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SARA.

invaluerat, legem tamen illam quâ duo inter se mutuò obligantur convellere nunquàm ne ſuit in hominum arbitrio [1]. Il observe même que cette chute d’Abraham nous doit avertir combien nous devons être sur nos gardes contre les embûches de Satan, qui nous attaque non-seulement par personnes manifestement criminelles, mais aussi par de bonnes gens. Porrò cùm Sarai tam sancta mulier instar flabelli, ad eandem quâ ipsa fervebat impatientiam maritum sollicitet ; hinc discamus quàm sedulò nobis agendæ int excubiæ ne quâ occultâ ſraude nos circumveniat Satan. Neque enim improbos tantùm et sceleratos subornat qui ex professo fidem nostram oppugnent ; sed ut incautos opprimat, clàm interdùm ac furtim per bonos et simplices nos adoritur [2]. En troisième lieu, j’observe que la liberté que Calvin a prise de censurer fortement cette action de Sara et de son époux est incomparablement plus utile à la morale chrétienne que le soin qu’ont pris les pères de justifier Abraham et son épouse. Ils ont sacrifié les intérêts généraux de la morale à la réputation au particulier ; peu s’en faut que je n’applique à tous ceux qui sont animés de cet esprit ce bon mot de Cicéron : Urbem philosophiæ proditis dùm castella defenditis[3]. Enfin je remarque que Josèphe s’est avisé de supposer une chose dont l’Écriture ne dit pas un mot ; c’est que Dieu commanda à Sara de mettre Agar au lit d’Abraham[4]. Voilà juste le Deus ex machinâ des poëtes tragiques, et l’ancora sacra du proverbe. Plusieurs commentateurs de la Genèse allèguent là-dessus l’autorité de cet historien, et remarquent que saint Augustin a insinué la même chose. Idem insinuat sanctus Augustinus lib. X. contra Faust. c. XXXII.[5]. Il n’y a point de nœud gordien qu’on ne puisse rompre par-là.

  1. Calvin., in Genes. cap. XIII, vs. 1.
  2. Idem, ibidem, vs. 2. Voyez aussi ce qu’il dit un peu après.
  3. Voyez l’article François Ier., tom. VI, pag. 576, remarque (P).
  4. Σάῤῥα τοὺ θεοῦ κελεύσαντος ἐπικλκίνει μίαν τῶν θεραπενίδων. Sara Deo jubente in thalamum ejus adducit unam famularum. Joseph., lib. I Antiq., cap. XI, p. 17, C.
  5. Cornel à Lapide, in Genes., cap. XVI, vs. 2. Voyez aussi Mersennus, Observat. in Problem. Veneti, num. 119, pag. 165.

SARISBÉRI [a] (Jean de), en latin Sarisberiensis[b], évêque de Chartres[* 1], Anglais de nation, naquit environ l’an 1110. Il alla en France à l’âge de seize ou dix-sept ans. Il eut ensuite commission du roi son maître de se tenir auprès du pape Eugène pour les affaires de l’Angleterre. On voulut lui faire un mauvais parti auprès de ce pape ; on le chargea de fausses accusations ; mais enfin la vérité fut reconnue, et il fut retenu auprès d’Eugène avec toutes les faveurs qu’il méritait. Il fut encore plus considéré par le successeur de ce pape ; et ayant été rappelé en Angleterre, il reçut de grandes marques d’estime de Thomas Béquet [* 2] grand chancelier du royaume. Le chancelier gouvernait alors l’esprit de son maître, Henri II, et comme il avait besoin de secours dans une charge si pesante....., il se voulut servir du conseil de Jean de Sarisbéri, principalement pour la nourriture du fils aîné du roi, et de plusieurs autres jeunes seigneurs d’Angleterre, qu’il avait entrepris d’élever dans les bonnes mœurs et dans les belles Sciences. Il le pria encore d’avoir

  1. * Ménage, cité par Joly, dit qu’il s’appelait Johanes Petitus, ou Parvus. Le Petit était le véritable surnom de Jean, connu plus ordinairement sous celui de Sarisbury, dit Sainte-Croix dans une notice sur ce personnage, insérée dans les Archives littéraires, n°. XII, décembre 1804, tom. IV, pag. 293-313.
  2. * Le prélat que Bayle nomme plusieurs fois Thomas Béquet est, dit saint Thomas de Cantorbéry.
  1. On dit aussi Salisbéri, ou Salesbéri, ou Salisburi, etc.
  2. Ou Saresberiensis, ou Sarisburiensis, etc.