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PYTHAGORAS.

en croyons Justin, il n’eut besoin que de la force de ses instructions ; mais quelques auteurs insinuent qu’elles se trouvèrent trop courtes, et qu’il fallut recourir à une machine plus puissante : ce fut de feindre que l’on était descend dans les enfers, et que l’on y avait vu dans les tourmens les maris qui ne rendaient pas à leurs épouses le devoir du mariage. Cela la mit dans une grande considération. Φησὶ δὲ Ἱερώνυμος κατελθόντα αὐτὸν εἰς ἵδου τὴν μὲν Ἡσιόδου ψυχὴν ἰδεῖν πρὸς κίονι χαλκῷ δεδεμένην καὶ τρίζουσαν· τὴν δὲ Ὁμήρου, κρεμαμένην ὑπὸ δένδρου, καὶ ὄφεις περὶ αὐτὴν, ἀνθ’ὧν εἶπε περὶ θεῶν· κολοζομένους δὲ καὶ τοὺς μὴ θέλοντας συνεῖναι ταῖς αὐτῶν γυναιξί. καὶ δὴ καὶ δία τοῦτο τιμηθῆναι ὑπὸ τῶν ἐν Κρότωνι. Hieronymus verò ait descendisse ad inferos atque Hesiodi quidem animam columnæ æreæ vinculis adstrictam, stridentemque vidisse ; Homeri autem, ex arbore pendentem, serpentesque illam circumdantes, propter ea quæ de diis finxerat. Eos item cruciari qui suis uxoribus congredi nollent : ejusque rei gratiâ à Crotoniatis honoratum [1]. Cette histoire est sans doute le même que celle qu’Hermippus a rapportée. Il dit [2] que ce philosophe étant arrivé en Italie s’enferma dans un logis souterrain, après avoir prié sa mère de tenir registre de ce qui se passerait. Quand il se fut tenu là autant de temps qu’il le jugea à propos, sa mère, comme ils en étaient convenus, lui fit tenir ses tablettes. Il y vit les dates et les autres circonstances des événemens : il sortit de ce lieu-là avec un visage pâle, et tout défait ; il assembla le peuple, et il assura qu’il revenait des enfers ; et, pour le persuader, il récita ce qui s’était fait dans la ville. Il fit gémir et pleurer toute l’assemblée, tant ses auditeurs furent touchés de ce récit : ils ne doutèrent plus que ce ne fût un homme divin, et ils lui donnèrent à instruire leurs femmes. Sans doute ce fut en cette occasion qu’il étonna les mauvais maris, en leur disant qu’on punit avec beaucoup de sévérité dans les enfers ceux qui refusent à leurs femmes les caresses d’obligation. Apparemment il parla aussi des peines qui sont infligées aux femmes galantes, et nous devons croire que ce fut l’une des raisons qui obligèrent les Crotoniates à envoyer leurs épouses à son école. Remarquez bien la contradiction de ce grand maître. Il enseignait d’un côté la métempsychose, sans se borner aux trois déménagemens dont parle Pindare [3] et de l’autre il osait dire qu’il avait vu dans les enfers l’âme d’Homère, celle d’Hésiode, etc., bien tourmentées. La métempsycose détruisait l’enfer, comme il le déclare dans Ovide.

O genus attonitum gelidæ formidine mortis,
Quid Styga, quid tenebras, et nomina vana timetis,
Materiem vatum, falsique pericula mundi ?
Corpora sive rogus flammâ, seu tabe vetustas
Abstulerit, mala posse pati non ulla putetis
[4].

Mais il aima mieux s’acquérir de l’autorité, et se rendre propre à extirper la débauche en se contredisant, que de suivre une méthode bien liée de dogmatiser qui ne fût pas si utile.

J’ai dit qu’il ne se bornait point aux trois déménagements dont Pindare fait mention, et j’en donnerai une preuve manifeste par les vers d’Ovide que je citerai ci-dessous [5]. Forcatulus donc faussement le contraire. Constat, dit-il [6], druidum imitatorem Pythagoram, desultoriam animarum migrationem non-nisi tertiam asseruisse. Nam si perenni serie animas in alia atque alia corpora transcripsisset, quis, quæso, locus fuisset Elysiis campis, aut cæli sedibus ? quod miror satyricis scriptoribus falsis admodùm insulsè derelictum. Quicunque, inquit Pindarus, ter in utrâque vitâ a vitiis alieni fuerunt, viam sibi à Jove destinatam adiêre ad Saturni urbem. Ἐνθα μακάρων νᾶσον Ὠκεανίδες αὖραι περιπνέουσιν, ἄνθεμα δὲ χρυσοῦ φλέγει, id est, ubi beatorum insulam oceannides auræ circumstant, et flores aurei fulgent.

  1. Diog. Laërtius, lib. VIII, num. 21, pag. 505.
  2. Apud Diogenem Laërtium, ibidem, num. 41, pag. 521, 522. Voyez aussi le scoliaste de Sophocle. M. Ménage, in hunc locum Laërtii, pag. 372, 373, cite ses paroles.
  3. Olymp., ode II.
  4. Ovid., Metam., lib. XV, vs 15.
  5. Dans la remarque (M), pag. 240.
  6. Forcat., de Gallor. Imperio et Philosophiâ, lib. I, pag. m. 90.

(G) Les choses auxquelles il travaillait