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SCIOPPIUS.

ira, quam furiis agitatus contra Christum ejusque ecclesiam exercet. Et qui sacramentariorum partes sequitur, is manifestus est, atque ejuratus hostis Dei, et fidei quam in baptismo Christo dedit oblitus [1].

C’est soutenir que l’opinion calvinienne sur l’eucharistie est l’égout de quantité d’hérésies, et le dernier effort de la colère de Satan, et qu’on ne peut y adhérer sans se rendre ennemi juré de Dieu, et sans oublier ce qu’on a promis dans son baptême à Jésus Christ. Or, soutenir cela, n’est-ce pas un mouvement de furieux ? J’en fais juge les ministres luthériens d’aujourd’hui. Ils sont beaucoup plus modérés que leurs ancêtres, et ils voient sans doute que la qualité des dogmes en quoi les deux communions protestantes diffèrent, n’est pas de l’espèce qu’on le croyait autrefois lorsque la guerre sacramentaire échauffait trop les esprits, et faisait couler de part et d’autres un déluge de diffamations. Cette furieuse tempête s’étant apaisée peu à peu, on a compris que le sujet de la dispute n’était pas si important. Combien y a-t-il d’expériences semblables [2] ? mais qu’elles sont peu utiles ! Il s’élève très-souvent des contestations parmi les théologiens : on s’y échauffe comme s’il s’agissait du capital de la religion, et l’on ne se souvient pas qu’on traite de bagatelle ce que les prédécesseurs avaient regardé comme une dispute de la dernière conséquence.

  1. Schutzius, praefat. in librum 50 Causarum, apud Braunium, in Tremonensium Catholicor. Defensione, pag. 29.
  2. Voyez les remarques (E) et (F) de l’article Amyrault, tom. I, pag. 513, et la remarque (D) de l’article Gomarus, tom. VII, pag. 112.

SCIOPPIUS [a] (Gaspar), l’un des plus fameux écrivains du XVIIe. siècle, était Allemand. Ses ennemis ont publié touchant sa famille beaucoup de choses honteuses (A). Il étudia à Amberg, puis à Heidelberg, ensuite à Altdorf, et cela aux dépens de l’électeur palatin. Après un séjour considérable à Ingolstad, il retourna à Altdorf, et publia des ouvrages de critique qui le remplirent de faste : il ne put voir sans orgueil sa grande jeunesse jointe à un mérite imprimé (B). L’une des productions prématurées de sa plume est, dit-on, un Commentaire sur les Priapées, qui lui attira bien des reproches, et surtout à cause qu’il y enviait la condition des moineaux [b]. Il fit un voyage en Italie, et après quelque séjour à Vérone, il s’en retourna en Allemagne, d’où il repassa en Italie, et publia à Ferrare un panégyrique du roi d’Espagne et de Clément VIII. Il tâcha de s’avancer à la cour de Rome, et se servit de plusieurs moyens industrieux : mais sa fortune ne laissa pas d’être médiocre, et il n’en fut guère content, au milieu des titres pompeux qu’il se donnait [c] (C). Avant son premier voyage d’Italie, il avait joué à Gifanius la pièce que j’ai rapportée ailleurs [d]. Il se fit catholique romain en l’an 1599. Je ne sais pas bien la raison qui l’irrita contre les jésuites, mais il est certain qu’il fut leur grand ennemi, et qu’il les déchira cruellement dans plusieurs libelles, sous divers masques de nom (D). D’autre côté il se déchaînait avec la dernière fureur contre le parti protestant, jusques à pousser les princes à l’extirper par les

  1. Son vrai nom était Schoppius ; mais pour s’accommoder à la prononciation italienne, il le changea en Scioppius
  2. Voyez la remarque (B).
  3. Tiré d’un livre intitulé : Vita et Parentes Gasp. Schoppii à Germano quodam contubernali ejus conscripta, imprimé à Leyde, avec Confutatio fabulæ Burdonum.
  4. Dans la remarque (F) de l’article Gifanius, tom. VII, pag. 79.