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PYTHAGORAS.

succédé [1]. Il est vrai peut-être qu’on pourrait dire que le nom de Psamménitus a été changé peu à peu en celui de Semnésertéus : et il ne faut pas oublier qu’il semble que Pythagoras était en Égypte lorsque Cambyse s’en empara ; car il semble qu’il fut l’un des esclaves que ce monarque fit transporter en Perse. On ne saurait mieux prouver cela que par un passage d’Apulée ; mais il faudrait y corriger quelque chose, en ôter Ægyptum et y mettre Ægypto, ce qui brouillerait un peu trop la pensée de l’auteur. Il vaut mieux donc dire que ce passage prouve seulement que Pythagoras fut en Égypte au temps de Cambyse : voyez la remarque (B) de l’article Zoroastre, vers la fin. Voici les paroles d’Apulée : sunt qui Pythagoram aiunt eò temporis inter captivos Cambysæ regis, Ægyptum cùm adveheretur, doctores habuisse Persarum magos ac præcipuè Zoroastrem, omnis divint arcani antistitem, posteàque à quodam Gallo Crotoniensium principe reciperatum. Verùm enim verò celebrior fama obtinet, spontè eum petîsse ægyptias disciplinas, atque ibi à sacerdotibus, cerimoniarum incredendas potentias, numerorum admirandas vices, geometriæ solertissimas formulas didicisse [2]. Jean Bernart n’a pas trop bien réussi à critiquer Pline ; car il lui oppose Eusèbe, comme disant que le règne de Semnésertéus commença en la 43e. olympiade, et finit en la 45e. ; c’est-à-dire que le roi Amasis monta sur le trône environ trente ans après la mort de Semnésertéus [3]. Si cela était, il ne serait pas possible de disculper Pline, ou de le mettre d’accord avec Diogène Laërce. Mais ne soyons en peine pour lui ; l’exposé de Jean Bernard est faux : Eusèbe ne parle point d’un roi d’Égypte qui ait eu nom Semnésertéus.

(C) Il obtint que les dames se défissent de leurs beaux habits et de tous leurs ornemens.] Tout ce que Justin nous dit touchant la réforme introduite par Pythagoras dans la ville de Crotone est si remarquable, que je n’en veux pas retrancher une syllabe. Crotonam venit, populumque in luxuriam lapsum, auctoritate suâ ad usum frugalitatis revocavit. Laudabat quotidiè virtutem : et vitia luxuriæ, casusque civitatum eâ peste perditarum enumerabat ; tantumque studium ad frugalitatem multitudinis provocavit, ut aliquos ex his luxuriatos incredibile videretur. Matronarum quoque separatam à viris doctrinam, et puerorum à parentibus frequenter habuit. Docebat nunc has pudicitiam, et obsequia in viros ; nunc illos modestiam, et litterarum studium. Inter hæc velut genitricem virtutum frugalitatem omnibus ingerebat, consecutusque disputationum assiduitate erat, ut matronæ auratas vestes, ceteraque dignitatis suæ ornamenta, velut instrumenta luxuriæ deponerent, eaque omnia delata in Junonis ædem ipsi deæ consecrarent, præ se ferentes, vera ornamenta matronarum pudicitiam, non vestes esse. In juventute quoque quantùm profligatum sit, victi fæminarum contumaces animi manifestant [4]. Les dernières paroles de cet auteur tiennent un peu du satirique ; car voici comme il y raisonne : puisque Pythagoras dompta l’esprit opiniâtre de l’autre sexe, jugez de ses grands progrès dans la correction des jeunes hommes. Il est sûr que l’attachement à la braverie est une pièce de si grande résistance [5], qu’il n’y a rien qui fasse plus réfléchir les traits des prédicateurs. Voyez l’efficace des sermons de Capistran contre les joueurs [6]. On ne dit pas qu’il fit les mêmes progrès contre les joyaux. Conecte fit plus de conquêtes sur les coiffures par les coups de pierre des enfans, que par les figures de la rhétorique [7]. Voilà donc des prédicateurs chrétiens qui ne purent faire ce de quoi un philosophe païen vint à bout. Mais n’oublions pas la belle action des dames romaines au temps de Camille [8].

En peu de mots, un auteur moderne

  1. Herodot., lib. III, cap. XIV.
  2. Apuleius, Floridor., lib. II, p, m. 352.
  3. Johan. Bernardius, in Boëtium, de Consol. Philosoph., lib. I, pag. 169.
  4. Justin., lib. XX, cap. IV, pag. m. 395.
  5. Voyez l’article Périandre, tom. XI, pag. 582, citations (6) et (7).
  6. Tom. IV, page 405, remarque (E) de l’article Capistran.
  7. Voyez l’article Conecte, tom. V, pag. 278, remarque (D).
  8. Voyez l’article Camille, tom. IV, pag. 387, remarque (C).