tant sur le pied d’hérétiques que sur le pied de républicains, afin de se faire un mérite de leur être devenu odieux. Il a fait une grande parade de son crédit : et ayant persuadé à ses émissaires que ce n’est pas un crédit de médiation, mais un crédit primitif et de la première main, ceux-ci ont répandu cette nouvelle de maison en maison ; de sorte que ceux qui composent l’auditoire de M. Jurieu sont persuadés qu’il peut faire beaucoup de bien à ceux qui lui sont dévoués, et beaucoup de mal à ceux qui lui sont contraires [71]. Je suis persuadé que par une gasconnade fine et adroite il a agrandi l’idée de son pouvoir ; mais il est certain qu’il a de puissans patrons, qui par maxime d’état le tireront des plus mauvaises affaires où il se saurait engager. De là vient qu’il n’y a presque personne qui n’évite soigneusement d’encourir son indignation. Il le sait bien, et c’est pourquoi il ne s’est guère mis en peine si deux ou trois cents particuliers étaient convaincus qu’il niait la vérité en démentant le dénonciateur. Il était très-assuré que personne ne se porterait pour témoin contre lui : il sait que les fidèles sont persuadés qu’il faut cacher les fautes de ses pasteurs comme Sem et Japhet couvrirent la nudité de leur père. Il a tant de fois dit et répété que l’on ne peut le flétrir sans faire tort à l’église, qu’il l’a persuadé à un très-grand nombre de gens. Il a représenté tant de fois, d’une manière si pathétique, qu’il avait usé ses forces au service de la cause, et qu’il ne faisait plus que traîner une vie languissante pour avoir sacrifié au bien de l’église ses veilles et ses travaux, que la plupart de ses confrères sont persuadés qu’ils feraient un acte de cruauté s’ils donnaient la moindre atteinte à son honneur, et ils ne veulent point se reprocher d’avoir fait descendre ses cheveux blancs avec douleur au sépulcre. Voilà l’une des raisons de ce que ses adversaires appellent tolérance excessive des synodes. Or depuis son Avis important au Public, et sa merveilleuse Dénonciation de la Cabale de Genève, on appréhende de s’y voir incorporé pour peu que l’on parle ou que l’on agisse selon le goût des prétendus cabalistes, il semble qu’on s’imagine qu’il tient banque ouverte pour cette espèce de négoce. Cela me fait souvenir d’une chose que je devais mettre en tête de tous les moyens dont il s’est servi pour affermir son autorité. Il s’est rendu délateur de deux grandes conspirations qu’il a prétendu avoir découvertes parmi les réfugiés. L’une est une cabale d’état et de religion tout ensemble, l’autre est simplement une cabale de religion. La première est répandue du midi au nord, et a son centre à Genève, et pour but de rendre le roi de France maître de toute l’Europe, afin qu’il y extermine les protestans ; l’autre est composée d’un grand nombre de ministres sortis de France, infectés des hérésies de Pélage et de Socin, et résolus de les semer le plus qu’ils pourront, depuis qu’ils ne sont plus retenus par la crainte qui les obligeait, en France, à cacher leurs sentimens. Il s’est trouvé que ces deux conspirations étaient aussi chimériques l’une que l’autre ; et néanmoins le délateur en a tiré un très-grand profit. Il s’est fait considérer par-là comme le rempart de l’orthodoxie, et peu s’en faut que les bonnes gens ne lui aient donné le titre de maréchal de la foi : j’entends maréchal, ou prevôt du moins de robe longue. Plusieurs confrères ont attribué à un excès de zèle ses plus grandes fautes, et ne les ont regardées que comme des irrégularités que l’on pouvait en bonne conscience protéger ou excuser, pour ne pas priver l’église d’un défenseur si nécessaire. Plusieurs autres n’ont osé se déclarer contre lui, de peur de passer pour membres de l’une ou de l’autre de ces deux cabales imaginaires. L’un a craint pour sa pension, l’autre de n’être jamais avancé. Après tout, si l’on s’étonne que les ministres en corps n’aient pas voulu toucher à l’affaire de la Dénonciation, on ne doit pas trouver étrange qu’aucun en particulier n’ait donné son attestation dans cette cause. L’autorité légitime n’a exigé cela de personne ; et d’ailleurs le fait dont il eût fallu rendre témoignage était scandaleux, et paraissait suffisamment réparé par le désaveu public de l’accusé. C’est beaucoup de voir un tel homme n’oser soutenir ce qu’il a prêché. C’est une rétractation tacite dont on a cru qu’on se devait contenter. Et il savait bien que l’on s’en contenterait...

Où sera l’homme qui, après avoir réfléchi sur toutes ces choses, trouve étrange qu’il ait osé démentir le dénonciateur.

Voilà les armes que j’ai cru devoir fournir à nos descendans contre les pyrrhoniens à venir. Un pyrrhonien, ravi de jeter tous les faits dans l’incertitude, aurait pu dire d’ici à trente ans : On ne saurait avérer si un ministre fameux a prêché ou non un tel jour une hérésie : quel moyen donc d’avérer ce qui se passe dans les cabinets ? On lui pourra répondre en vertu de mes éclaircissemens, qu’il est très-facile d’avérer que le ministre a prêché les dogmes dont le dénonciateur le charge. Si pendant que les choses étaient nouvelles quelqu’un avait pris la peine de les éclaircir comme j’ai fait celle-ci, nous ne serions pas obligés d’adopter en tant de rencontres le pyrrhonisme historique. L’argument négatif n’y serait pas redoutable. J’appelle argument négatif le silence des auteurs contemporains par rapport à des accidens remarquables, soit que personne n’en ait rien dit, soit que personne n’ait contredit celui qui en a parlé. Nous sommes dans ce dernier cas. M. Jurieu nie, et tout le monde le laisse nier ; le dénonciateur même le souffre. On pourrait donc, dans les siècles à venir, employer pour lui la force de l’argument négatif, si l’on ne connaissait pas la teneur de ma digression.

Rien n’empêche qu’on n’étende jusqu’aux étrangers ce que j’ai tâché de faire en faveur de nos descendans ; car pour ceux qui vivent aujourd’hui dans la Hollande, ils n’ont pas besoin de cette instruction. Ils ne doutent point que M. Jurieu n’ait prêché la haine de son prochain au sens qu’on l’a dénoncée. La suppression des sermons parle clairement là-dessus ; et ceux d’entre les auditeurs qui peuvent parler sans craindre les suites disent assez franchement la vérité quand l’occasion s’en présente. Il est vrai que ce ne sont que des discours de conversation, et non pas des certificats publics. On disait un jour en présence d’un magistrat qui avait ouï les sermons, que M. Jurieu niait toute la Dénonciation. Quoi, dit le magistrat, il nie qu’il ait prêché qu’on satisfait un précepte, pourvu qu’on souhaite les biens spirituels aux persécuteurs ? « Oui, lui dit-on ; c’est un des points qu’il désavoue le plus hautement. » Le magistrat haussa les épaules, et protesta qu’il se souvenait distinctement d’avoir ouï ce nouveau dogme. J’étais présent à cette conversation.

  1. * Leclerc et Joly observent que Zuérius a changé de bien en mal, et reprochent à Bayle de n’avoir point de connaissance dans l’histoire de l’imprimerie. La fable de Harlem est tout-à-fait rejetée aujourd’hui, et c’est à Mayence qu’on attribue le berceau de l’imprimerie ; c’est du moins dans cette ville qu’a été imprimé le livre le plus ancien découvert jusqu’à ce jour.
  2. * Joly dit ne connaître aucun auteur qui renvoie à ce livre ; mais il rapporte ce qu’en dit Colomiés, à qui le père Jecob le fit voir. Joly dit, au reste, que le manuscrit n’était pas perdu de son temps ; l’abbé Bonardy l’avait lu imparfait aux carmes de la place Maubert, à Paris ; et les carmes des Billettes, dans la même ville, avaient promis de le lui montrer entier.
  3. * Joly blâme fortement cette longue sortie contre Jurieu ; il ne parle pas de l’acharnement de Jurieu contre Bayle, qui doit pourtant être mis dans la balance.
  1. Tiré des Anti de M. Baillet, tome I, pages 158, 159.
  2. Jacobus Baselius, in Vitâ Marci Zuerii Boxhornii.
  3. Voyez M. Baillet, Anti, tom. I, pag. 158 et suiv.
  4. Page 153.
  5. En quatre volumes in-12. Moréri se trompe quand il dit que cet ouvrage, le Panégyrique de Pline, Justin, et quelques poëtes satyriques, furent publiés par Boxhornius, l’an 1631 ; Valère André fait la même faute à l’égard de l’Histoire Auguste.
  6. Omniun applausu lectos fuisse non semel audivi Jacob. Baselius, in ejus Vitâ.
  7. Suetonius tanto omnium favore exceptus est, ut clarissimi hujus acad. profess., ad linguæ græcæ professionem quæ jam vacat aspirare me voluerint. Boxhornius, in Epist., page m. 15 edit. Francof. Sa lettre est datée du 29 septembre 1631.
  8. C’est Valère André qui fait cela. Hankius, de Romanar. Rer. Script., page 295, copie presque toutes ses fautes.
  9. In Apologiâ pro Commentario ad Agricolam Taciti adversùs Dialogistam.
  10. Voyez l’article Thomæus, tome XIV, page 131, citation (6).
  11. Ab Axelio Oxenstiernâ regni cancellario Fæderis Germanici directore, ad fæderatos Belgas legato extraordinario Reginæ et eorundem procerum nomine ad amplissimas dignitates in Zueciam evocatus fuit, Baselius, in Vitâ Boxhorniï.
  12. Valère André, Biblioth. Belg., page 641. Basélius ajoute : Quare eas recusavit, et apud suos mediocri in conditione esse maluit, quàm apud exteros alto in fastigio collocari.
  13. In Theatro Pauli Freheri, pag. 1180.
  14. Boxhorn., in Epistol., pag. 219, 226.
  15. Là même, page 308.
  16. Boxhorn., Epistol., pag. 167.
  17. Il écrivit sur cette déesse deux Traités en langue flamande ; l’un fut imprimé l’an 1647, l’autre l’an 1648.
  18. Le titre de ce livre est Originum Gallicarum liber, in quo veteris et nobilissimæ Gallorum Gentis Origines, Antiquitates, Mores, et Linguæ aliaque eruuntur aut illustrantur. Cui accedit antiquæ Linguæ Britannicæ Lexicon Britannico-Latinum, insertis explicatisque passim Adagiis Britannicis. Prodiit Amst. apud J. Janss. 1654, 4.
  19. Epist. Boxhornius, page 291.
  20. Ibidem, pag. 315.
  21. Sub prælo jam est opusculum Originum Gallicarum. Ibidem, pag. 315.
  22. Ibidem, pag. 289.
  23. Ibidem.
  24. Ibidem, pag. 314.
  25. Similiter planè ad nostrum institutum deditaque opera id argumentum egregiè tractavit Marcus Zuerus Boxhornius edita Bibliothecâ Eruditione ac Scriptis illustrium Fæminarum. Voglerus, Introduct. univers., in Notitiam Scriptorum, cap. XXVII, page m. 113.
  26. Il publia ce livre de Voglérus avec des notes et des additions, l’an 1691.
  27. Epistol., pag. 137.
  28. Ibidem, pag. 120.
  29. Sorbière, lettre LXIII, page 438.
  30. Baselius, in ejus Vitâ.
  31. Sous le titre de Nouvelle Hérésie dans la morale, touchant la haine du prochain, prêchée par M. Jurieu, etc.
  32. Notez que le mal que font les soldats aux ennemis en les blessant ou tuant, et le mal qu’un autre particulier leur ferait en leur faisant prendre quelque breuvage qui donnât la fièvre, etc., sont des choses différentes. On ne met point ici en question la première, on la suppose sans difficulté.
  33. Voyez les Entretiens sur la Cabales chimérique, pages 87 et suiv.
  34. Il met entre les propositions dénoncées plusieurs conséquences que le dénonciateur a dit qu’on pouvait tirer des hérésies dénoncées ; mais il n’a pas dit que le ministre eût prêché ces conséquences. C’est donc une indigne supercherie que de se plaindre qu’on l’accuse d’avoir prêché ces conséquences.
  35. Intitulé Examen de la Théologie de M. Jurieu, pages 807 et suiv.
  36. Invisi Boxhornium juvenem annorum triginta... doctum sanè, et multis, ne ninmiis dicam, libris notum. Sorbériana, page 44, édition de Hollande.
  37. Sorbérianâ, pag. 44.
  38. Epist. XXI Reinesii ad Hoffmanuum et Rupertum, pag. 64, 65
  39. Ibidem, epistolâ XXVI, pag. 99.
  40. Ibidem, pag. 111.
  41. Remarquez que ceci ne veut pas dire qu’il ait prêché formellement cette permission, et dans le détail ; on ne lui objecte que comme une suite de sa doctrine, comme on le verra ci-dessous.
  42. Il devait s’assembler bientôt dans la ville de Tergou.
  43. Voyez les Réflexions que M. de Beauval a faites là-dessus dans ses Considérations sur deux Sermons de M. Jurieu, page 2.
  44. Cette Apologie laisse l’écrit de M. de Beauval dans toute sa force, comme il le montra, dans sa réplique, d’une manière si terrassante que M. Jurieu, incapable de se tirer de cet embarras, a imité les missionnaires de France, qui se trouvaient trop pressés par un livre de controverse : ils recouraient aux juges pour obtenir que le livre fût supprimé.
  45. Ces messieurs sont bien incorrigibles : le synode de Leyden déchira leur libelle, et après qu’ils eurent ressuscité leurs objections sous une plus grande autorité, le synode de Bréda fit si peu de cas de tout ce fatras d’accusations, qu’il n’en releva que quatre, dont il prit soin de justifier M. J., et laissa tout le reste à quartier dans les balayures ; quoique son absence donnât à ses parties une pleine liberté dont ils surent bien se prévaloir.
  46. Dénonciation de la Nouvelle Hérésie, à la fin.
  47. Voyez la préface du livre qui a pour titre : Examen de la Théologie de M. Jurieu.
  48. L’auteur du libelle entasse tant de faussetés, qu’on croyait pas qu’il y eût un théologien capable d’imposer à son prochain d’une manière si destituée de pudeur. Réflexions sur la Dénonciation, page 1.
  49. L’an 1694 ce consistoire était extrêmement favorable à ce ministre.
  50. Voyez comment M. Saurin a réfuté toutes ces raisons, dans son Examen de la Théologie de M. Jurieu, tome II, page 812.
  51. Voyez le livre de M. Saurin, intitulé, Examen de la Théologie de M. Jurieu, tome II, pag. 107 et suivantes, où il réfute les Réflexions de M. Jurieu sur la Dénonciation, et lui montre que sa morale sur la haine du prochain est pire que les plus relâchées maximes des jésuites.
  52. Examen de la Théologie de M. Jurieu, tome II, pag. 807 et suiv.
  53. Voyez la Cabale chimérique, pag. 51 et 52, de la nouvelle édition, et la Lettre de M. de Beauval, sur les différens de M. Jurieu et de M. Bayle, pag. 35, 36.
  54. Réflexions sur La Dénonciation, pag. 4.
  55. Voyez M. de Beauval, dans ses Considérations sur deux Sermons de M. Jurieu, pag. 42 et suivantes, où il fait l’histoire de ces lettres, et réfute solidement toutes les chicanes de l’accusateur.
  56. Voyez M. de Beauval, là même, pag. 45.
  57. Voyez les Considérations de M. Beauval, pag. 4, et suiv.
  58. Saurin, Examen de la Théologie de M. Jurieu, tome II, pag. 807, 808.
  59. M. de Beauval, Considérations sur deux Sermons, pag. 3.
  60. Examen de la Théologie de M. Jurieu, page 808.
  61. M. de Beauval, Considérations, page 4.
  62. Réflexions sur la Dénonciation, page 3.
  63. Voyez la préface de la Chimère de la Cabale de Rotterdam démontrée, pag. 197.
  64. Voyez la Cabale chimér., page 58 de la première édition, et pag. 62 de la deuxième ; et la Chimère démontrée, pag. 65.
  65. M. Saurin. Voyez la préface de son Examen de la Théologie de M. Jurieu.
  66. Semel malus (et à plus forte raison sæpè malus) semper præsumitur in eodem genere mali, disent les jurisconsultes.
  67. Voyez la Chimère démontrée, pag. 215, et à la préface, page 64.
  68. Réflexions sur la Dénonciation, page 5.
  69. Dans la préface de son Examen de la théologie de M. Jurieu, pag. xxxx, 4. Voyez ci-dessus la fin du numéro XIX.
  70. On ne donne ici qu’une partie des moyens par lesquels il s’est rendu formidable. On ne sait pas les autres, ou on ne les sait que par ouï-dire ; et quand on les saurait, il ne serait peut-être pas de la prudence de les publier. On n’est pas écrivain d’anecdotes.
  71. Il y a des exemples de l’un et de l’autre ; et cela persuade plus que ne font les vanteries. On sait qu’il a eu l’adresse de devenir une espèce d’aumônier, je veux dire le distributeur de plusieurs sommes que d’autres destinent à des usages pieux. C’est un grand leurre pour se faire des créatures.

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