Dictionnaire historique et critique/11e éd., 1820/Pythagoras


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PYTHAGORAS, est le premier des anciens sages qui ait pris le nom de philosophe (A). Il florissait au temps de Tarquin, dernier roi de Rome, et non pas au temps de Numa (B), comme plusieurs le débitent. Il se rendit fort illustre par sa science et par sa vertu, et il travailla utilement à réformer et à instruire le monde. Il fallait que son éloquence eût beaucoup de force, puisque ses exhortations portèrent les habitans d’une grande ville plongée dans le débauche à fuir le luxe et la bonne chère, et à vivre selon les règles de la vertu [a]. Il obtint même des dames qu’elles se défissent de leurs beaux habits et de tous leurs ornemens (C), et qu’elles en fissent un sacrifice à la principale divinité du lieu. Il obtenait de ses disciples les choses les plus malaisées à pratiquer : car il leur faisait subir un noviciat de silence (D), qui durait pour le moins deux ans, et il le faisait durer jusqu’à cinq années pour ceux qu’il reconnaissait les plus enclins à parler [b]. Ce que j’ai dit en un autre endroit [c], nous persuade du pouvoir de sa censure. Il les faisait vivre tous en commun [d] : ils quittaient la propriété de leur patrimoine, et apportaient leurs biens aux pieds du maître. On interpréta criminellement cette concorde, et cela leur fut très-funeste (E). L’un de ses principaux soins fut de corriger les abus qui se commettaient dans le mariage (F) : il ne crut point que sans cela la paix publique, la liberté, une bonne forme de gouvernement, et semblables choses auxquelles il travaillait avec un grand zèle (G), pussent rendre heureux les particuliers. Il est surprenant qu’un philosophe aussi habile que lui en astronomie, en géométrie et dans les autres parties des mathématiques, se soit plu à débiter ses plus beaux préceptes sous le voile des énigmes. Ce voile était si épais, que les interprètes y ont trouvé une ample matière de conjectures (H), et autant de sens mystiques qu’il leur a plu. Quelques-uns prennent au pied de la lettre l’ordre qu’il donnait de ne manger point de fèves (I). Il n’y a guère de gens de ces siècles-là qui aient fait autant de voyages que lui [e]. Il passe dans l’esprit de quelques personnes pour un insigne magicien (K) : nous verrons sur quel fondement. Nous dirons aussi que le sieur Naudé l’en justifie (L). Il me resterait cent choses à observer ; mais je suis contraint d’être court, et j’évite tout ce qui se peut trouver dans M. Moréri. Cependant quoique l’on y trouve la métempsycose, je ne laisserai pas de m’y arrêter un peu (M). Je pense qu’à cause de cette opinion il désapprouvait les sacrifices de bêtes : et l’on remarque qu’il adora un autel où jamais aucune victime n’était immolée ; qu’il l’adora, dis-je, comme un lieu qui n’avait pas été profané ou pollué (N). Je n’ai point marqué la patrie de Pythagoras, parce que les opinions varient fort là-dessus : les uns veulent qu’il soit Tyrrhénien, d’autres le font Syrien, d’autres le font naître dans l’île de Samos, et d’autres dans l’île de Céphalonie [f], etc. [g]. On ne peut rien voir de plus beau dans des philosophes païens que ce qu’il disait de Dieu, et du but où nous devons tendre (O) ; et apparemment il eût poussé l’orthodoxie beaucoup plus loin, s’il eût eu assez de courage pour s’exposer au martyre. Les circonstances de sa mort sont rapportées diversement (P). Je nommerai quelques auteurs qui ont traité de ses dogmes (Q). Ce qui le concerne en tant que médecin se voit dans l’Histoire de la Médecine [h].

Je veux joindre à ce que j’ai dit de la fable de ses miroirs [i] un conte que je viens de lire dans un nouvelliste (R).

  1. Justin, lib. XX, cap. IV. Je rapporte ses paroles dans la remarque (C).
  2. Aulus Gellius, lib. I, cap. IX.
  3. Ci-dessus, citation (27), de l’article Hipponax, tom. VIII, pag. 153.
  4. Voyez la rem. (E), à la fin.
  5. Voyez Apulée, in Floridis.
  6. À Sumos, ville de cette île.
  7. Voyez Farnabe, in Ovidium, Métam., lib. XV, vers 60.
  8. Imprimée à Genève, l’an 1696, et composée par D. L. C., D. M., c’est-à-dire Daniel le Clerc, docteur médecin. Il est frère de M. le Clerc, professeur à Amsterdam.
  9. Dans la remarque (L).

(A) Il est le premier… qui ait pris le nom de philosophe. ] Avant lui ceux qui excellaient dans la connaissance de la nature, et qui se rendaient recommandables par une vie exemplaire étaient nommés sages, σοφοὶ. Ce titre lui paraissant trop superbe, il en prit un autre qui faisait voir qu’il ne s’attribuait pas la possession de la sagesse, mais seulement la désir de la posséder. Il s’appela donc philosophe, c’est-à-dire amateur de la sagesse. Ce nom est demeuré depuis ce temps-là aux professeurs de la science naturelle et de la morale. Cicéron va nous apprendre le pays natal de ce nouveau titre, l’occasion qui le fit naître et sa signification. A quibus ducti deinceps omnes, qui in rerum contemplatione studia ponebat, sapientes et habebantur, et nominabantur : idque eorum nomen usquè ad Pythagoræ manavit ætatem, quem, ut scribit auditor Platonis Ponticus Heraclides, vir doctus in primis, Phliuntem ferunt venisse, eumque cum Leonte, principe Phliasiorum, doctè, et copiosè disseruisse quædam : cujus ingenium, et eloquentiam cùm admiratus esset Leon, quæsivisse ex eo, quâ maximè arte confideret : at illum artem quidem se scire nullam, sed esse philosophum, admiratum Leontem novitatem nominis, quæsisse : quinam essent philosophi, et quid inter eos, et reliquos interesset, Pythagoram autem respondisse, SIMILEM sibi videri vitam hominum, et mercatum eum, qui haberetur maximo ludorum apparatu totius Græciæ celebritate : nam ut illic alii corporibus exercitatis gloriam, et nobilitatem coronæ peterent, ali emendi, aut vendendi quæstu, et lucro ducerentur : esset autem quoddam genus eorum, idque vel maximè ingenuum, qui nec plausum, nec lucrum quærerent, sed visendi causâ venirent, studiosèque perspicerent, quid ageretur ; et quo modo : ita nos quasi in mercatus quandam celebritatem ex urbe aliquâ, sic in hanc vitam ex aliâ vitâ, et naturâ profectos ; alios gloriæ servire, alios pecunitæ, raros esse quosdam, qui, ceteris omnibus pro nihilo habitis, rerum naturam studiosè intuerentur : hos se appellare sapientiæ studiosos, id est philosophos : et ut illic liberalissimum esset, spectare, nihil sibi acquirentem, sic in vitâ longè omnibus studiis contemplationem rerum, cognitionemque præstare. Nec verò Pythagoras nominis solùm inventor, sed rerum etiam ipsarum amplificator fuit [1].

(B) Il florissait au temps de Tarquin… et non pas au temps de Numa.] Quant au jour natal du mot philosophe, nous ne pouvons le marquer : l’année même de sa naissance nous est inconnue, On s’est contenté de nous dire que Pythagoras tint ce discours avant qu’il passât en Italie [2] ; et l’on ne marque que d’une manière vague en quel temps il passa. Ce fut, nous dit-on, sous la règne de Tarquin. [3] Hanc opinionem (de immortalitate animæ) discipulus ejus [4] Pythagoras maximè confirmavit, qui cùm regnante Tarquinio superbo in Italiam venisset tenuit magnam illam Græciam oc honore et disciplinâ, tùm etiam authoritate. [5] Pythagoras fuit in Italiâ temporibus iisdem quibus L. Brutus patriam liberavit. L’erreur de ceux qui ont dit qu’il passa au temps du roi Numa [6], lui est glorieuse : car on ne tomba dans cette pensée ; que parce qu’on crut que Numa n’aurait pu être si habile et si philosophe, s’il n’avait été disciple de Pythagoras. Quinetiam arbitror, dit Cicéron, propter pythagoreorum admirationem, Numam quoque regem, pythagoreum à posterioribus existimatum : nam cùm Pythagoræ disciplinam, et instituta cognoscerent, regisque ejus æquitatem, et sapientiam à majoribus suis accepissent ætates autem et tempora ignorarent ; propter vetustatem, eum, qui sapientiâ excelleret, Pythagoræ auditorem Juisse crediderunt [7]. Notez que Cicéron ne se fonde que sur de légères conjectures, quand il tâche de persuader que les Romains surent quels étaient les dogmes, et quelle était la réputation de Pythagoras [8]. Il n’eût point parlé de cette manière, si ce philosophe avait été honoré de la bourgeoisie romaine, comme Épicharmus le débita [9]. Disons en passant, qu’un oracle ayant ordonné aux Romains d’ériger une statue au plus brave et au plus sage des Grecs, ils en firent dresser une en l’honneur d’Alcibiade, et une autre en l’honneur de Pythagoras [10]. Nous allons apprendre de Pline en quel temps cela se fit. Invenio, dit-il [11], et Pythagoræ et Alcibiadi, in cornibus comitii positas, cùm bello [12] Samniti Apollo Pythius fortissimo Graiæ gentis jussisset et alteri sapientissimo, simulacra celebri loco dicari : ea stetêre donec Sylla dictator ibi curiam faceret. Mirumque est, illos patres Socrati cunctis ab eodem deo sapientiâ prælato Pythagoram prætulisse, aut tot aliis virtute Alcibiadem, aut quenquam utroque Themistocli. Pline s’étonne que les Romains aient choisi Pythagoras préférablement à Socrate. Mais d’où savait-il qu’ils eussent ouï parler de l’oracle rendu pour Socrate ? Tout bien compté il se trouvera qu’ils choisirent le meilleur. On peut encore les justifier par ces deux raisons [13] : ils connaissaient moins Socrate que Pythagoras ; car celui-ci avait enseigné long-temps en Italie avec beaucoup de réputation : et ils étaient prévenus en faveur de Pythagoras, parce qu’ils s’imaginaient que Numa avait été son disciple. C’était l’opinion populaire ; et quelque fausse qu’elle fût, les magistrats ne laissaient pas de la fomenter. Cela parut lorsqu’on prétendit avoir trouvé le tombeau de Numa et ses livres [14] ; car on divulgua qu’ils concernaient la philosophie pythagoricienne, et il y eut des historiens qui s’accommodèrent à ce sentiment. Adjicit Valerius Antias libros Pythagoricos fuisse : vulgatiæ opinioni quâ creditur Pythagoræ auditorem fuisse Numam : mendacio probabili accomodatâ fide [15]. Cassius Hémina et Lucius Piso suivirent cette opinion populaire dans leurs écrits [16]. Si l’on me demande pourquoi les Romains aimaient mieux croire que Numa eût été disciple de Pythagoras, que d’attribuer à l’Italie la gloire d’avoir produit un roi si sage, qui ne devait sa philosophie aux leçons d’aucun étranger, je réponds, 1o . qu’apparemment on ne songea pas à cet intérêt de la patrie, quand on commença de donner cours à cette opinion ; 2o . que l’on crut peut-être persuader plus facilement le mérite de ce prince, en lui donnant un si fameux précepteur. Était-il aisé de croire qu’un barbare, sans l’aide des Grecs, eût pu parvenir à ce haut point de capacité ? Saint Augustin eût cru sans peine que Numa fut l’un des disciples de Pythagoras ; car il dit que Thalès a vécu pendant le règne de Romulus [17]. Or nous savons que Thalès et Phérécyde ont été contemporains, et que Pythagoras fut disciple de Phérécyde. Quelques-uns même prétendent que Thalès le fut aussi [18]. Il est pour le moins certain qu’Anaximander, disciple de Thalès, et Pythagoras, ont vécu en même temps [19]. Aucun des commentateurs de Diogène Laërce ne nous avertit de la mauvaise version de ces paroles, Φιλοσοφίας δὲ δύο γεγόνασι διαδοχαὶ, ἥ τε ἀπὸ Ἀναξιμάνδρου, καὶ ἡ ἀπὸ Πυθαγόρου, τοῦ μὲν Θαλοῦ διακηκοότος. Cæterum philosophiæ duæ fuêre successiones, quarum altera ab Anaximandro, altera à Pythagorâ fluxit. Anaximandri Thales auditor fuit [20]. Il est visible qu’elles signifient non pas que Thalès fut disciple d’Anaximander, mais qu’au contraire Anaximander le fut de Thalès.

Finissons ceci par un passage de Pline [21], où il est dit que Pythagoras était en Égypte lorsque Semnésertéus y régnait. Cela fait un peu de peine, quand on se souvient que Pythagoras alla en Égypte avec des lettres de récommandation de Polycrate, tyran de Samos, à Amasis, roi d’Égypte. C’est ce que Laërce assure [22]. Le père Hardouin [23] a cru lever la difficulté, en supposant que Pythagoras alla en Égypte sous le règne d’Amasis, et qu’il y fit assez de séjour pour y voir la mort de ce prince, et le règne de Semnésertéus son successeur. Mais cette supposition est combattue par Hérodote, qui nous apprend que Cambyse subjugua l’Égypte six mois après la mort d’Amasis, auquel Psamménitus son fils avait succédé [24]. Il est vrai peut-être qu’on pourrait dire que le nom de Psamménitus a été changé peu à peu en celui de Semnésertéus : et il ne faut pas oublier qu’il semble que Pythagoras était en Égypte lorsque Cambyse s’en empara ; car il semble qu’il fut l’un des esclaves que ce monarque fit transporter en Perse. On ne saurait mieux prouver cela que par un passage d’Apulée ; mais il faudrait y corriger quelque chose, en ôter Ægyptum et y mettre Ægypto, ce qui brouillerait un peu trop la pensée de l’auteur. Il vaut mieux donc dire que ce passage prouve seulement que Pythagoras fut en Égypte au temps de Cambyse : voyez la remarque (B) de l’article Zoroastre, vers la fin. Voici les paroles d’Apulée : sunt qui Pythagoram aiunt eò temporis inter captivos Cambysæ regis, Ægyptum cùm adveheretur, doctores habuisse Persarum magos ac præcipuè Zoroastrem, omnis divint arcani antistitem, posteàque à quodam Gallo Crotoniensium principe reciperatum. Verùm enim verò celebrior fama obtinet, spontè eum petîsse ægyptias disciplinas, atque ibi à sacerdotibus, cerimoniarum incredendas potentias, numerorum admirandas vices, geometriæ solertissimas formulas didicisse [25]. Jean Bernart n’a pas trop bien réussi à critiquer Pline ; car il lui oppose Eusèbe, comme disant que le règne de Semnésertéus commença en la 43e. olympiade, et finit en la 45e. ; c’est-à-dire que le roi Amasis monta sur le trône environ trente ans après la mort de Semnésertéus [26]. Si cela était, il ne serait pas possible de disculper Pline, ou de le mettre d’accord avec Diogène Laërce. Mais ne soyons en peine pour lui ; l’exposé de Jean Bernard est faux : Eusèbe ne parle point d’un roi d’Égypte qui ait eu nom Semnésertéus.

(C) Il obtint que les dames se défissent de leurs beaux habits et de tous leurs ornemens.] Tout ce que Justin nous dit touchant la réforme introduite par Pythagoras dans la ville de Crotone est si remarquable, que je n’en veux pas retrancher une syllabe. Crotonam venit, populumque in luxuriam lapsum, auctoritate suâ ad usum frugalitatis revocavit. Laudabat quotidiè virtutem : et vitia luxuriæ, casusque civitatum eâ peste perditarum enumerabat ; tantumque studium ad frugalitatem multitudinis provocavit, ut aliquos ex his luxuriatos incredibile videretur. Matronarum quoque separatam à viris doctrinam, et puerorum à parentibus frequenter habuit. Docebat nunc has pudicitiam, et obsequia in viros ; nunc illos modestiam, et litterarum studium. Inter hæc velut genitricem virtutum frugalitatem omnibus ingerebat, consecutusque disputationum assiduitate erat, ut matronæ auratas vestes, ceteraque dignitatis suæ ornamenta, velut instrumenta luxuriæ deponerent, eaque omnia delata in Junonis ædem ipsi deæ consecrarent, præ se ferentes, vera ornamenta matronarum pudicitiam, non vestes esse. In juventute quoque quantùm profligatum sit, victi fæminarum contumaces animi manifestant [27]. Les dernières paroles de cet auteur tiennent un peu du satirique ; car voici comme il y raisonne : puisque Pythagoras dompta l’esprit opiniâtre de l’autre sexe, jugez de ses grands progrès dans la correction des jeunes hommes. Il est sûr que l’attachement à la braverie est une pièce de si grande résistance [28], qu’il n’y a rien qui fasse plus réfléchir les traits des prédicateurs. Voyez l’efficace des sermons de Capistran contre les joueurs [29]. On ne dit pas qu’il fit les mêmes progrès contre les joyaux. Conecte fit plus de conquêtes sur les coiffures par les coups de pierre des enfans, que par les figures de la rhétorique [30]. Voilà donc des prédicateurs chrétiens qui ne purent faire ce de quoi un philosophe païen vint à bout. Mais n’oublions pas la belle action des dames romaines au temps de Camille [31].

En peu de mots, un auteur moderne nous a donné les plus beaux traits qui puissent servir au tableau de l’éloquence de Pythagoras. « Selon le même Porphyre, quand il vint en Italie. Il changea la police d’un grand nombre de villes, et y rétablit la liberté : en une seule exhortation il gagna et attacha à sa philosophie plus de deux mille hommes ; il leur apprit à dompter leurs passions ; à étouffer tous les mouvemens d’avarice et d’ambition, à mettre tous leurs biens en commun, à aimer le silence, la retraite et la contemplation [32]. » Qu’on ne vienne pas à m’objecter que je représente ce philosophe sous l’idée d’un rhétoricien : ce n’est point mon intention ; je suis fort persuadé qu’il n’attaquait point le vice par des harangues semées de fleurs ; et composées selon les règles, et selon les subtilités brillantes que les sophistes des siècles suivans mirent en usage. Mais cela n’empêche pas qu’on ne puisse lui attribuer une éloquence merveilleuse, puisque ses discours, étaient si persuasifs. La force de cette éloquence consistait sans doute dans l’expression grave des raisons, et dans le poids qu’il donnait à ses paroles par la sagesse de sa conduite. Il prêchait d’exemple : son silence même était éloquent, et contribua autant sa voix à la reforme, comme l’a fort bien remarqué un ancien poëte,

Annon Pythagoræ monitus annique silentes
Famosum Æbalii luxum pressere Tarenti
[33] ?

  1. Cicero, Tusculan., Quæst., lib. V, cap. III. Diogène Laërce raconte à peu près la même chose. Voyez-le in Proemio, num. 12, où il cite Héraclides Ponticus ἐν τῆ περὶ τῆς ἄπνου, in libro de feminâ septem diebus examini. Il dit que ce discours fut tenu dans Sicyone. Voyez aussi ce qu’il dit dans la Vie de Pythagoras ; où il cite Sosicrate in successionibus.
  2. Qui quiùm post hunc Phliasium sermonem in Italiam venisset, exornavit eam Græciam quæ magna dicta est, et privatim et publicè, præstantissimis et institutis et artibus. Cicero, Tusculan. Quæst., lib. V, cap. IV.
  3. Idem, Tusculan., lib. I, cap. XVI.
  4. C’est-à-dire de Phérécydes.
  5. Cicero, Tusculan., lib, IV, cap. I.
  6. Ovide a suivi cette fausse tradition au XVe. livre des Métamorphoses.
  7. Idem, Cicero, Tusculan., lib. IV, cap. I.
  8. Idem, ibidem.
  9. Plut., in Num. pag. 65.
  10. Idem, ibidem.
  11. Plin., lib. XXXIV, cap. VI, pag. m. 99.
  12. Cette guerre fut longue et commença l’an 411 de Rome.
  13. Vossius, de Philosoph. sect., pag. m. 39, les allègue.
  14. Cinq cent cinquante-cinq ans depuis le commencement de son règne. Pline, lib. XIII, cap. XIII ; et non pas environ quatre cents ans après sa mort, comme dit Plutarque, in Numâ, p. 74.
  15. T. Livius, lib. XL, pag. m. 783.
  16. Voyez Pline, lib. XIII, cap. XIII.
  17. Eodem Romulo regnante Thales Milesius fuisse perhibitur unus è septem sapientibus. August. de Civit. Dei, lib. XVIII, cap. XXIV.
  18. Tzetzes l’assure. Voyez ses paroles dans M.  Ménage, in Laërtium, cap. I, num. 119.
  19. Diogène Laërce, lib. II, dit qu’Anaximander a fleuri principalement du temps de Polycrate, tyran de Samos.
  20. Laërtius, in Præmio, num. 13.
  21. Is obeliscus quem divus Augustus in circo magno statuit, excisus est à rege Semneserteo, quo regnante Pythagoras in Egypto fuit. Plin., lib. XXXVI, cap. IX, pag. m. 297.
  22. Diog. Laërt. lib. VIII, num. 3.
  23. In hunc locum Plinii.
  24. Herodot., lib. III, cap. XIV.
  25. Apuleius, Floridor., lib. II, p, m. 352.
  26. Johan. Bernardius, in Boëtium, de Consol. Philosoph., lib. I, pag. 169.
  27. Justin., lib. XX, cap. IV, pag. m. 395.
  28. Voyez l’article Périandre, tom. XI, pag. 582, citations (6) et (7).
  29. Tom. IV, page 405, remarque (E) de l’article Capistran.
  30. Voyez l’article Conecte, tom. V, pag. 278, remarque (D).
  31. Voyez l’article Camille, tom. IV, pag. 387, remarque (C).
  32. Thomassin, Méthode d’étudier et d’enseigner la Philosophie, liv. I, chap. XV, pag. 153.
  33. Claudianus, de Mallii Theodori Consulatu, vs. 156. Il faut lire annon, et non pas et non sans interrogation, comme dans l’édition de Barthius : et notez que Barthius, si prolixe partout ailleurs, ne dit presque rien sur ce passage. Claudien peu auparavant avait dit :

    Quidquid Democritus risit, dixitque tacendo Pythagoras.

    Ibidem, vs. 90.

(D) Un noviciat de silence.] C’était une rude discipline Ἐστὶ δὲ πάντων χαλεπώτατον ἐγκρατευμάτων τὸ γλώττης κρατεῖν [1], c’est-à-dire la plus difficile victoire que l’on puisse remporter est de maîtriser sa langue. Voyez l’éloge que l’on donne dans les distiques de Caton à ceux qui savent se taire bien à propos [2]. Servius fait mention du noviciat de cinq ans [3], et voici ce qu’Apulée remarque de celui que l’on imposait pendant près de cinq années aux disciples les moins retenus. Non in totum tamen (Pythagorici) vocem desuescebant, nec omnes pari tempore elingues magistrum sectabuntur ; sed gravioribus viris brevi spatio satis videbatur taciturnitas modificata. Loquaciores enim verò fermè in quinquennium, velut in exilium vocis mittebantur [4].

  1. Jamblichus, lib. I, cap. XXXI.
  2. Proximus ille Deo est qui scit ratione tacere.
  3. Servius, in illud Æneid. X, vs. 564,
    ...... Tacitis regnavit Amyclis.

  4. Apuleius, in Floridis.

(E) On interpréta criminellement cette concorde, et cela leur fut très-funeste.] On prit cette communauté d’étudians pour une faction qui conspirait contre l’état : on en fit périr soixante, le reste s’enfuit. Sed tercenti ex juvenibus cum sodalitii juris sacramento quodam nexi separatam à cæteris civibus vitam exercerent, quasi coetum clandestinæ conjurationis haberent, civitatem in se converterunt, quæ eos, cùm in unam domum convenissent, cremare voluit. In quo tumultu sexaginta fermè periêre, ceteri in exilium profecti [1]. Ni ce passage de Justin, ni ce qui le suit ne sont pas capables de nous apprendre si cette tempête fut excitée pendant la vie de Pythagoras. En prenant droit sur tout ce narré, l’on doit plutôt croire que ce philosophe ne fut point compris dans cette persécution, que de croire qu’il fut compris. Il semble donc que Justin nous raconte là le même fait dont Polybe parle. Or selon Polybe les pythagoriciens furent brûlés dans la grande Grèce, quelque temps avant la guerre que Denys, tyran de Syracuse, fit aux Crotoniates [2] : il semble donc qu’ils ne furent point brûlés pendant la vie de leur maître ; car il y a cent vingt ans entre la destitution de Tarquin et cette guerre de Denys contre Crotone [3]. Or Pythagoras vint en Italie sous le règne de Tarquin, et mourut à Métaponte après avoir séjourné à Crotone pendant vingt ans [4]. Vossius observe que Justin, Polybe, Porphyre, Jamblique, parlent du même accident [5] : or ces deux derniers observent qu’il ne se sauva de l’incendie que deux personnes, Archippe et Lysis : ce ne fut donc pas, dira-t-on, une barbarie exercée sur l’école de Pythagoras pendant sa vie. Car Lysis s’étant retiré à Thèbes y fut précepteur d’Épaminondas [6], qui mourut cent quarante-cinq ans après l’expulsion de Tarquin. Ce sont des doutes, j’en conviens ; mais non pas de fortes preuves contre ceux qui soutiendraient que l’incendie dont Lysis fut préservé arriva pendant la vie de Pythagoras. Notez que selon Plutarque, les deux pythagoriciens qui échappèrent furent Philolaüs et Lysis. Il dit cela dans le Traité du Génie de Socrate [7], et il y nomme Cycloniens ceux qui attachèrent le feu au collége de Pythagoras, dans Métapon. Dans un autre livre il les appelle Cyloniens, et il observe qu’ils brûlèrent Pythagoras. Καὶ ὁ Πυθαγόρου ζῶντος ἐμπρησμὸς ὑπὸ τῶν Κυλωνείων. Quod Pythagoræ vivo à Cyloneis illatum est incendium [8].

Si vous souhaitez de savoir le nom de l’auteur qui nous apprend que les disciples de ce philosophe se dépouillaient de la propriété de leurs biens, je vous renverrai à ces paroles d’Aulu-Gelle : Omnes simul qui à Pythagorâ in cohortem illam disciplinarum recepti erant ; quod quisque familiæ pecuniæque habebat, in medium dabant, et coibatur societas inseparabilis, tanquàm illud fuerit antiquum consortium, quod re atque verbo appellabatur κοινόβιον [9].

  1. Justin., lib. XX, cap. IV. Voyez la remarque (O).
  2. Polybius, lib. II.
  3. Voyez Calvisius, pag. m. 95, 165.
  4. Justin., lib. XX, cap. IV.
  5. Vossius, de Philosophor. Sectis, cap. VI, num. 26, pag. m. 38.
  6. Diog. Laërt., lib. VIII, num. 7. Cornelius Nepos, in Epaminondâ. Ælian., Var. Hist., lib. III, cap. XVII.
  7. Plut., de Socrat. Genio, pag. 583.
  8. Idem, de Stoïcor. Repugn., pag. 1051.
  9. Aul. Gell., lib. I, cap. IX. Voyez aussi Laërce, lib. VIII, num. 10.

(F) L’un de ses principaux soins fut de corriger les abus qui se commettaient dans le mariage.] Il représenta que le but que l’on se doit proposer dans l’union des sexes est de produire légitimement un autre soi-même ; qu’il faut tâcher d’avoir des enfans bien faits, sains et robustes ; qu’il les faut accoutumer au travail et à la sobriété, et les éloigner du plaisir vénérien jusqu’à l’âge de vingt ans, et leur recommander ensuite de ne s’y porter que de loin à loin. Necessum esse ut pueri et virgines in laboribus et exercitationibus omnibusque tolerantiæ ac temperantiæ generibus congruentibus educentur ; ut conveniens victus ipsis abhibeatur, et laborum amans, temperans et continens eorum vita sit : ut de usu rei venereæ serò erudiantur : ac pueros sic institui et educari oporteat, ut intrà vicesinium ætatis annum talem congressum nullo modo quærant. Cùm autem ad ætatem veneri maturam pervenerint, hâc rarò utendum esse ; incontinentiam enim, bonamque corporis habitudinem, rariùs conjunctas esse [1]. Il condamnait hautement ceux qui se portent à cette action après avoir trop mangé, et plus encore ceux qui s’y portent pendant qu’ils sont ivres [2]. Il voulait non-seulement que les maris renonçassent au concubinage, mais encore qu’ils observassent les loix de la chasteté et de la pudeur envers leurs épouses. Ils ne faisaient ni l’un ni l’autre ; mais on dit que ses remontrances les touchèrent jusqu’au vif, et qu’ils travaillèrent avec zèle à se réformer. Fertur et Pythagoras Crotoniates à pellicum et illegitimarum fæminarum consuetudine abduxisse ; maritosetiam monuisse, ut erga uxores suas casti et pudici forent : quo factum, ut Crotoniatæ omnem incontinentiam et luxuriam, quæ tùm temporis in urbe, ceu pestis, grassabantur, e medio tollere laborârint [3]. Les habitans de Crotone menaient une vie déréglée. Ils se mariaient pour la forme ; ils prenaient une épouse ad honores ; ils la négligeaient, et la méprisaient, et ne s’attachaient qu’à des concubines. C’était donner un mauvais exemple ; cette conduite est contagieuse : ils ne considéraient pas qu’il était à craindre que l’on ne les imitât, et peut-être qu’ils s’en mettaient peu en peine. La maxime frangenti fidem fragantur eidem, n’a que trop de lieu par rapport à la fidélité conjugale. Ce fut un désordre que Pythagoras entrepris de corriger. Si nous en croyons Justin, il n’eut besoin que de la force de ses instructions ; mais quelques auteurs insinuent qu’elles se trouvèrent trop courtes, et qu’il fallut recourir à une machine plus puissante : ce fut de feindre que l’on était descend dans les enfers, et que l’on y avait vu dans les tourmens les maris qui ne rendaient pas à leurs épouses le devoir du mariage. Cela la mit dans une grande considération. Φησὶ δὲ Ἱερώνυμος κατελθόντα αὐτὸν εἰς ἵδου τὴν μὲν Ἡσιόδου ψυχὴν ἰδεῖν πρὸς κίονι χαλκῷ δεδεμένην καὶ τρίζουσαν· τὴν δὲ Ὁμήρου, κρεμαμένην ὑπὸ δένδρου, καὶ ὄφεις περὶ αὐτὴν, ἀνθ’ὧν εἶπε περὶ θεῶν· κολοζομένους δὲ καὶ τοὺς μὴ θέλοντας συνεῖναι ταῖς αὐτῶν γυναιξί. καὶ δὴ καὶ δία τοῦτο τιμηθῆναι ὑπὸ τῶν ἐν Κρότωνι. Hieronymus verò ait descendisse ad inferos atque Hesiodi quidem animam columnæ æreæ vinculis adstrictam, stridentemque vidisse ; Homeri autem, ex arbore pendentem, serpentesque illam circumdantes, propter ea quæ de diis finxerat. Eos item cruciari qui suis uxoribus congredi nollent : ejusque rei gratiâ à Crotoniatis honoratum [4]. Cette histoire est sans doute le même que celle qu’Hermippus a rapportée. Il dit [5] que ce philosophe étant arrivé en Italie s’enferma dans un logis souterrain, après avoir prié sa mère de tenir registre de ce qui se passerait. Quand il se fut tenu là autant de temps qu’il le jugea à propos, sa mère, comme ils en étaient convenus, lui fit tenir ses tablettes. Il y vit les dates et les autres circonstances des événemens : il sortit de ce lieu-là avec un visage pâle, et tout défait ; il assembla le peuple, et il assura qu’il revenait des enfers ; et, pour le persuader, il récita ce qui s’était fait dans la ville. Il fit gémir et pleurer toute l’assemblée, tant ses auditeurs furent touchés de ce récit : ils ne doutèrent plus que ce ne fût un homme divin, et ils lui donnèrent à instruire leurs femmes. Sans doute ce fut en cette occasion qu’il étonna les mauvais maris, en leur disant qu’on punit avec beaucoup de sévérité dans les enfers ceux qui refusent à leurs femmes les caresses d’obligation. Apparemment il parla aussi des peines qui sont infligées aux femmes galantes, et nous devons croire que ce fut l’une des raisons qui obligèrent les Crotoniates à envoyer leurs épouses à son école. Remarquez bien la contradiction de ce grand maître. Il enseignait d’un côté la métempsychose, sans se borner aux trois déménagemens dont parle Pindare [6] et de l’autre il osait dire qu’il avait vu dans les enfers l’âme d’Homère, celle d’Hésiode, etc., bien tourmentées. La métempsycose détruisait l’enfer, comme il le déclare dans Ovide.

O genus attonitum gelidæ formidine mortis,
Quid Styga, quid tenebras, et nomina vana timetis,
Materiem vatum, falsique pericula mundi ?
Corpora sive rogus flammâ, seu tabe vetustas
Abstulerit, mala posse pati non ulla putetis
[7].

Mais il aima mieux s’acquérir de l’autorité, et se rendre propre à extirper la débauche en se contredisant, que de suivre une méthode bien liée de dogmatiser qui ne fût pas si utile.

J’ai dit qu’il ne se bornait point aux trois déménagements dont Pindare fait mention, et j’en donnerai une preuve manifeste par les vers d’Ovide que je citerai ci-dessous [8]. Forcatulus donc faussement le contraire. Constat, dit-il [9], druidum imitatorem Pythagoram, desultoriam animarum migrationem non-nisi tertiam asseruisse. Nam si perenni serie animas in alia atque alia corpora transcripsisset, quis, quæso, locus fuisset Elysiis campis, aut cæli sedibus ? quod miror satyricis scriptoribus falsis admodùm insulsè derelictum. Quicunque, inquit Pindarus, ter in utrâque vitâ a vitiis alieni fuerunt, viam sibi à Jove destinatam adiêre ad Saturni urbem. Ἐνθα μακάρων νᾶσον Ὠκεανίδες αὖραι περιπνέουσιν, ἄνθεμα δὲ χρυσοῦ φλέγει, id est, ubi beatorum insulam oceannides auræ circumstant, et flores aurei fulgent.

  1. Omeisius, in Ethicâ Pythag., pag. 38 ex Jamblicho, in Vitâ Pythag., lib. I, cap. XXXI.
  2. Idem, pag. 39, ex eodem, ibidem.
  3. Jamblichus, ibidem, cap. XXVII, apud Oineisium, ibidem, pag. 40.
  4. Diog. Laërtius, lib. VIII, num. 21, pag. 505.
  5. Apud Diogenem Laërtium, ibidem, num. 41, pag. 521, 522. Voyez aussi le scoliaste de Sophocle. M. Ménage, in hunc locum Laërtii, pag. 372, 373, cite ses paroles.
  6. Olymp., ode II.
  7. Ovid., Metam., lib. XV, vs 15.
  8. Dans la remarque (M), pag. 240.
  9. Forcat., de Gallor. Imperio et Philosophiâ, lib. I, pag. m. 90.

(G) Les choses auxquelles il travaillait avec un grand zèle.] Son affection pour le bien public le détermina à porter ses instructions au palais des grands [1] : il n’eut pas de peine à comprendre que s’il tournait du bon côté l’esprit des princes et des premiers magistrats, il répandrait aisément et amplement sur les autres hommes les fruits de sa philosophie. Il eut le bonheur et la gloire d’avoir formé des disciples qui furent d’excellens législateurs, un Zaleucus, un Charondas et quelques autres [2]. Qui dit législateur, dit un homme qu’on doit regarder comme le meilleur présent qui puisse être fait aux sociétés. Ceux qui ont donné des lois sont plus dignes d’admiration, et d’une louange immortelle, que les plus grands conquérans. Néanmoins leur mémoire n’est point passée jusqu’à nous avec le même fracas que celle des Cyrus, et des Alexandre ; il s’en faut bien. C’est que notre esprit, étant peu capable de connaître la véritable grandeur, en attache faussement l’idée aux actions qui font du bruit. Il ne saurait discerner le grand d’avec l’éclatant [3] : et ainsi la vie d’un homme qui s’occupe à remédier aux maux intérieurs de l’état, par de bonnes lois, est un objet qui ne frappe guère ; c’est parce qu’un tel ouvrage se fait doucement. Mais si l’on subjugue des villes et des provinces, si l’on fait périr des millions d’hommes, si l’on en réduit dix fois autant à l’aumône, on s’acquiert un nom tellement illustre, que la postérité la plus reculée n’en parle qu’avec des transports d’admiration. Quoi qu’il en soit, ce sera éternellement une grande gloire pour Pythagoras, auprès de ceux qui savent juger des choses, que d’avoir fourni au monde quelques bons législateurs. C’est une gloire qui rédonde sur toute la philosophie, comme Sénèque l’a bien observé : Postquam, surrepentibus vitiis, in tyrannidem regna versa sunt : opus esse cæpit legibus, quas et ipsas inter initia talere sapientes. Solon, … Lycurgus … Zaleuci leges Charondæque laudantur, hi non in foro, nec in consultorum atrio, sed in Pythagoræ Latacito illo sanctoque secessu didicerunt jura, que florenti tune Siciliæ, et per Italiam Græciæ ponerent [4]. Outre qu’il s’appliquait fortement à pacifier les guerres qui s’élevaient dans l’Italie, et les factions intestines qui troublaient les villes [5]. Il ne faut faire la guerre, disait-il souvent, qu’à ces cinq choses, aux maladies du corps, à l’ignorance de l’esprit, aux passions du cœur, aux séditions des villes et à la discorde des familles. Voilà cinq monstres qu’il faut combattre à toute outrance par le fer et par le feu. Sustulisse penitùs omnes discordias, non à notis solùm et familiaribus, eorumque posteris ad aliquot secula, sed ab omnibus omninò Italiae atque Siciliæ civitatibus, tam intestinas quàm externas, auctor est Porphyrius in ejus vitâ : qui addit, hoc apophthegma erebrò ei in ore fuisse, fugandum omni conatu, et igni atque ferro, et quibuscumque denique machinis præcidendum ; à corpore quidem morbum ; ab animâ, ignorantiam ; à ventre, luxuriam, à civitate seditionem ; à familiâ, discordiam [6]. Il ne faut pas s’étonner que les habitans de Crotone aient voulu que leur sénat se conduisît par les conseils d’un si excellent personnage. C’est Valère Maxime qui l’a dit, pour faire voir que l’autorité de Pythagoras était reconnue hors de son collége. Pythagoræ tanta veneratio ab auditoribus tributa est, ut quæ ab eo acceperant, in disputationem deducere nefas existimarent, quinetiam interpellati ad reddendam caussam ; hoc solùm respondebant ; ipsum dixisse : Magnus honos, sed schola tenùs. Illa urbium suffragiis tributa est. Enixo Crotoniatæ studio ab eo petierunt ut senatum ipsorum, qui mille hominum numero constabat, consiliis suis uti pateretur [7]. Le même auteur nous apprend que plusieurs villes d’Italie se ressentirent du bon effet des études de ce philosophe [8].

  1. Πυθαγόρας τοῖς πρωτεύουσιν Ἰταλιῶτων. Ac Pythagora principes Italorum Plutarchus, cum principibus viris philosopho esse disputandum, pag. 777, A.
  2. Voyez Jamblich., in Vitâ Pythagoræ, lib. I, cap. XXX.
  3. Voyez Pline le jeune, epist. XVI, lib. III, où il fait voir alia esse clariora, alia majora.
  4. Seneca, epist. XC, pag. m. 369. Voyez les Miscellaneæ Observationes de Pierre Petit, pag. 265.
  5. Voyez la Lettre qu’on prétend qu’il écrivit à Anaximène, apud Laërt., lib. VIII, n. 49.
  6. Menagius in Laërt., lib. VIII, n. 50.
  7. Valer. Maximus, lib. VIII, cap. XV, num. i, in Externis.
  8. Plurimis et opulentissimis urbibus effectus suorum studiorum approbavit. Idem, ibid., cap. VII, num. 2, in Externis.

(H) Les interprètes y ont trouvé une ample matière de conjectures.] Voyez, par exemple, ce qu’ils ont dit sur ce précepte pythagorique, ne t’assieds pas sur le chénix, chœnici ne insideas ; voyez-le, dis je, dans la docte dissertation que j’ai indiquée en un autre endroit [1]. M. du Rondel en est l’auteur. Cette méthode symbolique d’enseigner a été fort en usage dans l’Orient et l’Égypte. C’est de là sans doute que Pythagoras l’avait tirée. Il revint de ses voyages chargé des dépouilles de l’érudition de tous les pays qu’il avait vus. On prétend surtout qu’il fit une ample moisson parmi les Juifs, et qu’il apprit bien des choses d’Ézéchiel et de Daniel. On veut même que sa tétractis soit la même chose que le nom tetragrammaton, nom ineffable et tout rempli de mystères, à ce que disent les rabbins. Consultez le savant M. Huet. Adde, dit-il [2], et veri persimilem conjecturam Seldeni, et Wendelini, quâ mirificam illam Pythagoræ τετρακτύν ipsum esse suspicantur Dei nomen τετραγράμματον יהוה atque ejus notitiam a Daniele jam sene Pythagoram, cùm in Babyloniâ degeret, accepisse. Danieli adjungi poterat et Εzechiel, ut ostendam infrà. D’autres veulent que cette tétractys, ce grand objet de vénération et de sermens, ne fût autre chose qu’une manière mystérieuse de dogmatiser par les nombres [3]. Considérez ces paroles du Journal de Leipsic, à la page 204 de l’an 1685, dans l’extrait d’un livre anglais de Jean Turnérus. Ex hac ipsâ tamen gentilium notitiâ inscite à quibusdam colligi ait, Pythagoræorum tetractyn, quam tam reverenter habuerunt, et per quam jurare etiam soliti leguntur, esse unum idemque cum nomine tetrane grammato, quod à Judæis ipsi accenici perint… Aliam proindè viam demondans strat autor tetraetyn istam explicandi desumptamputa a methodo Pythagoræorum mysticá, quà dogmata sua ferè per numeros certos indicare et explanare fuerint soliti. Mais n’oublions par de dire que Pythagoras et ses successeurs avaient deux manières d’enseigner, l’une pour les initiés, l’autre pour les étrangers et pour les profanes. La première était claire et dévoilée ; la seconde était symbolique et énigmatique. Voyez là-dessus le chapitre XIII du livre de Jean Schefférus, professeur à Upsale, de Naturâ et Constitutione Philosophiæ italicæ. Ce livre fut imprimé à Upsale l’an 1664, in-8o.

  1. Dans l’article Épicure, tom.  VI, pag.  184, remarque (L).
  2. Huet, Demonstr. Evangel., propos. IV, cap.  II, num. 8, pag.  89, edit. Lips. 1694. Voyez aussi Marsham, Chron. Canon. Ægyptiac. sæc. XI, pag.  m. 277, 277.
  3. Διό καὶ ἐφθέγγοντο οἱ Πυθαγορικοί, ὡς μεγίστου ὅρκου ὄντος τῆς τετράδος, Οὐ μὰ τὸν ἁμετέρᾳ ψυχᾷ παραδόντα τετρακτύν, Παγὰν ἀενάου φύσεως ῤιζώματ’ ἔχουσαν. Itaque sanctissimum jusjurandum Pythagorei quaternario sunt complexi, quam tetractyn vocant. Per tibi nostræ animæ præbentem tetrada juro naturæ fontemque et firmamenta perennis. Plutarch., de Placit., lib.  I, cap.  III, pag.  877, A.

(I) L’ordre qu’il donnait de ne manger point de fèves.] Ceux qui expliquent cette défense littéralement allèguent, entre autres raisons, que Pythagoras fut instruit par les Égyptiens, et que même il se laissa circoncire, afin d’être admis à leurs mystères les plus secrets. ἵνα δὴ καὶ εἰς τὰ ἅδυτα κατελθών, τὴν μυςικὴν παρ᾽ Αἰγυπτίων͵ ἐκμάθοι φι. Propter quos (prophetas Ægyptios) etiam fuit circumcisus, ut adyta ingrediens Ægyptiorum mysticam disceret philosophiam [1]. Or les Égyptiens s’abstenaient des fèves : ils n’en semaient point, et s’ils en trouvaient qui fussent crues sans avoir été semées, il n’y touchaient pas [2]. Leurs prêtres poussaient plus loin la superstition, ils n’osaient pas même jeter les yeux sur ce légume : ils le tenaient pour immonde, ils eussent plutôt mangé la chair de leurs pères. Θᾶττον ἄν τὰς κεφαλὰς φαγεῖν φασι τῶν πατέρων ἢ κυάμους. Dicunt se parentûm capita citiùs esuros quàm fabas [3]. Il faut donc croire, conclut-on, que Pythagoras, le disci- de ces gens-là, interdisait littéralement cette espèce de légume. Plusieurs auteurs graves parmi les anciens entendent ainsi cette interdiction. Quelques-uns ont dit qu’il aima mieux se laisser tuer par ceux qui le poursuivaient, que de se sauver vers un champ de fèves [4], tant il respectait, ou abhorrait cette plante ! Il n’y a, je crois, qu’Aristoxène qui ait dit que Pythagoras en mangeait souvent. Aristoxenus, musicus vir litterarum veterum diligentissimus, Aristotelis philosophi auditor, in libro, quem de Pythagorâ reliquit, nullo sæpiùs legumento Pythagoram dicit usum quàm fabis : quoniam is cibus et subduceret sensim alvum et lævigaret. Verba ista Aristoxeni subscripsi : Πυθαγόρας δὲ τῶν ὀσπρίων μάλιστα τὸν κύαμον ἐδοκίμασε· λίαν κινητικόν τε γὰρ εἶναι, καὶ διαφορητικόν· διὸ καὶ μάλιστα κέχρηται αὐτῷ [5]. Nos savans ne font point grand cas de ce témoignage d’Aristoxène : ils supposent qu’il s’est trompé ; ils regardent comme un fait certain cette abstinence pythagorique, et ils en recherchent les causes. Aristote en a donné quatre ou cinq. Il prétend que ce philosophe défendit de manger des fèves, ou parce qu’elles ressemblent aux parties qu’on ne nomme pas, ou parce qu’elles ressemblent aux portes de l’Enfer, ou parce qu’elles excitent à la luxure, ou parce qu’elles sont semblables à la nature de l’univers, ou parce qu’elles étaient employées dans l’élection des magistrats [6]. Ceux qui veulent que cette défense soit un précepte moral, et que Pythagoras ne l’ait entendue qu’en un sens allégorique, se figurent qu’il a défendu par-là à ses disciples de se mêler du gouvernement. Cela est fondé sur ce qu’en certaines villes, on donnait avec des fèves son suffrage, quand on procédait à l’élection des magistrats. D’autres veulent qu’il ait défendu le plaisir vénérien. Voici un passage d’Aulu-Gelle : il est tiré du chapitre où l’auteur approuve le témoignage d’Aristoxène. Videtur autem de κύαμῳ non esitato causam erroris fuisse, quia in Empedocli carmine quo disciplinàs Pythagoræ secutus est, versus hic invenitur :

Δειλοὶ, πάνδειλοι, κυάμων ἀπὸ χεῖρας ἔχεσθαι.

opinati enim sum plerique κυάμων legumentum vulgè diti. Sed qui diligentiùs anquisitiùsque carmina Empedocli arbitrari sunt, κυάμων hoc in loco testiculos significare dicunt ; eosque more Pythagoræ opertè atque symbolicè κυάμους appellatos, quia sint εἰς τὸ κυεῖν δεινοῖ καὶ ἀίτιοι τοῦ κυεῖν ; et genituræ humanæ vim præbeant, hicchirquoque in Empedocli versu isto non à fabulo edendo, sed à rei venereæ proluvio voluisse homines deducere [7]. Le Mauro, dans un poëme où, sous le nom della Fava, il désigne quelque chose de lascif [8], joint ensemble l’opinion d’Aristoxène, et celle qui le combat. Il prétend que Pythagoras défendait l’usage des fèves, c’est-à-dire le plaisir vénérien ; et que néanmoins il n’y avait point d’aliment qui lui fût plus ordinaire que celui-là : il défendait aux autres ce qu’il pratiquait lui-même ; et cette conduite, si nous en croyons le Manro, est fort commune.

Non fè natura mai cosa sì ghiotta,
   Che sensa quasi romperla co i denti
   Pare, ch’ogni personna se la inghiotta.
Furon certi filosofi prudenti,
   De’ quali fu Pitagora il maestro,
   Che vietava la Fava a quelle genti.
Eran ribaldi, e ladri da capestro.
   Che ingannavan con arte gli ignoranti.
   E poi se ne mangiavano un canestro.
Così fanno hoggi certi mormoranti,
   Che ogni persona sepliscon viva,
   Chiamando Amore, Venere i furfanti.
Riprendono in altrui la vita attiva,
   Et essi ogn’ hor di vespro, e di mattino
   Hanno in uso l’attiva, e la passiva.
Così Maometto già per torre il vino,
   Seppe persuader provincie, e regni
   Co’l suo sottile ingegno, e diavolino.
Gli parve, che i plebei non fosser degni
   Di quel loquore, e così sempre al mondo
   Sovra la forza son stati gl’ ingegni.
Pitogora, c’havea pescato al fondo,
   E de le cose la ragion sapea,
   Ogni gran savio sea parer secondo.
E de le Fave nemico parea,
   Ma se ne confortava il gusto, e’l tatto,
   E d’altra cosa quasi non vivea [9].

Cicéron insinue que l’interdiction des fèves était fondée sur ce qu’elles empêchent de faire des songes divinatoires ; car elles échauffent trop, et par cette irritation des esprits, elles ne permettent à l’âme de posséder la quiétude qui est nécessaire pour la recherche de la vérité. Ex eâdem item opinione M. Cicero, in libro de Divinatione primo, hæc verba posuit : Jubet igitur Plato sic ad sumnum profisci corporibus affectis, ut nihil sit quod errorem animis perturbationemque afferat. Ex quo etiam Pythagoreis interdictum putatur, ne fabâ vescerentur ; quòd habet inflationem magnam is cibus tranquillitatem mentis quærentibus contrariam [10]. Hæc quidem M. Cicero [11]. Le docte Windet approfondit plus doctement que personne les raisons de cette abstinence : il s’attache principalement aux portes d’enfer. Nous avons vu qu’une des raisons de Pythagoras était tirée de la ressemblance entre les fèves et ces portes-là. Windet rejette ceux qui ont dit que κυάμος, Pythagoras avait entendu la gorge les femmes, ou les testicules (78). Il se fixe au sens littéral ; mais il avoue que les fèves furent interdites par un principe de chasteté. Il débite une érudition exquise : il montre qu’au sentiment de Pythagoras, descendre dans les enfers signifiait être engendré, et ne voulait autre chose que le changement que souffre une âme qui sort des régions supérieures, pour s’unir sur la terre à un corps organisé. Cùm autem ἅδης (localiter) sit regio naturæ corruptibilis, hinc pythagoricis animæ cæleste solum vertentes atque ἰεῖσαι εἰς γένεσιν dicuntur etiam κατελθεῖν εἰς ἅδου (79). Il montre que les fèves, n’ayant point de nœuds dans leur tige, ressemblent aux portes de l’enfer par où les âmes ont toujours l’entrée libre, quand il s’agit de génération. Il ajoute que Pythagoras considérant cette vie comme une espèce de mort, ou d’exil, faisait en sorte qu’on n’engendrât pas, et qu’on s’efforçât de retourner aux lieux célestes. [12] Atque in eo portæ inferni similis est faba, διὰ τὸ ἀγόνατον εἶναι, quòd genuum expers sit, ut loquitur Aristoteles [13], vel διὰ τὸ δἰ ὅλου τετρῆσθαι, καὶ μὴ ἐγκόπτεσθαι, ταῖς μεταξὺ τῶν γονάτων ἐμφράξεσιν id est, proptereà quòd penitùs perforetur, nec articulorum sive geniculorum obicibus intercipiatur : perindé ac porta inferni nunquàm oppessulata animabus εἰς γένεσιν κατιούσαις in generationem udentibus perpetuò patet. Pythagoras ergò fabas vetando, cavit à generatione continuâ ac perpetuâ ; insinuans suis, satiùs fuisse pollutum, corruptibilis hujusce regionis hospitium nunquàm intràsse, sed quandò id integrum jam non fuerit, saltem ut admissi quàm primùm generationem sistant, atque ad superiora redire nitantur. Il réfute ceux qui croient que les fèves furent interdites aux disciples de Pythagoras comme un aliment immonde : ce fut, dit-il, pour des raisons saintes et mystérieuses, et qu’ils ne disaient à personne [14]. Quelques-uns d’eux aimaient mieux mourir que de révéler un si grand secret. Une pythagoricienne se coupa la langue, pour n’avoir nul sujet de craindre que la rigueur des tourmens ne la fît parler [15]. Ipsum autem Pythagoram ferunt se vitâ potiùs spoliandum persequentibus ultrò stitisse, quàm per fabetum fugâ sibi consulere voluisse. Jamblicus decem, Suidas quinquaginta pythagoreis itidem factum memorat. Myllias Crotoniata mori ma- luit, quàm Dionysio causas exponere propter quas pythagorei fabis abstinerent. Perindè etiam est quod de ipso Pythagorâ refert Suidas. Mylliæ uxor Timycha, in similem quæstionem veniens, suam sibi linguam præmordit, ne tormentis victa, cogeretur τῶν ἐχεμυθουμένων τι ἀνακαλύψαι arcanorum quidpiam detegere, referente Jamblicho [16]. M. Ménage cite un passage tiré de la Vie de saint Artémius, où l’on trouve que Théano, écolière et femme de Pythagoras, ne voulant point dire la raison qui les faisait s’abstenir des fèves, fut mise à mort ; mais elle eut la langue coupée avant qu’on la fît mourir [17].

Je remarquerai en passant que l’école de Salerne, dans l’édition de Réné Moreau, défend de manger des fèves ;

Manducare fabam caveas, facit illa podagram.

Les savans et amples recueils que ce médecin a publiés sur ce précepte méritent d’être consultés. On y trouvera bien des remarques qui concernent Pythagoras.

  1. Clemens Alexandrinus, Strom., lib. I, pag.  302.
  2. Herodotus, lib.  II, cap.  XXXVII.
  3. Sextus Empiricus, Pyrrhonic. Hypotyp., lib.  III, pag.  156. Voyez aussi saint Chrysos­tome, Homil. II in Johann.
  4. Voyez la remarque (P), citation (128).
  5. Aulus Gellius, lib. IV, cap. XI, pag. m 131.
  6. Aristoteles, in Libro de Fabis, apud Diog. Laert., in Pythagorâ, lib. VIII, num. 34.
  7. Aulus Gellius, lib. IV, cap. XI, pag. m 131.
  8. Voyez l’article Molea, tom.  X, pag.  474, remarque (D).
  9. Mauro, Capitolo in lode della Fava, folio 76 verso, dans un recueil de Rime piaccevoli, imprimé à Vicense, 1603.
  10. Il y a dans Cicéron : inflationem magnam in cibus tranquillitati mentis quærenti vera contrariam. Il faut qu’Aulu-Gelle ait cité de mémoire. Voyez Philippi Caroli Animadversationes in A. Gellium, pag. m. 266, 267.
  11. Aulus Gellius, lib. IV, cap. XI, p. 131.
  12. Idem, pag. 110, 111.
  13. Apud Diogenem Laertium, lib. VIII, n. 34. Ἢ ὄτι ᾅδου πύλαις, ἀγόνατον γὰρ μόνον. Sive quòd inferni januis (similes sint fabæ) solæ enim geniculatæ non sunt.
  14. Nimis autem populariter dictum est. Ægyptios et Pheneatas ipsumque Pythagoram fabas utpotè immundas adspernatos : cum reverà non ob immunditiem sed ob sacras rationes abstinuerint. Windet, de Vitâ functorum Statu, pag. 81.
  15. Conférez ce que fit la courtisane Léæna dans Athènes. Pline, lib. XXXIV, cap. VIII, pag. m. 122 ; Athénée, lib. XIII, pag. 596 ; Pausanias, lib. I, pag. 41 ; Polyænus, lib. VIII, en parlent. Voyez le père Boubours, Entretien du secret, pag. m. 197, 198.
  16. Idem Windet, de Vitâ functorum Statu, pag. 84.
  17. Θεανὼ δἐ, ἡ τούτον γαμετή καὶ μαθήτρια, μὴ θέλουσα τὴν αἰτίαν κατειπεῖν, δἰ ἣν τὸν κυάμον οὐκ ἐσθίουσι, τὴν γλῶτταν ἐκτμηθεῖσα πρότερον καὶ αὐτὴ… προαπόλλυται, etc. Vita sancti Artemii, in Codice MS. Bibliothecæ Colbertinæ, numero 82, pag. 48, apud Menagium, Notis in Diogen. Laërt., lib. VIII, num. 50, pag. 378.

(K) Il passe… pour un insigne magicien.] Citons l’apologie des grands hommes accusés de magie. Il a été réputé sorcier et enchanteur, parce que premièrement il avait long-temps demeuré en Égypte, et s’était exercé en la lecture de livres de Zoroastre où il avait appris, comme il est à conjecturer, la propriété de certaines herbes qu’il nommait Coracésia, Callicia, Ménaïs, Corinthas, et Aproxis, desquelles les deux premières faisaient glacer l’eau quand elles y étaient mises, les deux suivantes étaient fort singulières contre la morsure des serpens, et la dernière s’enflammait soudainement de si loin qu’elle voyait le feu. Comme aussi en l’un de ses symboles il défendait expressément l’usage de fèves, lesquelles, suivant la même superstition, il faisait brouiller et les exposait quelques nuits à la lune, jusques à ce que par un grand ressort de magie elles vinssent à se convertir en sang, qui lui servait peut-être pour faire cet autre prestige duquel fait mention Cælius Rodiginus [* 1] après Suidas et l’interprète d’Aristophanes en la comédie des Nues, qui disent que ce philosophe écrivait avec du sang, un miroir ventru ce que bon lui semblait, et qu’opposant ces lettres à la face de la lune quand elle était pleine, il voyait dans le rond de cet astre tout ce qu’il avait écrit dans la glace de son miroir. À quoi l’on peut encore ajouter qu’il parut avec une cuisse d’or aux jeux olympiques ; qu’il se fit saluer par le fleuve Nessus ; qu’il arrêta le vol d’un aigle, apprivoisa une ourse, fit mourir un serpent, et chassa un bœuf qui gâtait un champ de fèves, par la seule vertu de certaines paroles. Et de plus qu’il se fit voir en même jour et en même heure en la ville de Crotone et en celle de Métapont ; et qu’il prédisait les choses futures avec telle assurance, que beaucoup tiennent qu’il fut nommé Pythagore, parce qu’il donnait des réponses non moins certaines et véritables que celle d’ Apollon pythien. Ces paroles sont de Naudé, au chapitre XV, page 215, de l’Apologie des grands Hommes. Il nous avertit à la page 214, qu’on peut recueillir cela de Jamblique, de Pline, de Tertullien, d’Origènes, de saint Augustin, d’Ammien Marcellin, du jésuite Delrio, et de Boissardus.

(L) Le sieur Naudé l’en justifie.] Consultez son Apologie des grands Hommes : je n’en tirerai que ce qui suit. « Les preuves qui sont fondées sur la défense que ce philosophe faisait de manger des fèves, et le moyen qu’il tenait pour convertir leur suc en sang, se peuvent aussi facilement réfuter que les précédentes, puisque Reuchlin se moque à bon droit de toutes les inepties que beaucoup de cervelles creuses et disloquées ont forgées sur cette défense, telles que pouvait être celle de Hermippus dans Diogènes, qui croyait que Pythagore avait mieux aimé se faire tuer sur le bord d’un champ de fèves, que au travers pour se mettre à couvert de ses ennemis. Et si tant est qu’il les ait défendues, ce n’a été pour autre raison que la première des cinq qu’en donne M. Moreau [* 2] au lieu que nous avons cité de son commentaire sur l’École de Salerne [1]… L’on peut dire pareillement qu’il n’y avait rien d’extraordinaire en cette conversion qu’il faisait des fèves en sang, vu que M. Moreau montre très-clairement en son dit commentaire, que suivant les principes des chimistes qui mettent la similitude et ressemblance pour causes de l’action, c’est une chose qui se peut faire et expliquer par raisons naturelles : sans toutefois que l’on doive persuader que Pythagore se servit de cet élixir de fèves, ou du sang humain, pour écrire sur son miroir ventru ; car outre le peu de raison qu’il aurait eu d’y employer plutôt le sang que quelque autre liqueur, Campanella [* 3] prouve par des raisons très solides, que cette opération est du tout impossible : et quand Agrippa [* 4] s’est vanté d’en avoir le secret, et Noël des Comtes [* 5] a écrit que du temps de François Ier et Charles-Quint l’on savait à Paris la nuit tout ce qui s’était passé le jour au château de Milan, le premier ne le disait que pour se vanter et mettre en vogue, ce que nous montrerons plus amplement dans son chapitre ; et la relation du dernier est une pure fable et bourde controuvée par ceux qui ont voulu joindre la magie aux armes de ces deux grands princes [2], comme l’on dit que firent autrefois Ninus et Zoroastre, Pyrrhus et Crésus, Nectanébus et Philippes de Macédoine. Ce qui nous doit faire juger que tout ce que l’on dit de ce miroir de Pythagore lui est aussi faussement attribué que l’arithmétique superstitieuse et la roue de l’onomantie ; ou que s’il l’a jamais mis en pratique, c’était infailliblement quelque jeu, prestige et subtilité : et pour conclure avec Suidas, ποίγνιον διὰ κατόπτρου [3]… Il n’y aurait aussi aucune apparence d’insister plus long-temps sur ce que Pythagore fit mourir en prononçant certains mots, un serpent qui faisait beaucoup de dommage en Italie, parce que Bossardus, qui nous donne Aristote pour garant de cette histoire, ne cite point le livre d’où il l’a prise ; et que si l’on veut en rechercher la vérité de plus près, l’on trouvera qu’elle est totalement fausse, n’étant fondé que sur l’ignorance de ceux qui changent Socrate en Pythagore, et qui prennent pour argent comptant la fable qui est récitée du premier dans un livre des Causes et Propriétés des Élémens que Patrice [* 6] montre avoir été faussement attribuée à Aristote. Mais cette inadvertance de Boissardus pourrait être facilement excusée, s’il n’en avait commis une beaucoup plus grande et remarquable, quand il cite Plutarque en la vie de Numa, pour autoriser l’histoire du bœuf que Pythagore [* 7] fit retirer d’un champ de fèves après lui avoir chuchoté quelque chose à l’oreille. Il eut mieux fait de confesser qu’il l’avait traduite de Cæœlius Rodiginus qui cite véritablement Plutarque au commencement de son chapitre mais sur un autre sujet que celui de cette fable, de laquelle on ne trouvera point qu’il ait fait jamais aucune mention [4]. »

Je crois qu’on sera bien aise de trouver ici les paroles grecques du scoliaste d’Aristophane, corrigées par le savant Méziriac. Je conclurai ce discours, dit-il [5], par une jolie remarque sur la comédie des Nuées, et Suidas sur ces mots Θετταλὴ γυνὴ qui, d’une merveille de magie sur le sujet de la lune, Voici Les propres mots du scoliaste. Ἐστι δὲ καὶ Πυθαγόρον παίγνιον διὰ τοῦ κατόπτρου τοιοῦτο. πληροσελήνου τῆς σελήνης οὔσης, εἴ τις ἔσοπτρον ἐπιγραάπαειεν αἵματι ὅσα βούλεται, καὶ προειπὼν ἑτέρῳ, σταίη κατόπιν αὐτοῦ, δεικνὺς πρὸς τὴν σελήνην τὰ γράμματα, κἀκεῖνος ἀτενίσειεν ὁ πλησίον εἰς τὸν τῆς σελήνης κύκλον, ἀναγνοίη πάντα τὰ ἐν τῷ κατόπτρῳ γεγραμμένα, ὡς ἐπὶ τὴς σελήνης γεγραμμένα. Il y a un jeu de l’invention de Pythagoras, qui se fait avec un miroir en cette sorte. La lune étant au plein, quelqu’un écrit dans un miroir tout ce qu’il veut, avec du sang, et ayant averti un autre, il se tient derrière lui, et tourne vers la lune les lettres écrites dans le miroir ; alors cet autre là fichant son regard attentivement dans le globe de la lune, y lit tout ce qui est écrit dans le miroir, comme s’il était écrit dans la lune. En ce passage j’ai corrigé deux fautes, mettant, πληροσελήνου au lieu de προσελήνου, suivant l’opinion du docte Meursius, en son livre des jeux des Grecs, qui tire cette correction de Suidas ; et lisant aussi ἀτενίσειεν au lieu de ἀτενίσαι. Quant à Suidas, il semble qu’il n’a fait que transcrire ce passage mot à mot ; mais dans tous ses livres imprimés de cet auteur il y a plusieurs fautes. Vous trouverez dans Méziriac la correction de ces fautes. Consultez les remarques sur le Berger extravagant [6]. La chimère de Noël le Comte [7] a passé dans plusieurs livres, tant il est vrai qu’on fait du tort au public en imprimant un ouï-dire ! il ne se trouva que trop d’auteurs qui l’adoptent de main en main. Parce que le feuillant Saint-Romuald inséra ce Conte dans son Trésor Chronologique, le père l’Enfant l’a inséré dans son Histoire générale de tous les Siècles de la nouvelle Loi. La manière, dit-il [8], de savoir les choses absentes, sans magie : il les faut écrire en grosses lettres sur un miroir, et le présenter à la lune, laquelle les fait connaître dans un autre miroir où on la regarde. De cette manière, François Ier, faisant la guerre à Charles-Quint pour le duché de Milan, on la savait la nuit suivante à Paris ([9]). Si l’on rapportait de telles choses pour s’en moquer, on éviterait la censure. C’est ainsi que Jean Léon a rapporté une fable qui se débitait en Égypte. Entre les Ptolomées, dit-il [10], il y en eut jadis un, roi d’Alexandrie, qui pour rendre la cité assurée, inexpugnable, et qui pût sans danger eviter les durs efforts de ses ennemis, fit ériger cette colonne : et à la sommité d’icelle il fit poser un grand miroir d’acier, ayant telle vertu on soi, que tous les vaisseaux des ennemis qui passaient devant cette colonne (étant le miroir découvert) miraculeusement commençaient à s’embraser ; et pour ce seul effet, l’avait fait ainsi dresser sur la bouche du port. Mais on dit que Les mahométans, à leur arrivée, gâtèrent le miroir : au moyen de quoi il vint à perdre cette vertu non moins admirable qu’inusitée puis firent emporter la colonne. Chose certes ridicule, et digne d’être proposée aux enfans, et non à ceux qui ont quelque jugement. Joignez à ceci ce que j’ai dit dans la remarque (L) de l’article Hercule, tome VIII, et ces paroles de Guillaume Bouchet. Il falloit que le mirouër de cette femme fust faciné et garni de magie diabolique de Tolede : veu que ceux de Rhodes pouvoient voir les navires qui allaient en Syrie ou en Égypte en un mirouër, lequel estoit pendu au cou du soleil sur leur colosse [11].

La fable des miroirs de Nostradamus ne vaut pas mieux que les précédentes. On veut qu’il ait vu dans des miroirs talismaniques l’avenir que l’on prétend qu’il a si heureusement révélé. Fuit, qui narravit, speculis quibusdam astrologicis Nostradamum ad has prædictiones usum. Nam, qui arcaniora physica et astrologica cognita habent, aiunt è metallis, tanquàm planetis terrestribus, eâdem configuratione, quâ planetæ in thematibus natalitiis ponuntur, sub certis constellationibus specula fieri posse, in quibus futura cernantur. Talia specula non pro hominibus tantium, sed et natonibus, urbibus, seculis, ut illi aiunt, fabricari possunt [12] [* 8].

  1. * Lib. 9, cap. 23.
  2. * Cap. 19.
  3. * Lib. 4 de Sensu, cap. 16.
  4. * Lib. 1 de occult., Philosoph., cap. 16.
  5. * Lib. 3, cap. 17, Mytholog.
  6. * Discussion. peripat. som. I, lib. 2.
  7. * Lib. 19, cap. 7.
  8. * On a débité dans une satire contre les jésuites, intitulée : De Studiis abstrusioribus Jesuitarum, « que le père Coton faisait voir au roi » (Henri-le-Grand), dans un miroir étoilé, ce qui se passait és cours et cabinets de tous les princes du monde (Réponse apologétique à l’Anti-Coton, pag.  141). » Et le jésuite qui me l’apprend s’échauffe beaucoup trop à réfuter ce conte. Nicolas Pasquier en rapporte un tout semblable : et notez qu’il ne le fait point pour s’en mocquer ; mais qu’il le raconte le plus sérieusement du monde dans une lettre toute remplie de pronostications qui devancèrent la mort de Henri-le-Grand. Je le transcrirai d’autant plus volontiers ici, que c’est un des plus circonstanciés en ce genre, et par conséquent des plus propres à en faire sentir le ridicule. « La feue reine-mère (Catherine de Médicis) dit Pasquier, (Lettres de Nicolas Pasquier, pag.  10), désireuse de savoir si tous ses enfans monteraient à l’état, un magicien dans le château de Chaumont, qui est assis sur le bord de la rivière de Loire entre Blois et Amboise, lui montra dans une sale, autour d’un cercle qu’il avait dressé, tous les rois de France qui avaient été et qui seraient, lesquels firent autant de tours autour du cercle qu’ils avaient régné et devaient régner d’années : et comme Henri troisième eût fait quinze tours entiers, et voulant achever le vingt et unième, il disparut. À La suite vint un petit prince de l’âge de huit à neuf ans, qui fit trente-sept ou trente-huit tours : et après cela toutes choses se rendirent invisibles parce que la reine-mère n’en voulait point davantage. » Remarquez que son prétendu enchantement cloche dès qu’il entre dans l’avenir. Il dit bien qu’Henri III fit quinze tours, et qu’Henri IV en fit vingt et disparut au vingt et unième, parce qu’il écrit après l’événement (son livre fut publié en 1623. Sa lettre est sans date ; mais il paraît qu’elle fut écrite peu de jours après la mort de Henri IV) ; mais dès qu’il parle du règne de Louis XIII, il s’égare. Il lui fait faire trente-sept ou trente-huit tours ; ce qui l’aurait conduit jusqu’en 1647 ou 1648 : au lieu que tout le monde sait qu’il n’alla que jusqu’en 1643. L’auteur d’un petit libelle intitulé : Remarques sur le gouvernement du royaume durant les règnes de Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV, imprimé à Cologne, chez Pierre Marteau, en 1688, in-12, a tourné ainsi ce conte. L’on dit qu’elle (Catherine de Médicis) se servit aussi des enchantemens de ses devineurs pour savoir les successeurs de son fils ; et que par le moyen d’un miroir ils lui faisaient apparaître qui devait régner après l’extinction de la race des Valois. Le premier qui parut fut Henri IV ; mais elle conçut une aversion et une haine implacable contre ce prince, s’étant toujours efforcée depuis cette vue de le perdre par tous les artifices imaginables.

    … Notumque furens quid fœmina possit.

    Il est assez notoire que ce que peut faire une femme en furie, et qu’il n’y a rien dont elle ne vienne à bout. Mais Dieu délivra ce monarque de toutes ses embûches. Après le roi Henri IV, le miroir lui fit paraître Louis XIII, Louis XIV avec une taille et un port plein de majesté. Après quoi parut dans le miroir une troupe de jésuites, qui devaient à leur tour être les maîtres de la France. Elle n’en voulut point voir davantage, et fut même sur le point de casser le miroir ; mais il fut pourtant conservé, et plusieurs assurent qu’il est encore à présent dans le Louvre (Remarques sur le Gouvernement du royaume, etc., pag. 15 et 16). Il est tout visible que ce récit n’est qu’une copie revue et augmentée de celui de Nicolas Pasquier ; mais admirez avec quelle hardiesse on l’a falsifié. I. On y fait paraître Henri IV le premier, au lieu que Pasquier fait paraître avant lui tous ses prédécesseurs. II. On y étend jusqu’à Louis XIV et au delà ce qu’il n’avait conduit que jusqu’à Louis XIII. III. On y insinue que cela se passa au Louvre, au lieu qu’il dit que ce fut à Chaumont sur Loire, IV. On y parle d'un miroir, et il ne perle que d’un cercle. V. On y conserve ce miroir, qui est, dit-on, encore au Louvre. VI. On dit que Catherine de Médicis voulut casser le miroir, au lieu que Pasquier dit qu’elle se contenta de ne vouloir plus rien voir. Je ne dis rien de cette réflexion si ingénieusement placée, et que l’on contredit tout aussitôt ; ni de cette belle prédiction en faveur des jésuites, dont nous voyons si bien aujourd’hui la fausseté ; ni de ce qu’on avance si ridiculement touchant la cause de la haine de Catherine de Médicis pour Henri IV : on sait assez qu’elle avait d’autres raisons de ne le point aimer. On trouvera peut-être que c’est trop insister sur de telles bagatelles ; mais il n’est pas aussi inutile qu’on le pourrait penser de réfuter ces sortes de traditions, et d’en faire voir le progrès, puisqu’on voit tous les jours des personnes assez crédules pour les admettre et pour les débiter sans honte. Combien y a-t-il de gens, par exemple, qui ont lu le dernier de ces récits sans savoir et sans soupçonner que ce n’était qu’une broderie de celui de Pasquier ? Tel est la destin de ces sortes de traditions : elles s'accroissent avec le temps : l'on peut fort bien leur appliquer le

    Vires acquirit eundo.

    Rem. crit.
  1. Naudé, Apologie des grands Hommes accusés de Magie, pag. 225, 226.
  2. Voyez l’article François Ier, tom. VI, pag. 572, remarque (K).
  3. Naudé, Apologie des grands Hommes accusés de Magie, pag. 226, 227.
  4. Naudé, là même, pag. 237.
  5. Méziriac, sur les Épîtres d’Ovide, pag. 607, 608.
  6. Sur Le VIIe. livre, pag. m.321.
  7. Voyez sa Mythologie, liv. III, chap. XVII, pag. m. 253.
  8. David l’Enfant, dominicain, Histoire générale de tous les Siècles, au 21 de juin ; pag.  347. Il cite Trésor chronol., pag. 519, tom. L.
  9. Voyez ci-dessous la remarque (Q).
  10. Jean Léon, Description d’Afrique, folio 358, édition d’Anvers, 1556 : je me sers de la traduction française de Jean Temporal.
  11. Guillaume Bouchet, Série XIX, pag.  m. 171, 172.
  12. Morhofius, Poly-Hist., lib. I, cap. X, pag. 96.

(M) Je m’arrêterai peu sur la métempsycose.] On prétend que Pythagoras se glorifiait là-dessus d’un privilége tout particulier [* 1] ; car il se vantait de se souvenir dans quels Pythagoras. Mais il ne remontait que corps il avait été avant que d’être jusqu’au siècle du siége de Troie. II avait été premièrement Æthalide, fils Putatif de Mercure, et ayant à son choix de demander à ce dieu tout ce qu’il voudrait, il lui demanda la grâce de se souvenir de toutes choses, même après sa mort. Quelque temps après il fut Euphorbus, et reçut de Ménélas une blessure au siége de Troie. Aprés la mort d’Euphorbus, il fut Hermotime, et puis un pêcheur de Délos, nommé Pyrrhus ; et enfin Pythagoras, homme qui se souvenait de toutes ces transmigrations, et de ce qu’il avait souffert dans les enfers, et que les autres âmes y souffrent [1]. Voici une petite contradiction [2] ; car si les âmes en sortant d’un corps passent en un autre, elles ne vont point dans les enfers. Notre philosophe dans Ovide, ne remonte que jusqu’à Euphorbus :

Morte carent animæ, semperque priore relicta
Sede, novis domibus vivunt, habitantque receptæ.
Ipse ego (nam memini) Trejani tempore belli
Panthoides Euphorbus eram : cui pectore quondam
Hæsit in adverso gravis hasta minoris Atride.
Cognovi clypeum lævæ gestamina nostræ
Nuper Abantais, templo Junonis, in Argis [3].

Ô l’heureuse mémoire d’homme ! s’écrie agréablement Lactance : O miram et singularem Pythagoriæ memoriam ! O miseram oblivionem nostrûm omnium, qui nesciamus, qui antè fuerimus ! sed fortassè vel errore aliquo, vel gratiâ sit effectum, ut ille solus lethæum gurgitem non attigerit, nec oblivionis aquam gustaverit. Videlicet senex vanus (sicut ociosæ aniculæ solent) fabulas tanquàm infantibus credulis finxit. Quòd si benè sensisset de iis, quibus hæc locutus est, si homines eos existimâsset, nunquàm sibi tam petulanter mentiendi licentiam vendicâsset. Sed deridenda hominis levissimi vanitas [4]. Lactance ne devait pas révoquer en doute que Pythagoras n’attribuât sa mémoire à une faveur des dieux ; il le pouvait lire dans Héraclide ; et sans cela, dira-t-on, il était aisé de s’imaginer que Pythagoras alla au-devant de l’objection que les autres hommes lui pouvaient faire, eux qui ne se souvenaient d’aucune préexistence. Voici une réponse à cette objection. À certains égards il n’est point probable qu’il ait eu assez de hardiesse pour se vanter d’une telle chose : il eût fallu, comme l’observe Lactance, que son mépris pour les autres hommes fût monté au dernier point ; mais si l’on tourne la médaille on ne trouvera rien là qui choque la vraisemblance. Il s’était acquis une telle réputation, et il avait fait tant d’expériences sur l’aveugle docilité, et sur la crédulité infinie de ses auditeurs, qu’il pouvait bien se promettre qu’on lui passerait tout ce qu’il dirait de sa mémoire. Si vous voulez savoir ses transmigrations depuis la mort de Pythagoras, vous n’avez qu’à jeter les yeux sur ces paroles, vous y apprendrez qu’au troisième changement il fut une courtisane. Pythagoram verò ipsum sicuti celebre est Euphorbum primo se fuisse dictitâse ; ita hæc remotiora sunt his, quæ Clearchus et Dicæarchus memoriæ tradiderunt, fuisse eum posteà Pyrandrum, deindè Callicleam, deindè fæminam pulchrâ facie meretricem, cui nomen fuerat Alce [5]. Au reste, il n’inventa pas la métempsycose ; il l’apprit des Égyptiens [6] : cela lui fit gâter les belles leçons qu’il avait ouïes de Phérécyde sur l’immortalité de l’âme, et qui l’avaient tant touché, qu’il abandonna tout d’un coup le métier d’athlète pour étudier en philosophie. Quis nunc extremus idiota, vel quæ abjecta muliercula non credit animæ immortalitatem, vitamque post mortem futuram ? Quod apud Græcos olim primus Pherecydes Assyrius cùm disputâsset, Pythagoram Samium illus disputationis novitate permotum ex athletâ in philosophum vertit [7].

  1. * L’auteur des Observations insérées dans La Bibliothéque française, XXX, 3, remarque que ce privilége n’est pas le seul du moins qui se soit vanté d'un tel privilége, puisque Julien, dit l’Apostat, au rapport de Socrate (Histoire ecclésiastique, III, 21), croyait posséder l’âme d’Alexandre-le-Grand.
  1. Ex Heraclide Pontico, apud Laertium, lib. VIII, num. 4 et 5.
  2. Conférez ce que dessus, vers la fin de la remarque (F) pag. 133.
  3. Ovidius Metam., lib. XV, vs. 158.
  4. Lactant., divin. Institut., lib. III, cap. XVIII, pag. m. 196.
  5. Ant. Gellius, lib. XV, cap. XI. Voyez, tom. XI, pag. 19, l’article Périclès, citation (186).
  6. Herodotus, lib. II, cap. CXXIII, où il tait néanmoins le nom de Pythagoras. Mais Diodore de Sicile, lib. I, sub finem, ne le tait point.
  7. Augustinus, epist. III, pag. m. 9.

(N) On remarque qu’il adora un autel, comme un lieu qui n’avait pas été profané, ou pollué.] C’était un autel consacré à Apollon, dans l’île de Délos. Lisez ces paroles de Macrobe [1] : Constat, sicut Cloatius Verus ordinatorum libro secundo docet, esse Deli aram, apud quam hostis non cœditur, sed tantùm sollemni deum prece venerantur, verba Cloatii hæc sunt : Deli ara est Apollinis Γενήτορος, in quâ nullum animal sacrificatur : quam Pythagoram velut inviolatam adoravisse produnt… Meminit hujus aræ et Cato de liberis educandis in hæc verba : Nutrix hæc omnia faciebat in verbenis ac tubis sinè hostiâ, ut Deli ad Apollinis Genitivi aram.

  1. Macrob. Saturn., lib III, cap. VI, pag. m. 316.

(O) Rien de plus beau… que ce qu’il disait de Dieu, et du but où nous devons tendre.] Il a reconnu l’unité de Dieu ; car il a dit que l’unité était le principe de toutes choses, et que d’elle était sorti le sujet qu’elle employa comme sa matière, et que de son action sur cette matière sortirent les nombres, les figures, les élémens, le monde visible, etc. Ἀρχὴν μὲν τῶν ἁπάντων, μονάδα. ἐκ δὲ τῆς μονάδος ἀόριστον δυάδα, ὡς ἂν ὕλην τῇ μονάδι αἰτίῳ ὄντι ὑποστῆναι, etc. [1]. Omnium rerum id quod unum est, esse initium ; ex eo geminum quod infinitum est, profectum tanquam materiem illi ipsi uni, quod causa est, subjectum esse, etc. [2]. Il a dit que cette unité était Dieu, le bien, l’entendement, l’esprit, Τὴν μὲν μονάδα θεὸν, καὶ τἀγαθὸν, ἥτις ἐστὶν ἡ τοῦ ἑνὸς φύσις, αὐτὸς ὁ νοῦς. Unitatem Deum ac honum quæ sit Unius natura, ipsa mens [3]. Casaubon le fils [4] rapporte un passage de Stobée qu’il faut corriger. Πυθαγόρας τῶν ἀρχῶν τὴν μὲν μονάδα θεὸν καὶ τ’ἀγαθὸν, ἥτις ἐστὶν ἡ τοῦ νοὸς φύσις, ὁ αὐτὸς ὁ νοῦς. καὶ τὴν ἀόριστον δυάδα, καὶ τὸ κακὸν περὶ ἥν ἐστιν τὸ ὑλικον πλῆθος. Stobée avait pris cela de Plutarque [5], il faut donc effacer τοῦ νοὸς, et mettre τοῦ ἔνος. La doctrine de Pythagoras n’est point là aussi orthodoxe que dans le passage de Diogène Laërce ; car, selon Plutarque, il admettait deux principes indépendans, l’unité, et le binaire, et il donnait au premier l’essence divine la bonté, l’entendement ; et à l’autre la nature d’un démon, le mal, la matière. Nous jugerons plus avantageusement de son dogme, si nous le prenons dans Clément Alexandrin. Οὐκ ἀποκρυπτέον οὐδὲ τοὺς ἀμφὶ τὸν Πυθαγόραν, οἵ φασιν, Ὁ μὲν Θεὸς, εἶς, χ’οὗτος δὲ, οὐχ ὥς τινες ὑπονοοῦσιν, ἐκτὸς τᾶς διακοσμήσιος, ἀλλ’ἐν αὐτᾷ ὅλος, ἐν ὅλῳ τῶ κύκλῳ, ἐπίσκοπος πάσας γενέσιος, κράσις τῶν αὐτοῦ δυναμίων καὶ ἔργων ἁπάντων, ἐν οὐρανῷ φωστὴρ, καὶ πάντων πατήρ, νοῦς καὶ ψύχωσις τῷ ὅλῳ κύκλῳ, πάντων κίνασις. Nec verò prætermittendi sunt Pythagoræ ectatores, quippe qui dicant, Deum quidem unumesse, non ita tamen, ut quidam opinantur, quasi sit extramundi administrationem, sed est totus in ipsâ, in toto circulo, speculator totius generationis, universorum contemperatio, qui semper est, et suas facultates deducit ad opus, omnium operum in cælo illustrator, pater omnium, mens et animatio totius circuli, omnium motus [6]. Le mal est que Pythagoras, en se représentant Dieu comme le moteur de l’univers et l’âme du monde, voulait que nos âmes fussent des portions de Dieu. L’objection qu’on lui propose là-dessus dans Cicéron est insoluble. Nam Pythagoras, qui censuit (Deum) animum esse per naturam rerum omnem intentum et commeantem, ex quo nostri animi caperentur, non vidit distractione humanorum animorum discerpi et dilacerari Deum : et cùm miseri animi essent, quod plerisque contingeret, tùm Dei partem esse miseram : quod fieri non potest. Cur autem quicquam ignoraret animus hominis, si esset Deus ? quomodò porrò Deus iste, si nihil esset nisi animus, aut infixus, aut infusus esset in mundo [7]. Saint Épiphane attribue à ce philosophe un sentiment qui ne vaut rien, c’est d’avoir donné à Dieu une nature corpo- relle, et organique, Dieu n’étant autre chose que le ciel, et se servant du soleil et de la lune comme de deux yeux, et ainsi des autres parties du firmament [8]. Mais voici une pensée qui est simplement et absolument vraie. Clément Alexandrin la compare avec les paroles de saint Paul. Il n’y a que Dieu qui soit sage, disait Pythagoras [9]. L’auteur des Antiquités Judaïques paraît fort content de ce que plusieurs philosophes, et nommément celui-ci, pensaient de la nature de Dieu ; et il ne doute point qu’ils n’eussent parlé encore plus sainement, s’ils n’eussent craint la persécution ; car, comme dit Platon, il n’est point sûr de dire la vérité touchant la nature divine à des ignorans. Καὶ γάρ Πυθαγόρας καὶ Ἀναξαγόρας καὶ Πλάτων, καὶ οἱ μετ’ ἐκέινους ἀπὸ τῆς στοᾶς φιλόνονται, περὶ τῆς τοῦ θεοῦ φύσεως πεφρονηκότες. ἀλλ' οἱ μὲν πρὸς ὀλίγον φιλοσοφοῦντες εἰς πλῆθος δόξαις προκατειλημμένον τὴν ἀλήθειαν τοῦ δόγματος ἐξενεγκεῖν οὐκ ἐτόλμησαν… Αὐτὸς δὲ Πλάτων ὡμολογησεν, ὅτι τὴν ἀληθῆ περὶ θεοῦ δόξαν εἰς τὴν τῶν ὄχλων ἄγνοιαν οὐκ ἦν ἀσφαλὲς ἐξενεγκεῖν. Pythagoras enim, et Anaxagoras, et Plato, et post illos philosophi stoici, et penè cuncti, videntur de divinâ sapuisse naturâ. Sed hi quidem ad breve philosophantes, populo superstitionum opinionibus jam præoccupato veritatem dogmatis pro ferre timuêre [10]Ipse siquidem Plato confessus est, quia veram de Deo opinionem propter ignorantiam plebis proferre securum non est [11]. Le même Josèphe assure que Pythagoras surpasse en piété et en sagesse tous les anciens philosophes [12]. N’oublions pas cette observation de Plutarque lorsqu’il montre la conformité qui se trouvait entre les pensées de Numa et celles de Pythagoras, il dit que Numa ne voulut point qu’on représentât la divinité par des images, et que Dieu, selon Pythagoras, est une nature impassible, qui ne tombe point sous les sens, et qui ne peut être que l’objet de l’entendement [13]. Οὔτε γὰρ ἐκεῖνος αἰσθητὸν ἢ παθητὸν, ἀόρατον δὲ καὶ ἀκήρατον καὶ νοητὸν ὑπελάμβανεν εἶναι τὸ πρῶτον. Neque enim ille sensui aut ulli dolori expositum rerum principium esse, sed invisibile incorruptum, sola mente existimavit apprehensibile [14].

Quant au but de nos actions et de nos études, on ne peut rien voir de plus admirable, ni de plus chrétien, que ce qu’en a dit Pythagoras ; car il voulait que l’étude de la philosophie tendît à rendre les hommes semblables à Dieu. Πρὸς τὴν θέιαν ὁμοίωσιν ἀνάγει, καὶ τῆς Πυθαγορικῆς φιλοσοφίας τὸν τελειότατον σκοπὸν ἐκκαλύππει ad divinam similtudinem ducunt, pythagoricaque philosophiæ finem perfectissimum ostendunt [15]. Voilà l’éloge que l’on donne à une pièce de poésie qui contient les dogmes de ce philosophe. Ils contenaient deux parties que l’on pourrait fort bien comparer à la voie purgative, et à la voie unitive, dont nos mystiques ont dit tant de belles choses. Hierocles, qui commentarios eruditissimos in Carmen Aureum Pythagoræ reliquit, statim ab initio de pythagoricâ philosophiâ disserens, appellat, eam κάθαρσιν καὶ τελειότητα purgationem, et perfectionem. Quæ duo cùm subindicent officium ipsius duplex ac propositum, ut loco alio monstravi, duplicem videri possunt Pythagoras et pythagorici habuisse philosophiam, quarum illa sit καθαρτικὴ, hæc vero τελικὴ ; illa, quæ purgat à malis, separat à materiâ et corpore, liberat à vinculis et carcere ; hæc, quæ perficiat, evehat et reportet sursùm, et εἰς τὸ εἶδος τῆς προτέρας ἕξεως, ut loquitur Hierocles, id est habitus prioris formam inducat, similesque faciat Deo… Id quo ipse indicat Hierocles in sequentibus, quandò dicit, περιέχει (carmen aureum)) πάσης φιλοσοφίας πρακτικῆς καὶ θεωρητικῆς τὰ καθόλου δόγματα, δὶ ὧν ἄν τις ἑαυτὸν καθαρὸν ἀπολάυω καὶ τὴν πρὸς θεὸν ὁμοίωσιν ἐντουχήσειε. Continet philosphiæ omnis practicæ ac theoreticæ decreta summa quibus quis et purgarese, et similem Deo facere valent [16]. L’auteur que je cite allègue [17] plu­sieurs passages qui témoignent que, selon ce philosophe, l’acquisition de la vérité était l’unique moyen de parvenir à être semblable à Dieu ; mais que pour connaître la vérité il la fallait rechercher avec une âme purifiée, et qui eût dompté les passions du corps, d’où il conclut ce que l’on va lire : Ex iis quæ superiori capite attulimus, manifestum est, philosophiam Pythagoricam id habere sibi maximè propositum, ut ad quandam similitudinem cum Deo sectatores suos ducat ; id verò fieri aliter non posse, quàm si veritati atque sapientiæ purâ integrâque mente incumbatur [18]. Joignons à cela le témoignage de l’anonyme qui avait écrit la vie de Pythagoras. Il dit [19] que les sectateurs de ce philosophe enseignaient qu’on se perfectionne en trois manières, 1°. en conversant avec les Dieux : car pendant ce commerce on s’abstient de toute mauvaise action, et l’on se rend semblable aux Dieux autant qu’une telle chose est possible ; 2°. en faisant du bien aux autres, car c’est le propre de Dieu, c’est l’imitation de Dieu [20] ; 3°. en sortant de cette vie. Les plus beaux présens que le ciel ait faits à l’homme, selon Pythagoras, sont de dire la vérité, et de rendre de bons offices : ces deux choses, disait-il, ressemblent aux œuvres de Dieu [21].

  1. Diog. Laërtius, lib. VIII, num. 25.
  2. C’est ainsi qu’Aldobrandin traduit au commencement de sa notes sur ces paroles de Laërce. Voyez aussi Loïc Casaubon, sur Laërce, ibidem, num. 83.
  3. Plut., De Placidis Philosoph., lib. I, cap. VII, pag. 881.
  4. Not. in Diogenem Laertium, in Alcmæone, lib. VIII, num. 83.
  5. Après ce qu’on vient de citer de Plutarque on lit : Τὴν δ’ἀόριστον δάαδα δαίμονα καὶ τὸ κακὸν, περὶ ἥν ἐστὶ τὸ ὑλικὸν πλῆθος, ἐστὶ δὲ καὶ ὁρατὸς ὁ κόσμος. Infinitam autem binarii naturam, genium et malum undè est multitudo materiæ, et visui expositus mundus.
  6. Clem. Alexandr., in admonit. ad Gentes, pag. 47. C. Voyez aussi Justin Martyr, Oratione ad Gentes, pag. 58.
  7. Cicero, de Naturâ Deorum, lib. I, cap. XI. Consultez Minucius Félix, qui a dit, pag. m. 151 : Pythogoræ Deus est animus per universam reru naturam commeans, et intentus : ex quo etiam animalium omnium vita capiatur. Lactance dit la même chose, lib. I, cap. V, pag. m. 14.
  8. Epiphan., hær. XV, pag. 14.
  9. Apud Clement. Alexandr. Stromat., lib. IV, pag. 477.
  10. Josephus, contrà Appion., lib. II, pag. 1071.
  11. Idem, ibidem, pag. 1076.
  12. ὑπειλημμένος διενεγκεῖν τῶν φιλοσοφησάντων. Sapientiâ et divinâ pietate philosophos omnes excellens. Idem, lib. I, contrà Appion., pag. 1046.
  13. Plut., in Numâ, pag. 65.
  14. Idem, Plutarchus, ibidem, B.
  15. Hierocles, in præfatione ad Carmina aurea, circà finem. Voyez aussi Stobée, eclog. XI, cap. III, où il est dit : Σωκράτης, Πλάτων ταὐτὰ τῷ Πυθαγόρᾳ, τέλος ὁμοίωσιν θεω. Socrates et Plato quemadmodùm Pythagoras finem dixerunt, Dei similitudinem.
  16. Johannes Schefferus, de Naturâ et Constitutione Philosophiæ Italicæ, cap. X, pag. 78.
  17. Ibidem, cap. VII.
  18. Idem, ibidem, cap. VIII, pag. 56.
  19. Apud Photium, Codice CCXLIX, pag. 1313.
  20. Δεύτερον ἐν τῷ εὖ ποιεῖν. θεοῦ γὰρ τοῦτο καὶ θέιας μιμήσεως. Deindè benè de aliis merendo : Dei enim hoc proprium est, in eoque Deum imitatur. Photius, ibidem.
  21. Ælianus, Var. Hist., lib. XII, c. LIX.

(P) Les circonstances de sa mort sont rapportées diversement.] Il demeurait à Crotone chez Milon, avec ses disciples, et on l’y brûla. Un homme qu’il n’avait point voulu admettre dans cette société, mit le feu à la maison [1]. Apparemment la physionomie de ce personnage n’était pas heureuse : car Pythagoras ne recevait pour disciples que ceux dont la mine lui revenait, après l’avoir examinée selon les règles de l’art. C’était la première de ses démarches. Jam à principio adolescentes qui sese ad discendum obtulerant, ἐφυσιογνωμόνει. Id verbum significat, mores naturasque hominum, conjectatione quâdam de oris et vultûs ingenio, deque totius corporis filo atque habitu, sciscitari. Eum, qui exploratus ab eo idoneusque fuerat, recipi in disciplinam statim jubebat [2]. Il y en a qui disent [3] qu’il fut soupçonné de machiner l’usurpation de la souveraineté ; et que, pour aller au-devant de cette entreprise, les Crotoniates mirent le feu à son logis. Il se sauva au travers des flammes, et sortit hors de la ville : mais comme il entrait dans un champ de fèves, il s’arrêta, et il aima mieux se laisser tuer, que d’ouvrir la bouche, et que de gâter les fèves [4]. Selon Dicéarque [5] il s’enfuit au temple des Muses, à Métapont, et y mourut de faim après un jeûne de quarante jours. D’autres disent [6] qu’au retour du voyage qu’il avait fait à l’île de Délos, pour y fermer les yeux à son maître Phérécyde, et pour l’enterrer, il termina lui-même le cours de sa vie en s’abstenant de nourriture. Selon d’autres [7], il mena tous ses disciples au secours des Agrigentins, contre ceux de Syracuse ; et ayant été battu, il fut tué pendant qu’il fuyait autour d’un champ de fèves. Cela ne s’accorde guère, ni avec les quatre-vingts ans que l’on dit [8] qu’il a vécu, ni avec les quatre-vingt-dix [9] ; encore moins avec les qua- tre-vingt dix-neuf [10], ou avec les cent quatre années [11] que d’autres lui donnent. Voyez sur tout ceci les savans recueils de M. Ménage [12]. Il n’oublie pas de citer Arnobe, qui assure que Pythagoras fut brûlé vif dans un temple. Pythagoras Samius suspicione dominationis injustà vivus concrematus in fano est : numquid ea, quæ docuit vim propriam perdiderunt, quia non spiritum sponte, sed crudelitate appetitus effudit [13] ? Justin insinue qu’il mourut sans violence à Métapont, où il s’était retiré après avoir demeuré vingt ans à Crotone ; qu’il y mourut, dis-je, si admiré, que sa maison fut convertie en un temple, et qu’on l’honora comme un Dieu. Cùm anuos viginti Crotonæ egisset, Metapontum migravit, ibi que decessit, cujus tanta admiratio fuit, ut ex domo ejus templum facerent, eumque pro Deo colerent [14]. Valère Maxime ne va pas si loin ; mais il se déclare hautement contre ceux qui disent qu’on le maltraita. Cujus ardentem rogum plenis venerationis oculis Metapontus aspexit : oppidum Pythagoræ quam suorum cinerum nobilius clariusve monumento [15].

Saint Épiphane s’est abusé grossièrement lorsqu’il a dit que Pythagoras mourut au pays des Mèdes [16].

  1. Diog. Laërtius, lib. VIII, num. 39.
  2. Aulus Gellius, lib. I, cap. 9.
  3. Laërtius, lib. VIII, num. 39.
  4. Ἁλῶναι μᾶλλον ἢ πατῆσαι. ἀναιρεθῆναι δὲ κρεῖττον ἢ λαλῆσαι. Capi præstat quàm has dare pessum, cædique satius est quàm quicquàm loqui. Idem, ibidem. Méric Casaubon conjecture qu’au lieu de λαλῆσαι il faut lire ἀλύσαι, vagari, errer misérablement.
  5. Idem, ibidem, num. 40.
  6. Idem, ibidem.
  7. Idem, ibidem.
  8. Idem, ibidem, num. 44.
  9. Idem, ibidem.
  10. Tzetzès, Chil. XI, vs.366.
  11. Anonyme, apud Photium, pag. 2313.
  12. Menagius, in Diogen. Laërt, pag. 391 et seq.
  13. Arnobius, lib. I, pag. 23.
  14. Justinus, lib. XX, cap. IV, pag. 396.
  15. Valerius Maximus, lib. VIII, cap. VII, num. 2, in Extern.
  16. Epiphanius, Hær. XV, pag. 24.

(Q) Quelques auteurs qui ont traité de ses dogmes.] Je me borne aux modernes. Guillaume Cantérus a mis en latin les fragmens de Pythagoras que Stobée a recueillis. Érasme [1], Philippe Béroaldus, le Gyraldi, Claude Minos, François Berni, Nicolas Scutelli, et quelques autres, ont fait des notes sur les Symboles de ce philosophe. Consultez aussi Lipse [2] ; les Commentaires de Rittershusius sur Malchius ; la Dissertation d’Holténius, de Vitâ et Scriptis Pythagoræ ; le Pythagoras de Rodéric de Castre ; Paganinus Gaudentius, de Pythagoreâ animarum Transmigratione ; le Dialogue d’Ambroise Rhodius, de Transmigratione : la dissertation de Claude Lignier, de Sectâ Pythagoricâ, la Thèse de Marc Mappus, de Ethicâ Pythagoræ, soutenue à Strasbourg sous le professeur Schallérus ; la dissertation de Schiltérus, de Disciplinâ Pythagoricâ ; le livre de Jean Scheffer cité ci-dessus ; le livre intitulé : Ethica Pythagorica [3], composé par Magnus Daniel Oméis, professeur à Altdorf. On peut voir aussi notre le Mothe-le-Vayer, dans l’ouvrage de la Vertu des Paiens. On croit que les Vers dorés de Pythagoras sont l’ouvrage de son disciple Lysis. Un ancien philosophe d’Alexandrie, nommé Hiéroclès les commenta : nous avons son Commentaire commenté par le fils de Casaubon. Nous avons aussi les Commentaires qu’ont faits sur les mêmes vers Vitus Amerbachius, Théodore Marcilius, Henri Brem, Michel Néander, Jena Strasélius, Guillaume Diézius, et Magnus Daniel Orméis. J’avais oublié l’ouvrage de Joachim Zehnérus [4].

(R) Un conte que je viens de lire dans un nouvelliste.] « Un auteur moderne a avancé que feu le maréchal de Schomberg, commandant les troupes françaises en Portugal lorsque ce royaume secoua le joug des Espagnols, écrivait ce qui se passait dans ce pays-là sur un verre, et que l’exposant à la lune le cardinal Mazarin, qui était à Paris, à la faveur d’un télescope, lisait dans cet astre tout ce que le maréchal vouleüt lui faire savoir. Si ce secret était aussi véritable que fabuleux, etc. [5] » Puisque le nouvelliste juge sainement de ce prétendu secret, il ne me reste qu’à marquer les anachronismes de ce qu’il rapporte. M. de Schomberg n’arriva en Portugal qu’au mois de novembre 1661 [6]. Le cardinal Maurin était mort depuis huit mois ; et il y avait plus de dix ans que le Portugal avait secoué le joug de l’Espagne.

  1. Au commencement de ses Chilades de Proverbes.
  2. Manuductio ad Philosoph. stoïc., lib. I, dissert. VI.
  3. Imprimé à Alsdorf, 1693.
  4. Pastor ac superintendens Schleugensis. Il publia à Leipsic, l’an 1603, Vitam et Fragmenta Pythagoræ.
  5. Tiré de la page 68 d’un petit livre intitulé : La Clef du cabinet des princes de l’Europe, ou Recueil historique et politique sur les matières du temps, juillet 1704. On croit que ce livre a été imprimé au Luxembourg. Il y a au titre : Imprimé chez Jacques le Sincère, à l’enseigne de la Vérité, M. D. CCIV.
  6. Voyez les Mémoires de Frémont d’Ablancourt, pag. 12.

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