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MILTON.

prétendu qu’il n’avait pas écrit l’Apologie du peuple d’Angleterre, et qu’il n’avait fait que prêter son nom à l’ouvrage d’un maître d’école français qui enseignait alors les enfans à Londres [1].

Les deux poëmes de Milton

  1. Quoique notre auteur eût sous les yeux le Dictionnaire de M. Bayle, où il y a un très-bon article de Milton, il n’a pas laissé de lui attribuer des sentimens dont il était infiniment éloigné. Au lieu de les rapporter tels qu’ils étaient en eux-mêmes, il en a jugé selon ses préjugés, et les à ensuite qualifiés selon le jugement qu’il en portait. Ce n’est pas faire la fonction d’historien, mais de controversiste ou de déclamateur. Il y ajoute même de son chef des circonstances absolument fausses. Venons au fait. M. Bayle, parlant de la religion de Milton, dit après son historien, que la secte qui lui plaisait davantage dans sa jeunesse était celle des puritains ; mais, ajoute-t-il, dans son âge viril celle des indépendans et celle des anabaptistes lui devinrent plus agréables, parce qu’elles accordent plus de liberté que les autres à chaque particulier, et qu’il lui semblait que leur pratique s’accordait mieux avec celle des premiers chrétiens. Enfin, quand il fut vieux, il se détacha de toute sorte de communions, et ne fréquenta aucune assemblée chrétienne, et n’observa dans sa maison le rituel d’aucune secte. Quant au reste, il faisait paraître et par ses actions et par ses paroles un profond respect pour Dieu. Ces particularités ont changé de forme et de nature en passant par les mains de notre auteur. Milton, dit-il, était un homme sans religion ; il en professa plusieurs à la vérité, mais il ne faisait que voltiger sur la surface de chacune ; il fut d’abord de la religion anglicane ; trouvant ensuite la secte des puritains..…. plus à son gré, il l’embrassa. La même légèreté qui lui avait fait abandonner la religion anglicane lui fit aussi abandonner la secte des puritains pour suivre celle des anabaptistes. On crut alors Milton tout-à-fait fixé, mais on se trompa : la déclaration qu’il fit à la mort, qu’il n’était attaché à aucune religion, le découvrit enfin pour ce qu’il était, c’est-à-dire, pour un impie déterminé. Rien n’est plus faux que l’idée qu’on donne ici de Milton, comme d’un homme sans religion, d’un impie déterminé. Les ouvrages qu’il a publiés réfutent évidemment cette calomnie. La déclaration qu’on lui fait faire à sa mort, qu’il n’était attaché à aucune religion, est encore une insigne fausseté. Comment notre auteur a-t-il eu le front d’avancer une chose sur laquelle toute l’Angleterre peut lui donner le démenti ?

    Il ajoute que Milton était un très-mauvais poëte, et encore plus mauvais orateur ; que ses poésies sont pitoyables, et que quelques auteurs ont prétendu qu’il n’avait pas écrit l’apologie du peuple d’Angleterre, et qu’il n’avait fait que prêter son nom à l’ouvrage d’un maître d’école français. Il a trouvé tout cela dans M. Bayle, qui l’a tiré de la Réponse de Saumaise à Milton ; mais M. Bayle a remarqué que c’étaient des contes dont quelques flatteurs berçaient Saumaise. C’étaient toutes fables, dit-il, que je suis bien aise de rapporter, afin de faire en sorte que les auteurs apprennent à n’ajouter point foi aux médisances dont on leur remplit la tête contre leurs antagonistes. On croit faire sa cour par-là à un homme, et l’on est cause qu’il publie cent sottises. Cette remarque n’a produit aucun effet sur l’esprit de notre critique : il n’a pas laissé de débiter gravement toutes ces sottises.

    Dans les dernières éditions du Moréri on a corrigé l’article de Milton sur le Dictionnaire de M. Bayle : mais il n’est pas encore exempt de fautes. J’en remarquerai ici quelques-unes. 1°. Ou nomme la première femme de Milton Marie Pouvel, il faut Marie Powel. 2°. On donne au livre attribué à Charles Ier., le titre d’Icon regia, il fallait dire Icon Basilikê. 3°. M. Bayle remarque qu’il se tint caché lorsqu’on rappela Charles II. Il ne se montra qu’après la proclamation de l’amnistie. Il obtint, ajoute M. Bayle, des lettres d’abolition, et ne fut soumis qu’à la seule peine d’être exclus des charges publiques. Dans le Moréri on a mis qu’il obtint du roi Charles II des lettres d’abolition, sans être soumis à autre peine qu’à l’exclusion des charges publiques. Mais ce n’était pas là l’affaire du roi, mais du parlement. Il est vrai que l’auteur de la Vie de Milton dit que dans l’acte d’amnistie, le parlement se contenta de l’exclure des charges publiques. Mais Milton n’est point nommé dans cet acte ; et cela suffisait pour le mettre couvert, sans qu’il eût besoin de lettres d’abolition : car, dans l’acte même, on déclara que tous ceux qui n’y étaient pas nommément exclus de l’amnistie, seraient censés y être compris, et exempts de toutes peines comme s’ils y étaient nommés en termes exprès. Jean Goodwin, fameux théologien, qui avait publié un livre exprès pour justifier la mort de Charles I, fut exclus des charges publiques. 4°. Les nouveaux éditeurs disent qu’on voit dans le livre de Milton De la vrais Religion, etc., qu’il n’exclut du salut que les catholiques romains. Il fallait dire, comme M. Bayle, qu’il n’exclut de la tolérance que les catholiques romains ; et ajouter la raison qui le portait à les en exclure. Milton, dit M. Bayle, montre que le papisme doit être entièrement privé du bénéfice de la tolérance, non pas en tant que c’est une religion, mais en