Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T12.djvu/144

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
140
PYTHAGORAS.

de la lune, Voici Les propres mots du scoliaste. Ἐστι δὲ καὶ Πυθαγόρον παίγνιον διὰ τοῦ κατόπτρου τοιοῦτο. πληροσελήνου τῆς σελήνης οὔσης, εἴ τις ἔσοπτρον ἐπιγραάπαειεν αἵματι ὅσα βούλεται, καὶ προειπὼν ἑτέρῳ, σταίη κατόπιν αὐτοῦ, δεικνὺς πρὸς τὴν σελήνην τὰ γράμματα, κἀκεῖνος ἀτενίσειεν ὁ πλησίον εἰς τὸν τῆς σελήνης κύκλον, ἀναγνοίη πάντα τὰ ἐν τῷ κατόπτρῳ γεγραμμένα, ὡς ἐπὶ τὴς σελήνης γεγραμμένα. Il y a un jeu de l’invention de Pythagoras, qui se fait avec un miroir en cette sorte. La lune étant au plein, quelqu’un écrit dans un miroir tout ce qu’il veut, avec du sang, et ayant averti un autre, il se tient derrière lui, et tourne vers la lune les lettres écrites dans le miroir ; alors cet autre là fichant son regard attentivement dans le globe de la lune, y lit tout ce qui est écrit dans le miroir, comme s’il était écrit dans la lune. En ce passage j’ai corrigé deux fautes, mettant, πληροσελήνου au lieu de προσελήνου, suivant l’opinion du docte Meursius, en son livre des jeux des Grecs, qui tire cette correction de Suidas ; et lisant aussi ἀτενίσειεν au lieu de ἀτενίσαι. Quant à Suidas, il semble qu’il n’a fait que transcrire ce passage mot à mot ; mais dans tous ses livres imprimés de cet auteur il y a plusieurs fautes. Vous trouverez dans Méziriac la correction de ces fautes. Consultez les remarques sur le Berger extravagant [1]. La chimère de Noël le Comte [2] a passé dans plusieurs livres, tant il est vrai qu’on fait du tort au public en imprimant un ouï-dire ! il ne se trouva que trop d’auteurs qui l’adoptent de main en main. Parce que le feuillant Saint-Romuald inséra ce Conte dans son Trésor Chronologique, le père l’Enfant l’a inséré dans son Histoire générale de tous les Siècles de la nouvelle Loi. La manière, dit-il [3], de savoir les choses absentes, sans magie : il les faut écrire en grosses lettres sur un miroir, et le présenter à la lune, laquelle les fait connaître dans un autre miroir où on la regarde. De cette manière, François Ier, faisant la guerre à Charles-Quint pour le duché de Milan, on la savait la nuit suivante à Paris ([4]). Si l’on rapportait de telles choses pour s’en moquer, on éviterait la censure. C’est ainsi que Jean Léon a rapporté une fable qui se débitait en Égypte. Entre les Ptolomées, dit-il [5], il y en eut jadis un, roi d’Alexandrie, qui pour rendre la cité assurée, inexpugnable, et qui pût sans danger eviter les durs efforts de ses ennemis, fit ériger cette colonne : et à la sommité d’icelle il fit poser un grand miroir d’acier, ayant telle vertu on soi, que tous les vaisseaux des ennemis qui passaient devant cette colonne (étant le miroir découvert) miraculeusement commençaient à s’embraser ; et pour ce seul effet, l’avait fait ainsi dresser sur la bouche du port. Mais on dit que Les mahométans, à leur arrivée, gâtèrent le miroir : au moyen de quoi il vint à perdre cette vertu non moins admirable qu’inusitée puis firent emporter la colonne. Chose certes ridicule, et digne d’être proposée aux enfans, et non à ceux qui ont quelque jugement. Joignez à ceci ce que j’ai dit dans la remarque (L) de l’article Hercule, tome VIII, et ces paroles de Guillaume Bouchet. Il falloit que le mirouër de cette femme fust faciné et garni de magie diabolique de Tolede : veu que ceux de Rhodes pouvoient voir les navires qui allaient en Syrie ou en Égypte en un mirouër, lequel estoit pendu au cou du soleil sur leur colosse [6].

La fable des miroirs de Nostradamus ne vaut pas mieux que les précédentes. On veut qu’il ait vu dans des miroirs talismaniques l’avenir que l’on prétend qu’il a si heureusement révélé. Fuit, qui narravit, speculis quibusdam astrologicis Nostradamum ad has prædictiones usum. Nam, qui arcaniora physica et astrologica cognita habent, aiunt è metallis, tanquàm planetis terrestribus, eâdem configuratione, quâ planetæ in thematibus natalitiis ponuntur, sub certis constellationibus specula fieri

  1. Sur Le VIIe. livre, pag. m.321.
  2. Voyez sa Mythologie, liv. III, chap. XVII, pag. m. 253.
  3. David l’Enfant, dominicain, Histoire générale de tous les Siècles, au 21 de juin ; pag.  347. Il cite Trésor chronol., pag. 519, tom. L.
  4. Voyez ci-dessous la remarque (Q).
  5. Jean Léon, Description d’Afrique, folio 358, édition d’Anvers, 1556 : je me sers de la traduction française de Jean Temporal.
  6. Guillaume Bouchet, Série XIX, pag.  m. 171, 172.